Au cours de la période 2012-2016, le Fonds Monétaire International ( FMI) a octroyé au Maroc trois Lignes de Précaution et de Liquidité ( LPL) portant sur un montant global de 14,7 milliards de dollars : 6,2 milliards en 2012, 5 milliards en 2014 et 3,5 milliards en 2016.Il s’agit d’un record historique, réalisé par le gouvernement piloté par Abdelilah Benkirane. Pour ceux qui maitrisent le fonctionnement et la philosophie du FMI, ce recours massif aux LPL ne signifie qu’une chose à savoir le fait que le Maroc a décidé, en toute souveraineté, de demeurer sous le joug du FMI.L’interpréter autrement serait une fabulation absurde et une contre-vérité, que le  temps et les faits réels ne manqueront  pas de dévoiler.

Mise en place par le FMI,  il y a seulement quelques années , la LPL est un instrument financer qui  a pour objectif d’apporter des financements pour satisfaire des besoins réels ou potentiels de la balance des paiements des pays-membres qui mènent « de bonnes politiques économiques » . Contrairement à la Ligne de Crédit de Précaution (LCP)  qui a été conçue pour être gardée en réserve, la LPL qui l’a remplacée,  a été créée  pour être utilisée immédiatement. Comparée à son ancêtre (LCP), La LPL a, donc,  l’avantage de pouvoir apporter  des  liquidités mobilisables immédiatement et ce,   en cas de besoin urgent de financement de la balance des paiements. La LPL est donc une assurance contre des chocs extérieurs imprévus.

Tous ceux qui s’intéressent à l’architecture financière internationale et notamment au fonctionnement et à la finalité des institutions de Bretton Woods, à savoir  le FMI et la Banque Mondiale,   savent  pertinemment que l’assistance accordée par celles-ci n’est pas gratuite. Les prêts accordés par ces deux institutions internationales aux pays, généralement très endettés, sont conditionnés. En effet, le FMI conditionne l’octroi des prêts à la mise en place de réformes structurelles devant soutenir la croissance économique à moyen et long termes et assurer la soutenabilité des finances publiques. Ce qui devrait permettre  à l’ Etat-demandeur de recouvrer sa  solvabilité et de disposer  de bonnes  marges de manœuvre budgétaires en vue d’honorer ses engagements ( surtout extérieurs), et éviter de se trouver sous le coup  de cessation de paiement.

Ces conditions, souvent draconiennes et impopulaires, ou plus exactement cette  règle sacro sainte qui découle de la philosophie, de la finalité  et du mode de fonctionnement des institutions de Bretton Woods n’admet aucune exception. C’est pourquoi, les observateurs avertis estiment, à juste titre d’ailleurs,  que le Maroc n’a pu décrocher ces trois LPL  portant sur ces  énormes montants que suite à des engagements qu’il a dû  prendre officiellement envers  le FMI. A cet égard, il   convient de préciser que dans une lettre conjointe  qui serait adressée au FMI, le 11 juillet 2014, le ministère des Finances et Bank  Al-Maghrib ( Banque Centrale) ont listé les engagements pris par le Maroc vis-à-vis de cette institution financière internationale. Selon certaines informations relayées par la presse locale, la liste  des engagements pris,  les réformes promises et  les  mesures décidées par les autorités marocaines serait assez longue. Parmi les réformes décidées  par le gouvernement marocain pour confirmer davantage son statut de bon élève du FMI, on peut citer la réforme du système de compensation dans toutes ses composantes (carburants, farine et gaz butane ….), la réforme du système  des retraites, la réduction de la masse salariale dans la fonction publique, l’assouplissement  du taux de change du Dirham dans le cadre d’une stratégie qui devrait déboucher sur le flottement total après quelques années, la réduction du déficit  budgétaire ainsi que  la refonte du cadre légal, institutionnel et réglementaire de la privatisation, en cours depuis 1993. Il s’agit de tout un programme bien ficelé et  avec des échéances fixées à l’avance. Evidemment, dos au mur, le Maroc n’avait pas d’autres alternatives. Il était  obligé d’accepter le diktat du FMI et amorcer les réformes exigées par les institutions de Bretton Woods dont la mission principale et prioritaire est d’arriver à  élargir  les bases et le champ d’action du  libéralisme économique par la généralisation de la  loi  du marché,  la promotion/domination du  secteur privé dans le monde et le démantèlement du secteur public (privatisation des entreprises publiques et désengagement de l’Etat). Le FMI et la Banque Mondiale  exigent aussi une indépendance accrue des banques centrales et la libéralisation du marché de travail. Par conséquent, pour être éligible à une assistance du  FMI, un pays donné doit, au préalable,  s’engager à :

