Plus de 6 000 Nord-Africains ont rejoint les guerres en Syrie et en Irak depuis 2011. Environ 25% d’entre eux seraient morts, mais 30% sont probablement rentrés chez eux – la majorité revenant en Libye, en Tunisie, en Algérie et au Maroc.

Le coordinateur antiterroriste marocain a récemment mis en garde contre la menace d’un « grand nombre » de combattants revenant d’Irak et de Syrie, et les experts s’inquiètent de ce qu’ils pourraient représenter comme risque pour la sécurité à leur retour.

Les analystes de sécurité avertissent que les combattants qui reviennent constituent une menace importante. Ces djihadistes « rapatriés » avec une expérience de combat et de formation militaire, pourraient commettre des atrocités comme les attaques de Paris ou de Bruxelles.

Comment les gouvernements nord-africains devraient-ils traiter ces djihadistes de retour? Ce n’est pas une question facile. De nombreux observateurs et analystes ont fait valoir qu’il est préférable de leur permettre de revenir, puis de les poursuivre dans leur pays d’origine.

Mesures préventives pour contrer l’extrémisme

Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée des affaires intérieures, a lancé un appel aux gouvernements lorsqu’elle a déclaré que « trop peu d’États membres de l’UE font face à cette menace grandissante. Nous avons besoin de mesures préventives fortes pour contrer l’extrémisme sous toutes ses formes. »

Cela fait craindre que « Daesh » et d’autres organisations terroristes vont lancer de nouvelles attaques terroristes dans des pays étrangers alors que leurs combattants retournent dans leurs pays d’origine. Les deux dernières années ont déjà vu un changement dans les tactiques de « l’État islamique » alors que les attaques contre les civils à l’étranger se sont multipliées.

L’Afrique du Nord a traditionnellement été l’arrière-cour d’une activité terroriste majeure, principalement Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Le groupe « Daesh » représente également une menace importante pour la région, pour les civils et les intérêts occidentaux.

53 cellules démantelées au Maroc

Depuis 2014, les autorités marocaines ont démantelé 53 cellules terroristes associées à l’organisation de «l’État islamique», connu sous le nom de «Daesh»; alors qu’environ 1664 Marocains ont participé au conflit syro-irakien (dont 285 femmes et 378 enfants) parmi lesquels 221 sont rentrés chez eux, tandis que 596 ont été tués (selon le Ministère de l’Intérieur).

Les menaces terroristes ont créé un sentiment d’insécurité dans de grandes parties de la région, et «Daesh» en a été l’auteur principal. Les Occidentaux ont été attaqués en Algérie, en Tunisie, au Mali, au Niger et dans d’autres pays, amplifiant encore le sentiment d’insécurité et d’instabilité.

Cela est particulièrement vrai à la lumière de la saisie d’un territoire important en Libye par «Daesh». Il a joué pendant un certain temps le rôle d’un organe de gouvernance dans la ville de Syrte, en Libye. Cela lui offre une plate-forme de lancement confortable d’attaques à travers d’autres villes libyennes, et transnationalement en Algérie et en Tunisie – et potentiellement en Europe.

Nécessité d’une approche globale pour contrer la menace

Pour faire face à ces menaces, les pays d’Afrique du Nord ont pris des mesures de sécurité et luttent contre la radicalisation des jeunes et l’extrémisme violent. Mais ce qui manque, c’est une approche régionale globale, ainsi que la coopération et le partage d’informations entre les gouvernements. C’est toujours l’exception de voir les gouvernements de la région coopérer, combiner des ressources et partager des renseignements pour combattre un adversaire commun.

Ce que les données disponibles suggèrent, c’est que les gouvernements doivent répondre de façon réaliste à un problème complexe. Et ils doivent accepter que le fait d’opter pour la réintégration des (anciens) terroristes afin de minimiser les possibilités de violence future ne veut pas dire qu’on adopte une approche douce. De manière réaliste, c’est la seule approche.

L’approche marocaine

Certains pays ont mis en œuvre des programmes importants. Par exemple, le Maroc a pris des mesures proactives dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme avec une approche pratique qui a contribué au démantèlement d’un grand nombre de cellules terroristes (dont les plus récentes le furent à Tanger et Meknès ce 1ier février 2018 avec l’arrestation de 7 présumés terroristes. NDLR). Ces mesures importantes comprennent: le recyclage des imams pour enseigner et diffuser un Islam tolérant et pacifique; la formation des guides religieux pour éduquer les jeunes femmes et hommes dans les écoles, les prisons et autres espaces publics sur les vrais principes de l’Islam; la réforme de l’éducation afin que les écoles deviennent plus ouvertes et intégrées à la modernité et plus orientées vers la résolution de problèmes; la surveillance des mosquées afin qu’elles ne deviennent pas un paradis sûr pour l’extrémisme et le discours de la haine; la lutte contre l’exclusion sociale par le biais de l’Initiative nationale pour le développement humain, lancée par le gouvernement en 2005; et l’augmentation et le renforcement des services de sécurité.

D’autres programmes nationaux méritent d’être pris en compte: une approche communautaire favorisant la citoyenneté participative et encourageant le développement local; des plans de carrière pour les ex-combattants et autres; microprojets pour les petites et moyennes entreprises; assistance en matière de soins de santé; initiatives culturelles pour les arts et la musique; et utilisation des médias, en particulier les médias sociaux, pour promouvoir la cohésion sociale.

Contre-mesures

Pour rendre la réintégration des djihadistes de retour possible, les gouvernements doivent adopter une approche globale. Cela impliquerait d’inclure les familles des rapatriés, les quartiers et les communautés locales dans le processus. Cela nécessite également un partenariat avec les gouvernements, les écoles, les universités, les organisations de la société civile et le secteur privé.

Toutes ces contre-mesures impliquent que nous avons besoin d’une combinaison de réponses solides et souples pour faire face aux menaces sécuritaires posées par les radicaux, telles que les lois antiterroristes, le suivi des rapatriés, l’emprisonnement associé à la réinsertion et la rééducation, le soutien psychologique et la formation professionnelle, etc.

Attaques des loups solitaires

Récemment, les attaques de loups solitaires sont devenues de plus en plus fréquentes et  meurtrières. La dernière en date a été perpétrée  novembre dernier à New York. Prévenir le prochain attentat terroriste  par un «loup solitaire» nécessite des capacités locales, nationales et régionales plus fortes: les capacités de contrôle du cyber doivent être une priorité, la sensibilisation communautaire reste un outil essentiel et les mesures politiques doivent être réexaminées à la fois en termes de meilleures pratiques et du cadre juridique.

Enfin, les gouvernements nord-africains devraient concentrer leurs efforts sur les questions économiques, politiques et sociales pour trouver des solutions concrètes aux problèmes réels et s’engager avec la société civile et les jeunes, en utilisant une approche communautaire pour gérer la menace terroriste

Moha Ennaji (*) pour Maghreb Canada Express, page 14, Vol. XVI, N° 1 et 2, Janvier-Février 2018

Note : (*) Pr. Moha Ennaji est l’auteur de plusieurs ouvrages dont “Muslim Moroccan Migrants in Europe: Transnational Migration in its Multiplicity” publié par Palgrave-Macmillan aux États Unis en 2014.

Pour lire  l’édition du Janvier-Février 2018, cliquer sur l’image:

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