Dimanche 26 Mai, vers 10 h, je me suis dirigé nonchalamment vers le bureau de vote de  ma commune pour exercer mon devoir de citoyen. Je savais que mon vote n’était qu’une goutte d’eau contre l’océan de l’extrême droite qui règne désormais en Europe, les populistes qui se faisaient discrets naguère, resurgissent au grand jour, et font office partout en France et ailleurs. Il faut dire que certains intellectuels à l’image d’Éric Zemmour, Alain Finkielkraut, et Renaud Camus le théoricien du grand remplacement, ont tendu la perche aux grands extrêmes. Rappelons que l’assassin de la mosquée de Christchurch était un inconditionnel de la théorie du grand remplacement de Renaud Camus.

Une percée en force

En France ou encore en Italie, l’extrême droite est arrivée en tête des élections européennes du 26 mai. Le Parlement européen devrait compter, selon les dernières estimations, 115 élus de cette famille politique – soit trois fois plus qu’au scrutin précédent.

Une poussée de l’extrême droite qu’il est toutefois difficile de généraliser à l’ensemble des pays européens : le pourcentage de voix accordées aux partis d’extrême droite n’a pas évolué de la même façon partout.

L’extrême droite contenue et toujours divisée

D’après les journalistes du journal » Le monde du 27 mai 2019, Jean-Baptiste Chastand et Allan Kaval, les succès de Matteo Salvini en Italie et de Nigel Farage au Royaume-Uni masquent une relative stagnation des nationalistes.

« Une nouvelle Europe est née, a proclamé Matteo Salvini devant ses partisans réunis à Milan, dans la nuit du dimanche 26 au lundi 27 mai. Je vais dire à ceux qui ont fait couler le rêve européen que je suis fier que la Ligue [extrême droite] participe à la renaissance d’une Europe en perdition. » Si les scores de la Ligue (extrême droite) semblent en effet à la hauteur de ses espoirs, avec près de 35 % des voix, le reste du paysage politique européen est en réalité moins favorable à ce que pourraient faire croire les déclarations tonitruantes du ministre italien de l’intérieur.

En décrétant plus tard, sur la RAI, que la droite radicale obtiendrait au moins 150 sièges au Parlement, M. Salvini l’a d’ailleurs implicitement reconnu. Ce nombre ne permettra pas de faire basculer à lui seul la majorité au Parlement européen. Les droites radicales et extrêmes disposaient déjà de 155 sièges dans le Parlement sortant, si on additionne le nombre d’élus des trois groupes qui pouvaient être rattachés à cette tendance : les souverainistes, qui siégeaient dans le groupe des Conservateurs et réformistes européens, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage, dans le groupe de l’Europe de la liberté et de la démocratie directe, et la Ligue et le Rassemblement national de Marine Le Pen dans le groupe de l’Europe des nations et des libertés.

La Russie, premier sujet de discorde

Pendant la campagne, Matteo Salvini a essayé de fusionner cette tendance au sein d’un nouveau mouvement, baptisé « L’Europe du bon sens ». Il avait notamment réussi à attirer Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui est parvenu à faire élire onze élus dimanche, ou les Vrais Finlandais – deux élus. L’alliance de M. Salvini compte aussi sur les 28 élus du Parti du Brexit de Nigel Farage, même si ceux-ci n’ont pas forcément vocation à siéger toute la mandature.

Mais à côté de ces belles prises, le reste du paysage est moins favorable. Avec environ 22 élus selon les dernières projections, le Rassemblement national de Marine Le Pen aura en fait deux élus de moins que ce que le FN avait obtenu en 2014. Aux Pays-Bas, le Parti de la liberté de Geert Wilders s’est effondré, et le Forum pour la démocratie de Thierry Baudet a obtenu moins de sièges que prévu. Même chose pour le Parti populaire danois, qui s’est effondré et n’a qu’un eurodéputé, ou le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), affaibli par le scandale de la vidéo de son ex-leader Heinz-Christian Strache.

En Belgique, le score du Vlaams Belang a aussi augmenté et atteint 11,45 % , en Espagne, Vox, formation créée il y a six ans, a presque quadruplé son score, passant de 1,57 % en 2014 à 6,2 %.

Mais dans plusieurs autres pays, les résultats des partis d’extrême droite stagnent ou évoluent de façon moins spectaculaire, en Allemagne, le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) a réalisé un meilleur score qu’en 2014, où il avait recueilli 7,1 % des suffrages. Mais, avec les 11 % obtenus (+ 3,9), il reste en dessous des résultats obtenus aux élections législatives de 2017 (12,6 %) ; en France, le RN est passé de 24,86 % des suffrages en 2014 à 23,31 %. Bien qu’arrivé en tête, le parti de Marine Le Pen enregistre une baisse qui se traduit par la perte de deux eurodéputés, en Autriche, éclaboussé par un scandale quelques jours avant le scrutin, le Parti autrichien de la Liberté perd un élu.

Les scores obtenus par les principaux partis de l’eurogroupe d’extrême droite ENL (Europe des nations et des libertés), dont fait partie le Rassemblement National, sont en forte hausse en Italie, mais en baisse dans plusieurs pays. N’empêche, l’extrême droite est bien là, omniprésente et inquiétante. Et comme le disait Bertolt Brecht, « dans chaque être humain, il y a une bête immonde qui sommeille ». « La France est le pays où l’on passe le plus vite d’un extrême à l’autre. Qui pourrait le nier ? Notre histoire n’est-elle pas là pour en fournir des exemples sans nombre. Prétendre que notre caractère national n’est plus le même, ce serait étrangement s’abuser. »   Emile de Girardin ; Les pensées et maximes (1867).

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, page 11, Vol. XVII, N°6 , JUIN 2019

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