  • Réduire le déficit budgétaire ;
  • Laisser flotter sa monnaie ;
  • Libéraliser le commerce international en réduisant au maximum les barrières protectionnistes ;
  • Eliminer le dispositif visant le contrôle des prix (pas de plafond ni de plancher) ;
  • Supprimer les subventions accordées par l’Etat ;
  • Privatiser les entreprises publiques ;
  • Adopter un cadre légal favorisant le respect absolu de la propriété privée ;
  • Réduire l’ampleur de la corruption.

En 1983, la dégringolade du prix des phosphates, la principale source d’approvisionnement du budget de l’Etat à l’époque, le deuxième choc pétrolier,  l’appréciation du dollar et l’augmentation vertigineuse des taux d’intérêt  ainsi que le tarissement  du stock des réserves en devises qui s’est établi à seulement 6 jours d’importation,  ont installé le Maroc dans une situation économique catastrophique. Se trouvant presque sous l’emprise d’une  cessation de paiement, le Maroc « n’avait plus de choix ». La seule option dont il disposait était de recourir au FMI et d’accepter ses conditions tout en entamant des négociations  sur le rééchelonnement de sa dette extérieure envers le club de Paris et celui de Londres (créanciers publics et privés). Ainsi,  le Maroc s’est lancé, à partir de 1983, dans la mise en œuvre du Programme d’Ajustement structurel ( PAS) qu’exige le FMI, en contrepartie de l’octroi de son aide. Au cours des décennies 80 et 90 du siècle dernier, le Maroc a entamé, dans le cadre du PAS,  une multitude de réformes structurelles visant le redressement économique. Le Maroc a pu, au cours desdites décennies,   satisfaire plusieurs exigences du FMI notamment celles concernant la libéralisation du commerce international, l’élimination du contrôle des prix, l’amenuisement  des subventions étatiques,  la privatisation des entreprises publiques à partir de 1993 en « se contentant de ne céder que ses bijoux ». Tout en saluant, en termes fort élogieux,  les résultats enregistrés par le Maroc, le Fonds Monétaire International,  qui considère son programme comme un tout indivisible, a continué d’harceler les gouvernements marocains successifs en leur demandant, avec insistance, d’entreprendre des efforts supplémentaires dans les autres volets à savoir la diminution significative du déficit budgétaire, le flottement de la monnaie nationale, l’atténuation de l’ampleur de la corruption  et le lancement d’une nouvelle vague de privatisations.                                            

Le gouvernement marocain qui a fini par obéir au diktat du FMI, a décidé d’accéder à ses revendications,  à partir de 2015.

En  2015, et en sa qualité d’élève presque modèle du FMI, le gouvernement marocain, qui a tenu à « joindre  la parole aux actes », a amorcé un  second programme  de réformes pour honorer ses engagements vis-à-vis du FMI. Ainsi, le Maroc  a adopté, sans l’affirmer ouvertement, une nouvelle batterie de mesures pour boucler la boucle,  en engageant de nouvelles réformes  qui lui permettent de satisfaire les autres  exigences du FMI. C’est-à-dire les exigences qu’il n’a pas pu respecter au cours des tente dernières années,  dont notamment la réduction du déficit budgétaire qui doit être ramené à 3% du PIB, le flottement de la monnaie et la relance du programme de privatisation amorcé en 1993, conformément à la loi 39-83 autorisant le transfert des entreprises publiques au secteur privé.

Pour pouvoir réduire le déficit budgétaire, il n’y a pas de recette magique. Il faut augmenter les recettes et réduire les dépenses publiques. Pour atteindre cet objectif,  le gouvernement     Benkirane II ( octobre2013-2016)  a opté pour la méthode la plus facile qui consiste à augmenter les recettes, surtout fiscales, et réduire  les crédits alloués à la caisse de compensation et à la contribution de l’Etat aux régimes  des retraites et surtout à la Caisse Marocaine des Retraites ( CMR) en revoyant l’affectation des  crédits budgétaires   affectés  à la rubrique « Charges communes ».Ces dernières, qui font partie du budget général de l’Etat( budget des ministères), sont constituées des charges de l’Etat ( dépenses ordinaires)   qui ne peuvent être ventilées par ministère à cause de leur caractère général,  dont notamment les fonds alloués à la caisse  de compensation et au  paiement de la contribution de l’Etat à la  Caisse Marocaine des Retraites ( CMR).

