C’est le titre d’un documentaire intéressant qui est passé le 16 avril sur la chaine de télévision « ARTE ». En effet, depuis que Trump est passé Président, les heurts se multiplient entre membres de l’ultra droite, qui fédère des groupuscules racistes, Ku Klux Klan et néonazis, et les « antifas » déterminés à les combattre. A travers des portraits croisés de représentants des deux mouvances, un documentaire glaçant sur la  guerre des races en Amérique.

Le 12 août 2017, à Charlottesville, lors d’une manifestation de suprématistes blancs, la voiture d’un activiste d’extrême droite fonce sur la foule des militants antiracistes qui leur font face. Son conducteur fauche une jeune femme, Heather Heyer, et blesse 19 personnes. Aussitôt, le président Trump renvoie dos à dos les militants de l’un et l’autre camp. Au-delà de ce drame, les affrontements se multiplient ces dernières années aux États-Unis entre les « antifas » déterminés à les combattre. Rchard B.Spencer, jeune propagandiste qui ponctue ses discours de « Heil à la victoire ! », incarne cette « alt-right » (droite alternative) décomplexée, prônant un Etat ethnique et une nation blanche, tout comme Jared Taylor, idéologue à la tête du site « American Renaissance », professant l’inégalité des races. Noir, antifas et militant pour les droits de l’homme, Daryle Lamont Jenkins consacre, lui, sa vie à démasquer ces suprémacistes blancs, à organiser des contre-manifestations à leurs défilés, et à alerter sur les dangers qu’ils représentent.

Tensions dangereuses

Adoptant une distance salutaire pour mieux éveiller les consciences sur les enjeux politiques en cours, Adam Bhala Lough a longuement interviewé et suivi sur le terrain les uns et les autres. D’un effrayant narcissisme, Richard B.Spencer jubile de ses provocations, insultant ostensiblement ses opposants, à commencer par Daryle Lamont Jenkins. A travers  cette poignée de militants, le documentaire éclaire l’émergence de l’ultra droite encouragée  par le  discours de Trump, et les tensions actuellement à l’œuvre aux Etats-Unis. Jusqu’à la tragédie de Charlottesville, dont les images montrent la passivité de l’ordre ce jour-là.

Des États racistes… 

Dans son cours au Collège de France le 17/03/1976 « Il faut défendre la société » Michel Foucault explique que le racisme d’Etat a une histoire assez ancienne : parlait du racisme d’Etat dans un texte assez fameux qui s’appelle La Guerre des races. Il en parlait dans le sens où la définition sous l’angle des races est liée, dans son analyse, à une logique de la guerre. Il nous dit qu’au fond la politique est la continuation de la guerre, c’est le prolongement pour assurer aux dominants les conditions de leur domination. C’est là qu’il fait apparaître la notion de racisme d’État, comme un racisme qui est structurellement incorporé à la façon de conduire la politique au profit des dominants, pour aller vite.

Pour certains sociologues, l’expression « Racisme d’État » désigne encore et avant tout les États ayant appliqué des politiques ségrégationnistes. Ces régimes affichaient une idéologie officielle explicitement raciste et institutionnalisée. On y retrouve le régime Nazi, l’Afrique du Sud sous l’apartheid et les États-Unis lors de la ségrégation raciale.

C’est d’ailleurs aux États-Unis, à la suite de l’abolition de la ségrégation en 1964, qu’est né le concept de « racisme institutionnel », aussi nommé « racisme systémique », dont découle directement le « racisme d’Etat ». En 1967, dans la continuité de la lutte pour les droits civiques, les militants Kwame Ture et Charles V. Hamilton, dans l’ouvrage Black Power, conceptualisent l’idée d’un racisme voilé issu du colonialisme et de l’esclavage, qui continuerait de structurer l’ordre social alors même que l’égalité est formellement consacrée par la loi.

Je ne suis pas votre négro

Je conseille aussi à nos lecteurs que ce sujet intéresse, le documentaire consacré par le cinéaste haïtien Raoul Peck (1) à l’écrivain américain James Baldwin, Im Am Not Your Negro. Parce que, non content d’être une introduction accélérée aux mots d’un immense écrivain, trop peu connu en France, dont la pensée limpide s’est attaquée aux fondements du racisme aux Etats-Unis, c’est aussi un film de cinéma – et sur le cinéma -, décortiquant la manière dont, depuis son enfantement, Hollywood a perpétué le mythe d’une pureté blanche et aridé à fabriquer la figure du «nègre», exutoire à la violence rentrée qui travaille le pays.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, page 12, Vol. XVII, N°7 , JUILLET 2019

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