Dans des pays comme la Malaisie par exemple, où l’islam n’a pas subi trop d’influences exogènes,  il y a en gros deux catégories d’iftars (repas de rupture du jeûne durant le mois de Ramadan) : Les iftars collectifs qui se tiennent dans les mosquées (voir page 2 pour plus d’information) et les iftars qu’on peut qualifier de familiaux (à la maison ou dans des restaurants).

Iftars traditionnels

Ces deux catégories d’iftars à la mode Malaisienne (et encore pratiqués dans d’autres communautés à travers le monde) constituent l’iftar traditionnel qui est intimement lié à l’exécution, une fois le jeûne rompu, de la quatrième des 5 prières quotidiennes obligatoires et constituant le deuxième des 5 piliers de l’islam.

Rappelons pour ceux et celles qui ne sont pas musulmans que l’islam s’articule autour de 5 piliers fondamentaux :

  1. La Profession de foi (Chahada) par laquelle le fidèle reconnait solennellement que l’islam est monothéiste et que le prophète Mohammed est l’un des messagers de Dieu. Ce pilier est la condition sine qua non des quatre autres;
  2. Les 5 prières (Salat) quotidiennes;
  3. La zakat qui consiste à distribuer une partie de sa richesse aux nécessiteux selon des règles prédéterminées;
  4. Le jeûne durant tout le mois du ramadan par ceux et celles qui en sont capables;
  5. Le pèlerinage à la Mecque, en principe une fois dans la vie du fidèle qui en est capable physiquement et matériellement.

Le Ramadan est le mois le plus sacré de l’année pour les musulmans. En effet, et selon le Coran, c’est durant ce mois que fut révélé ce livre saint au prophète Mohammed. Toujours selon le Coran, les démons du ciel sont enfermés durant tout ce mois sacré pour permettre aux fidèles le maximum de recueillement et de concentration pour faire le plein des bonnes actions (Hassanat) .

Les démons du ciel sont emprisonnés, certes. Mais qu’en est-il des démons humains sur Terre ? diront certains !

À chacun son iftar

L’un des objectifs du jeûne est de se rendre compte de la faim et du besoin chroniques des plus démunis à travers notre privation d’un mois. D’où toute l’importance, pour le fidèle, de la symbolique du partage de son iftar au milieu du recueillement et du repentir.

Or voilà que sous certaines latitudes, les iftars ont évolué de traditionnels, à folkloriques en passant par des iftars d’affaires et (ou) politiques.

Parmi les iftars folkloriques on peut distinguer ceux que certains aiment agrémenter de musique et même de danse (chtih we rdih); Ce que les adeptes des iftars traditionnels trouvent un affront, voire une hérésie. Pour ces derniers, les iftars doivent s’accompagner seulement de prières et de recueillement. Et comme on ne fait pas le tour de la Kaaba en jeans, on n’accompagne pas ses iftars ni de danse ni de chants . Et de conclure que la vie du fidèle est rythmée par l’Obligation (dont la source est le coran) et par la Sounna dont la source est le comportement ainsi que les faits et gestes du prophète de son vivant. Or nul part n’est écrit que le prophète organisait des soirées ‘’chtih chtih we rdih’’ durant le mois du ramadan !

Comment s’y retrouver parmi tous ces iftars ?

Très simple : compter le nombre de gens qui se retirent pour prier une fois le jeûne rompu : Plus le nombre tend vers le nombre des participants, plus l’iftar est traditionnel. Dans le cas contraire, on a affaire à un iftar folklorique, d’affaire ou politique.

Un autre indice : Le genre de partage. Si le participant est obligé de partager le contenu de son portefeuille avec les organisateurs d’une manière ou d’une autre, là on est en plein iftar folklorique, d’affaires ou politique.

Si on partage la nourriture sans contrepartie aucune (publicité, sollicitation, discours autres que religieux, cartes d’affaires…) là on est invité à un iftar dans la pure tradition musulmane.

Et puis il y a les iftars du Cœur

Comme ceux préparés par cette dame du nom de Sabria, originaire de Malaisie, dont s’est fait l’écho la presse anglophone montréalaise l’année dernière  et qui arrive à nourrir quotidiennement presque 400 bénéficiaires, toutes confessions confondues, et ce, tout au long du mois de ramadan !

Dans le même esprit, quelques maghrébins sont à leur deuxième édition d’un iftar qui s’adresse beaucoup plus aux non musulmans dans le besoin. Ce ramadan, ils ont pu assuré un souper complet à plus de 350 bénéficiaires du refuge ‘’La Maison du Père’’ à Montréal.

Là, point de discours ni de photos-souvenir ! Les bénévoles n’étaient là que pour faire la cuisine, servir à table, nettoyer et desservir entre 16h00 et 20h00. Et vous l’avez deviné : tout en continuant leur jeûne à eux.

Parmi, les bénévoles, une canadienne pure-laine qui nous confia ce petit commentaire : ‘’Ce fut Émouvant. Un Grand Merci aux organisateurs’’.

Aucune commandite ne fut sollicitée ni aucune personnalité politique ou autre ne fut invitée pour la simple raison que les organisateurs n’avaient rien d’autres à offrir sinon un tablier, un cabaret ou une serpillière pour servir leurs invités : les plus démunis de tout bord.

Au fait quel iftar recommander à un politicien ?

 Comme il n’y a plus d’autres ramadans avant les prochaines élections générales provinciales, les candidats en quête du vote musulman auront toutes les 5 prochaines années pour réfléchir quant au choix des iftars auxquels ils devraient participer. Un petit conseil: N’en rater aucun car si ces iftars ne vont pas assurer au candidat les voix promis, il en aura au moins pour son déplacement ; côté vivre-ensemble et découverte de l’Autre.

Aid Moubarak Saïd  🙂

Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express, page 3, Vol. XVI, N° 06, Juin 2018

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