Aussi, et en application de la lettre conjointe du 11 juillet 2014, les autorités marocaines ont lancé un  programme  complémentaire de réformes, articulé  autour des principaux axes suivants :

Réforme  de la Caisse de Compensation :

Pour le gouvernement marocain, la réforme de la Caisse de Compensation était  inévitable et devait être entreprise, sans tarder, vu l’aggravation continue du déficit budgétaire depuis des années.  Certains responsables gouvernementaux estiment que : continuer à accorder des subventions par le biais du budget général  de l’Etat pour soutenir les prix de certaines denrées de consommation dont les carburants, le gaz butane, la farine et le pain… serait « une attitude irresponsable et une aberration » qui aura comme conséquence directe l’alourdissement du déficit budgétaire qui a atteint des taux alarmants,

Convaincu « de la pertinence de son approche »,  le gouvernement marocain a décidé, le 1er décembre 2015, de passer à la libéralisation des prix des carburants. Ce faisant,  il a  franchi  le premier pas  devant l’amener à entamer, ultérieurement, une réforme totale mais graduelle du système de la compensation. En réalité, le projet de réforme  amorcé par le gouvernement marocain de l’époque  vise  la suppression, pure et simple, des subventions accordées par l’Etat pour soutenir les  prix des produits de  consommation de base. L’objectif  final et inavoué est d’arriver à   imposer la vérité des prix, une notion très chère au FMI.

A ce sujet, il sied de rappeler que la Caisse de Compensation a été créée en 1941, c’est-à-dire durant la période coloniale,  sous forme d’établissement public. Ella a été réorganisée en septembre 1977. Sa mission consista  à subventionner les prix des produits de consommation de base afin d’éviter une  dégradation du pouvoir d’achat et du niveau de vie de la couche sociale  la plus déshéritée. En 2012, première année du gouvernement d’Abdelilah Benkirane, le montant de la subvention versée, à cet effet, par le truchement du budget général de l’Etat a atteint un montant de 53,3 milliards de Dhs (5,61 milliards de dollars). Une année après, c’est-à-dire en 2013, cette subvention a chuté pour  s’établir à seulement 42,5 milliards de Dhs, soit un taux de régression  de 20,26%. Depuis cette date, les crédits budgétaires affectés  à  la Caisse  de  Compensation  ne cessent  de baisser d’une façon très significative. Il convient de préciser que les institutions de Bretton Woods imposent la suppression des subventions, qu’elles considèrent comme une pratique incompatible avec la philosophie ultralibérale et le libre jeu de la loi de l’offre et de la demande.

La réforme du système des retraites :

Annoncé depuis quelques années,  la réforme des régimes de  retraite  est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Il s’agit d’une réforme sélective et paramétrique qui n’a touché que la Caisse Marocaine des Retraites (CMR). Craignant un épuisement total des réserves des caisses de retraites vers 2022, le gouvernement marocain a « dû agir rapidement » pour éviter une catastrophe prévisible. En vertu   de cette  réforme, l’âge de retraite  passera  progressivement de 60  à 63 ans en 2019. En plus du relèvement de l’âge de retraite, la réforme lancée en 2017 exige une augmentation de 4 points  des cotisations des 400 000 fonctionnaires affiliés à la CMR. La Cour des Comptes a vivement critiqué cette réforme. De leur côté,  les syndicats ont rejeté fortement cette réformette, car ils estiment qu’une vraie réforme  doit être  globale pour concerner tout le système et tous  les régimes  des retraites.

A cet égard,  il est à préciser que le gouvernement marocain a mis  en exergue l’existence d’un déficit chronique de la CMR sans donner  la moindre  précision  sur sa genèse  et les facteurs qui  l’ont produit ( baisse du nombre des postes budgétaires crées par  la fonction publique, augmentation du taux de chômage, surtout des jeunes,  et mauvais emploi des ressources des caisses…). Tout le monde sait que le déficit cumulé par la CMR est devenu inquiétant et intenable mais,  rares sont les personnes qui peuvent expliquer à la population marocaine les vrais facteurs qui ont poussé  la CMR à connaitre ce sort peu enviable. Il faut savoir aussi qu’en novembre 2015,  le FMI avait demandé au gouvernement marocain de procéder, sans trop tarder, à une réforme des régimes de retraites.

