La première fois que je m’étais trouvé dans cette mosquée située aux pieds des tours jumelles Petronas de Kuala Lumpur, à peine à 5 minutes de marche de mon hôtel, celle-ci fut pleine à craquer. C’était le 20 mai dernier. Et ce fut environ 45 minutes avant l’appel à la prière d’Al Maghrib.

Les fidèles écoutaient avec recueillement leur imam donner une conférence religieuse en langue locale, mais où résonnait de temps en temps, en arabe classique, des citations de hadiths ou du coran qui me firent oublier, un laps de temps, que je me trouvait à 12 heures de décalage horaire de Montréal.

Chaque fidèle avait devant lui un bol de soupe (une sorte de chorba locale), une bouteille d’eau et une ration de riz avec, au hasard, poulet ou poisson.

Et la nourriture était encore sur les tables du milieu… Comme si on n’avait pas encore assuré tout le service pour les jeûneurs et jeûneuses ici présents !

Devant une telle opulence, et afin d’éviter le discours en malaisien de l’imam (dont plus de 99% du contenu m’échappait), je m’étais permis le lendemain (et même le jour d’après) d’arriver quelques minutes à peine avant l’appel à la prière.

Et croyez-le ou non, il y avait la même affluence de fidèles ! Et chacun avait devant lui son bol de soupe, sa bouteille d’eau et son plat de résistance; Avec cette différence toutefois qu’aussi bien le lendemain que le jour d’après, les tables du milieu ( où était censé rester de la nourriture), étaient aussi vides que le désert le plus proche de Malaisie !

Et croyez-le encore ou non, à chaque fois , on se précipita sur le retardataire que je fus, à qui partager le premier avec moi sa nourriture dans la plus pure des traditions de l’islam : Nourrir celui qui a plus faim que soi !

Que dois-je faire ensuite ?

Arriver en retard pour permettre aux fidèles de comptabiliser une hassana (bonne action) de plus, en ce mois sacré du ramadan, et ce, en leur permettant de partager leur nourriture avec moi ? Ou arriver à l’heure pour ne pas attirer l’attention sur le lourdaud d’étranger que je semblais paraître ?

Il serait peut-être temps de changer de mosquée, car ce n’est pas ce qui manque ici à Kuala Lumpur !

Et ce fut cette dernière option que j’adoptai; Histoire de confirmer la générosité de ce peuple si accueillant; Générosité qui s’étendit devant mes yeux, au-delà de l’iftar et aux alentours de la mosquée, après la prière d’Al Maghrib, avec la distribution de boissons rafraichissantes et de nourriture par, aussi bien, de simples individus que par des compagnies qui semblaient joindre le devoir religieux du partage aux affaires de ce bas Monde; et ce, par la promotion de leurs produits.

Le lendemain  je jetai mon dévolu sur la plus vielle mosquée de la ville qui fut construite tout au début du dernier siècle (Masjid Jamek). L’affluence y paraissait d’autant plus imposante que ses dimensions sont plus modestes par rapport à celle des tours jumelles (Masjid Ash-shakirine) . Avec cependant la même ambiance  de recueillement et de piété.

Un tout petit incident : Mon voisin, très gentil malgré tout, tenait à savoir qui je suis et d’où je viens.  Je le lui dit. Il me demanda aussi si je suis musulman. Je le lui confirmai. Sur ce, il me confia que lui, il ne l’est pas. Il était là juste pour la nourriture.

Quand on servit les rations, il en prit deux et il partit. Personne ne lui prêta attention. Ni lui fit de remarque.  Et à déchiffrer le langage corporel des fidèles, j’en avais conclu que c’est une pratique courante qui rentre dans la tradition du Partage  durant ce mois  sacré.

Décidément, la Malaisie n’a pas fini de me surprendre et de me séduire tout au long de ce voyage ! Et ce pays mérite plus que ce petit article. Je reviendrai sur ce pays avec peut-être un Spécial dans une prochaine édition.

Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express, page 2, Vol. XVI, N° 06, Juin 2018

 

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