J’allais consacrer l’éditorial de cette édition aux 8955 canadiens, de l’Ontario, ayant déclaré en 2016 être d’origine marocaine (source : Statistique Canada; recensement 2016) qui viennent d’avoir un consul général, rien qu’à eux tous seuls, en la personne de M. Rachid Zein , ou au Centre culturel marocain de Montréal (Dar Al Maghrib) qui vient d’avoir une nouvelle directrice en la personne de Mme Houda Zemmouri . Mais faute de communiqués officiels et de CV des deux diplomates, je ne peux, en attendant, que leur souhaiter beaucoup de succès dans leur mission respective et moins de dépaysement dans le pays de moins en moins enneigé de Papa Noel… alias le Canada.
J’ai failli me rabattre ensuite sur ce puits intarissable de Fake-News qui n’est autre que l’actuel locataire de la Maison Blanche. Mais que dire de plus sur le sujet, sinon que ce n’est pas M. Trump qui fait le plus peur mais c’est plutôt toute cette Amérique profonde qui prend ses mensonges pour argent comptant afin de se sentir plus grande et forte qu’elle ne l’est déjà ! Mais on a encore le mois d’octobre pour revenir incha Allah sur le sujet.
Et comme la nuit apporte conseil, je décidai ce soir du 1ier septembre de me refugier dans mon lit vers 21h30, c’est-à-dire très tôt.
Et comme Morphée avait les bras ailleurs, j’ai décidé de l’attendre en me branchant sur la moins polluée par la pub de mes chaînes publiques préférées. Et je n’ai pas le choix car , en ces temps de vaches maigres, je n’ai plus ni le câble, ni la parabole ni même pas d’internet illimité.
Et là, je tombe à pic sur Sir Lawrence d’Arabie (Peter O’Tool) en plein délire contre Cherif Ali, de la tribu des Béni Harit (Omar Sharif) qui vient de lui flinguer son guide. Car ce guide eut la malchance d’être de la tribu de Béni Hazim et vient de commettre le crime de puiser de l’eau dans le puits de celui qui est maintenant son tueur!
Or comme l’un ne peut comprendre qu’on peut tuer dans le désert pour une gorgée d’eau et que l’autre ne peut admettre qu’ailleurs on fait fi de l’appartenance au clan et la tribu, chacun partit de son côté, pour se rencontrer plus loin dans le film dans une scène encore plus édifiante.
L’Arabe est-il vraiment Arabe ?
Pas selon le film car là, on découvre que le bédouin qu’on avait présenté au début comme rustre, sanguinaire et hypocrite, nie maintenant tout panarabisme, et ce, tout en étant en plus impulsif et très manipulable. Comme on va le voir
Aouda Abou Tayia (Anthony Quinn) répondit à Sir Lawrence (qui, pour apaiser une querelle naissante, rappelle l’appartenance arabe commune des antagonistes) : ‘’Je connais toutes les tribus du désert : Les Howeitat, les Béni Hazem, les… Mais aucune d’elles ne s’appelle Arabe’’.
Sir Lawrence joua alors sur l’orgueil et la cupidité, mais tout en flattant la fierté d’Aouda pour l’amener non seulement à accorder, l’hospitalité aux troupes du Prince Faysal guidés par Cherif Ali mais de l’intéresser à participer également au raid qu’ils vont mener contre les turques occupant le port d’Aqaba au bord de la mer rouge.
Mais cette mission, dont le succès va lancer la carrière d’espion de Sir Lawrence au firmament, a failli être compromise quand un gars de la tribu de Cherif Ali tua un autre gars de la tribu d’Aouda pour régler une ancienne dette de sang !
Et vous savez quoi ? Plus le film avance, plus je me disais que jamais caricature d’un ‘’peuple’’ ne fut aussi proche de la réalité. On n’a pas besoin de faire toute une thèse sur le sujet pour comprendre la mentalité d’un peuple qui semble ne l’être que sur les manuels d’Histoire.
Attendez la suite !
Les hommes d’Aouda, qui s’apprêtaient à exécuter le meurtrier pour venger le leur, comme le veut la coutume, avaient devant eux les hommes de Cherif Ali qui ne l’entendaient pas de cette oreille. Et que fit Sir Lawrence qui voit que cet incident va chambouler toute sa mission ? Connaissant la mentalité de ces bédouins, et comme il n’appartient à aucune des deux tribus, il prit sur lui d’exécuter l’assassin devant les membres des deux tribus !
Et que firent les deux tribus ? Rien. Ou plutôt, ils ont félicité Sir Lawrence et ont participé côte à côte à la prise d’Aqaba !
Fiction ou réalité rapportée par le film, cette même mentalité prévalut parmi les Rois des Taifa en Andalousie et avait poussé plusieurs princes arabo-musulmans à prendre des chefs de guerres chrétiens espagnols comme alliés pour détruire les principautés voisines commandées par des frères ennemis.
Par ailleurs, il y a moins d’une décennie, les libyens ont eut leur Lawrence d’Arabie en Bernard Henri Levy pour se massacrer les uns les autres; détruisant au passage leur pays! Et pas plus loin que 2016, les saoudiens ont eu le leur en Donald Trump pour s’attaquer à l’Iran par Yémen interposé.
Un arabe détruisant un arabe ? Jamais diront les arabes ! À moins que… ce ne soit fait par un non-arabe !
Et meurt l’Iraq et le reste !
Il se pourrait que je vienne d’avoir une overdose d’Histoire. Après tout, que sais-je pour juger les Arabes ? Moi qui ne suis que Marocain… Et cette fatigue qui me conseille d’ajouter : ‘’Marocain… Et encore… ! ‘’
Par Abderrahman El Fouladi, pour Maghreb Canada Express, Vol. XVIII, N°09 , page 03, Septembre 2020.
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