Fiscalisation agricole

Exonérés d’impôt  pendant plus de 30 ans en vertu d’une décision prise par Feu Hassan II en 1984 pour  les aider à faire face aux conséquences désastreuses d’un long cycle de sécheresse qui a sévi au Maroc au début de la décennie 80 du siècle dernier, les exploitants agricoles ont été priés de mettre la main à la poche,  en 2014. Il s’agit en fait d’une recommandation formulée par le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), en 2012. Lors de son discours du 30 juillet 2013, le Roi Mohammed 6  a annoncé  la fin de l’exonération des agriculteurs. Par voie de conséquence, ceux-ci  ont été appelés à rejoindre le système fiscal. Quelques mois seulement après le discours royal, une partie des exploitants agricoles ont été  imposés. En effet,  les  grands agriculteurs  à savoir ceux qui ont  réalisé un revenu annuel supérieur à 35 millions de Dhs ont été  priés de passer à la caisse, en 2014. En 2015, cette limite a été ramenée à 20 millions de Dhs. Par conséquent,  les agriculteurs dont le revenu annuel est inférieur à  20 millions de dhs  ont continué   de bénéficier  du même avantage et partant de l’exonération fiscale jusqu’au 31 décembre 2017. En effet,  la Loi des  Finances 2018  invite une troisième catégorie d’agriculteurs à rejoindre le club des opérateurs assujettis à  l’impôt. Il s’agit des agriculteurs qui réaliseront un revenu annuel supérieur à 10 millions de Dhs. Pour le moment, il parait que ce nouvel impôt  qui a le mérite de renforcer l’équité fiscale,  n’aura pas un grand effet sur les recettes ordinaires de l’Etat à cause de l’importance  du revenu annuel  minimum  fixé pour la fiscalisation agricole. Néanmoins, il s’agit d’une initiative louable qui consacre le principe selon lequel « celui qui gagne de l’argent doit payer les impôts».

La réduction du déficit budgétaire

Le gouvernement marocain compte ramener  le déficit budgétaire à 3% du PIB  en 2018. De 4,2 % en 2015, le déficit budgétaire passera donc à 3% en 2018, soit donc une baisse de 1,2 point en trois ans. Il faut rappeler que la réduction du déficit budgétaire est l’une des principales conditions imposées par le FMI.

La réduction de la masse salariale dans la fonction publique

Pour être en mesure de réaliser cet objectif, le gouvernement marocain  a eu recours à deux mesures à savoir le gel des salaires et la réduction des postes d’emplois dans la fonction publique. En 2016, le nombre des  postes budgétaires créés par l’Etat( emplois dans l’administration publique) a été de l’ordre de 25 995 postes. En 2017, ce nombre a été ramené à 23 768 postes. Pour sa part, la Loi des Finances au titre de l’année 2018 prévoit la création de 19 315 postes budgétaires seulement. Ainsi, Entre 2016 et 2018, le nombre des postes  budgétaires créés devra enregistrer une baisse de 25,7%,  soit une perte de 6680 postes et ce, dans un pays où le vrai taux de chômage est alarmant et où l’opération de recrutement  par le secteur privé n’obéit  que très rarement aux  critères de  la compétence et de  la qualification. Le clientélisme et les relations familiales  demeurent les facteurs déterminants qui influencent et orientent les recrutements par le secteur privé.

