Fuir ses responsabilités, en se cachant derrière les faux-fuyants ou en se cherchant des bouc-émissaires serait universel. Dans certaines sociétés (et celle qui m’a enfanté n’est pas du reste), quand on se cogne la tête contre un mur, on s’écrie le plus naturellement du monde : ‘’Le mur m’a frappé!’’.

Ah le méchant mur !

Absurde ? Pas tant que ça quand on se réfère à la théorie du chaos : Le mur est coupable car il viole le désordre en restant figé. L’ordre ne serait pas une vertu; ce serait le désordre qui le serait. Ne vous en faite pas : je suis aussi perdu que vous en rédigeant cette aberration ici ! Passons à la suite, car il faut absolument justifier ce titre qui met en cause des bêtes aussi gentilles que des agneaux et d’autres bêtes (nous) aussi innocentes que des loups.

Maintenant c’est le réchauffement de la planète qui nous « rentre dedans » de plein fouet et qui est en cause. Et les faits sont là : L’Agence océanique et atmosphérique américaine (National Oceanic and Atmospheric Administration, NOAA) et l’Agence spatiale américaine (National Aeronautics and Space Administration, NASA), viennent de confirmer conjointement (une fois n’est pas coutume) que l’année 2015 que nous venions d’enterrer fut l’année la plus chaude depuis 1880.

Pourquoi 1880 ? Tout simplement parce que ce fut l’année où quelqu’un a eu l’idée de commencer à enregistrer les températures, entre autres; histoire de nous empêcher de foncer droit vers le précipice. Peine perdue ! D’ailleurs les hurluberlus (qu’on nomme communément climatologues) n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme. Mais il ont la malédiction des prophètes; Et comme les prophètes, lorsqu’on commencera à les croire, c’est que c’est déjà trop… tard !

Bref selon le journal le Monde (20-01-2016), ‘’L’année 2015 se classe ainsi largement en tête des années les plus torrides, devant, dans l’ordre, 2014, 2010, 2013, 2005, 2009 et 1998 ‘’. Et de souligner en citant (hélas) des climatologues que ‘’Jamais encore un tel différentiel n’avait été enregistré entre deux années chaudes successives’’.

Alarmant pour le troupeau humain que nous sommes ? Pas tant que ça: Nous avons tant à faire : Donner des coups de cornes aux supposés moutons noirs de la troupe, fuir les présumées brebis galeuses parmi nos semblables et, paroxysme de ‘’courage’’, voter pour le loup histoire d’emm… les congénères.

Et nos loups à nous sont savants ou politiciens…

Il ne pleut pas au Maroc ? Nos savants sont là pour nous sortir de leur chapeau tout un bouc-émissaire : L’anticyclone des Açores ! Il n’a pas neigé un flocon, Noël dernier, à Montréal (c’est la première fois que je vois ça depuis 1991), pas de problème : C’est juste El Nino qui fait des siennes !
Mais, dirais-je, il n’était pas si méchant que ça cet anticyclone des Açores durant les quarante années que j’avais passées au Maroc avant d’immigrer au Canada ! Le froid était toujours au rendez-vous dès le mois d’octobre avec pluie, verglas le matin et tout le tralala.. Il y avait bien quelques épisodes de sécheresse mais rien de comparable à ce qu’on voit maintenant !
Culpabiliser El Nino et l’anticyclone des Açores, entre autres conséquences des changements climatiques, serait comme crucifier la balle qui tue et acquitter l’assassin qui a visé la victime et a appuyé sur la détente ! Et les assassins derrière tous les El Nino, tous les Anticyclones, les tornades et les ouragans… ce sont nous, les humains !

Le silence des agneaux trouve son explication dans le fait que les agneaux ont été enfantés par des moutons et que les moutons ne peuvent rien contre le boucher. Notre silence à nous ne peut aucunement être excusé par le fait que nous sommes devenus des moutons de Panurge; égoïstes de surcroit et avides de notre confort et de notre train de vie à outrance, et ce, à tous les niveaux et en passant outre l’avenir de nos propres enfants ! ‘’L’hiver est devenu un printemps au Canada et Montréal vient de battre un nouveau record de chaleur ce début du mois de février’’ annonça Mme Météo-Média à la Télé.
Youpi ! S’exclama Monsieur ou Madame tout le Monde : ‘’Ma facture de chauffage va se réduire comme une peau de chagrin !
Hourrah ! Entonnèrent tous les maires des villes canadiennes, de l’Alaska ou de la Sibérie. ‘’Les mairies vont sauver les millions destinés au déneigement’’.
‘’Yes ! À nous les richesses minières du Grand Nord’’ répondirent en chœur les chefs de gouvernements et les patrons des compagnies minières du Canada à la Sibérie en passant par l’Alaska.

Quant à ceux des pays du Sud, peuples et dirigeants, ils n’ont qu’à marcher en criant leur misère vers leur perte. Et ce serait peut-être là, la différence entre nous et les agneaux : Nous, nous marchons vers notre perte, les uns en chantant et les autres en pleurant. Quant aux agneaux, ils marchent vers l’abattoir en silence… Nous ne valons pas mieux qu’eux.

A. El Fouladi, Maghreb Canada Express, Vol. XIV, N° 02, page 3, FÉVRIER 2016  

Lire le journal en Format PDF :>>

 

By AEF