Le lancement d’une nouvelle vague de privatisations

Une récente étude menée sur les entreprises et les établissements publics (EEP) a abouti à   la nécessité de procéder rapidement  à la refonte du cadre légal, institutionnel, et réglementaire du processus de  privatisation en cours, depuis 1993.L’objectif est  d’amender la loi 39-89 autorisant le transfert des entreprises publiques au secteur public. Selon le rapport sur les EEP accompagnant la Loi des Finances 2018, la privatisation sera décidée en fonction de certains critères dont notamment le caractère stratégique des entreprises et leur rôle dans l’accompagnement des politiques économiques et sociales de l’Etat. A ce sujet, il convient de préciser  que jusqu’au 31 décembre 2016,51 sociétés et établissements publics ont été transférés au secteur privé, ce qui a permis à l’Etat marocain de disposer d’une recette globale de 102,9 milliards de DHs( soit presque 11 milliards de dollars). Au cours de cette période (1993-2016), le gouvernement marocain  a cédé, ou plus exactement bradé,  presque tous « ses bijoux » très convoités par le secteur privé mais dont la privatisation ne posait pas de sérieux problèmes pour la politique et la stratégie économique  de l’Etat. Parmi les entreprises publiques privatisées, entre 1993 et 2016, figurent : Maroc Telécom, la BNDE( Banque Nationale pour le Développement Economique), CIOR( ciment),Régie des Tabacs, Shell-Maroc, la  SAMIR( raffinerie de pétrole) et COTEF ( complexe de textile de Fès)….

 La majorité des entreprises et les établissements  publics  qui ont échappé à la première phase de privatisation, en cours depuis 1993, jouent  un rôle économique et social stratégique et de très haute importance pour l’Etat.  C’est pour cette raison que la Loi des Finances s’est contentée d’annoncer la décision prise par l’Etat  de procéder à une refonte de la loi 39-89 et ce,  pour exprimer sa volonté d’honorer ses engagements vis-à-vis du FMI tout en se donnant le temps nécessaire pour réussir une seconde vague  de privatisations, sans perdre son emprise sur les principaux outils de sa politique économique et sociale. En 2018, 210 établissements publics opèrent dans plusieurs secteurs clés dont l’agriculture, la santé, l’éducation, l’énergie, le tourisme, les finances, l’urbanisme et l’aménagement, ainsi que les infrastructures de base… En 2018, on a recensé  43 entreprises publiques à participation directe du Trésor marocain ayant  un rôle socio-économique crucial et stratégique telles que l’OCP ( phosphates), la RAM ( transport aérien) , l’ONCF ( transport ferroviaire), l’ONEE ( eau potable et électricité),  la CDG ( finances), l’ADM ( autoroutes), en plus de MASEN             ( énergies renouvelables) et  Barid Al Maghrib( poste)  …

Assouplissement du régime de          change

Le 15 janvier 2018, le Maroc a passé à un régime de change  plus souple. Cette première étape s’inscrit dans le cadre d’un processus progressif qui devrait déboucher sur le  flottement du dirham et partant une libéralisation complète de la monnaie marocaine, après une phase transitoire qui s’étalerait sur une période de 10 à 15 ans. Le régime de change en vigueur au Maroc reste toujours un régime administré où les autorités monétaires marocaines ( Bank Al-Maghrib) continueront de jouer un rôle déterminant et décisif. Le changement introduit au début de cette année ne concerne, principalement, que la marge de fluctuation à la hausse ou à la baisse qui exigera une intervention des autorités marocaines afin d’éviter une appréciation ou dépréciation excessives du dirham. A partir du 15  janvier 2018, cette marge  qui était fixée à 0,3% auparavant,  a été élargie pour atteindre 2,5%.  Concrètement, cela veut dire que, dorénavant,  les autorités marocaines ne doivent intervenir que si la fluctuation du dirham (appréciation ou dépréciation) se situe au-delà de la marge fixée, c’est-à-dire 2,5%.Par conséquent, si la valeur  du dirham ne dépasse pas les limites inférieure ou supérieure  de cette fourchette, les autorités monétaires n’ont pas le droit d’intervenir. Il convient de rappeler  que l’introduction de cette réforme, qui devrait avoir lieu en juillet dernier, a été reportée à la dernière minute.

Evidemment,  pour réussir ce pari et arriver, comme souhaité et planifié, à une libéralisation complète du dirham d’ici 10 à 15 ans, le Maroc doit nécessairement créer les conditions économiques  qui permettent un accroissement substantiel de la demande sur sa monnaie. Sinon, la dépréciation alarmante du dirham sera  inéluctable et même irréversible. En effet, la valeur  d’une monnaie (taux de change) est intimement liée à la richesse  et à  la puissance économique du pays concerné. Dans un régime de change flottant,  le dirham sera considéré  comme  une marchandise,  c’est-à-dire que   sa   valeur sera  déterminée   par le libre jeu de l’offre et de la demande. A ce sujet, il importe de préciser que la monnaie conserve, quand  même,  certaines particularités qui la différencient de toutes les autres marchandises et ce,  même dans un régime de change entièrement flexible.

 Le Maroc doit agir, et dès maintenant,  sur les facteurs  qui déterminent le niveau de  la demande sur le dirham, dont notamment  l’offre exportable- sur les plans quantitatif et qualitatif-  et les capacités  d’accueil des touristes étrangers. Ces deux postes figurent  parmi les principaux pourvoyeurs de devises étrangères et les principaux facteurs qui agissent positivement ou négativement sur la demande du Dirham. Avec un déficit  chronique et  structurel de la balance commerciale et un taux de couverture des importations par les exportations largement en deçà de 60%, et une  offre touristique très moyenne et peu  diversifiée, la demande sur le  Dirham sera insuffisante pour le maintenir , même  au niveau actuel, ce qui va entrainer  sa  dépréciation . Pour éviter de  se trouver dans ce cas de figure, le Maroc doit agir dans le cadre d’une politique économique générale, globale et cohérente  qui prend en considération les objectifs et les échéances fixées par  la politique monétaire. La valeur du Dirham ne peut dépendre que des performances économiques du Maroc, c’est-à-dire de son tissu industriel et du niveau  quantitatif de sa production et de sa diversification.

La lutte contre la corruption   

Avec un score de 36/100, le Maroc occupe le 90ème rang  sur les  168 concernés par le classement de Transparency International sur la  perception de la corruption. Pire encore, il a perdu 8 places en 2015 et 2 en 2016. Par ce résultat médiocre et décevant, le Maroc  occupe le 9ème rang dans le monde arabe.

Malgré une volonté affichée par les autorités marocaines, et les énormes fonds dédiés à la lutte contre ce fléau dévastateur, le  Maroc n’arrive pas à s’en débarrasser. A cet égard, il importe de savoir que les fonds alloués à la lutte contre la corruption sont de l’ordre de 1,8 milliards de Dhs. Il s’agit d’une ligne budgétaire dont l’ordonnateur est  le chef de gouvernement. En mai 2016, le Maroc a lancé un ambitieux programme de lutte contre la corruption. En dépit de ces efforts vivement soutenus par la coopération internationale, la corruption   résiste et s’amplifie au fil des ans comme si c’était une fatalité, entièrement indépendante de la volonté des êtres humains.

Ainsi, il parait clairement  que les gouvernements marocains ne décident  d’agit avec promptitude, efficacité et fermeté que lorsqu’il s’agit de porter atteinte aux intérêts économiques de la population et surtout de la couche la plus déshéritée comme c’était le cas pour la suppression  des subventions étatiques aux prix des produits de consommation de base,  la réduction de la masse  salariale dans la fonction publique, la réduction du déficit budgétaire  et le lancement imminent d’une seconde vague de privatisation… Par contre, lorsqu’il s’agit d’actions de protection de la population contre la précarité, l’arbitraire, les abus et la corruption qui fait perdre au Maroc plusieurs points de croissance économique, le gouvernement adopte une attitude passive marquée par une inertie presque totale. En agissant de cette manière, le gouvernement oublie que le programme du FMI est un tout indivisible dont la lutte contre la corruption n’est qu’un volet parmi d’autres. Pour arracher la bénédiction du FMI et confirmer son statut  d’élève-modèle, le gouvernement marocain  doit mettre en œuvre  toutes  les   recommandations (exigences) du FMI dont la lutte contre la corruption. Le FMI ne peut être « généreux » qu’avec les pays qui a acceptent, « en toute souveraineté »,  d’obéir à son diktat et de satisfaire toutes ses exigences,  qui constituent un tout indivisible.

Le gouvernement marocain sait pertinemment que le FMI ne vise pas la petite corruption dont sont victimes les citoyens simples. Ce qui importe pour le FMI, c’est la lutte acharnée contre la corruption d’envergure qui empêche la loi de la concurrence de sévir et de jouer pleinement son rôle afin de   permettre à chaque opérateur économique de s’octroyer la part du marché privé ou public  qu’il mérite.

Ahmed Saber pour Maghreb Canada Express, pages 6,7, 10 et 11, Vol. XVI, N° 3, Mars 2018

Pour lire  l’édition du Mars 2018, cliquer sur l’image:

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