Presque deux ans après son arrivée au pouvoir, le Premier ministre libéral du Québec, Philippe Couillard a procédé, jeudi dernier, à un remaniement ministériel « majeur », ayant pour objectif, selon lui, de donner « un nouvel élan » à l’action gouvernementale et de réussir le passage de l’austérité vers la prospérité, tant attendue par les Québécois.
Si ce remaniement d’envergure, effectué à mi-mandat, a donné lieu à un nouveau gouvernement composé désormais de 28 ministres, soit deux de plus que le précédent cabinet libéral, l’opposition, elle, a saisi cette énième occasion pour déplorer ce nouveau « lifting » gouvernemental qui confirme un « manque de vision » et « un aveu d’échec » du travail mené par M. Couillard et ses ministres depuis leur investiture.
Un premier ministre satisfait
Bien que marqué par un véritable jeu de chaises musicales avec l’arrivée de nouveaux visages et la mise à l’écart d’autres, alors que de grands ténors ont été reconduits dans leurs postes ou chargés de la gestion d’autres maroquins, M. Couillard s’est dit, néanmoins, satisfait d’être parvenu à assurer une meilleure représentation des femmes (11 femmes, soit près de 40 pc des ministres), des jeunes, ainsi que des régions de la province.
A travers ce changement, le nouveau cabinet du Premier ministre québécois cherchait à faire oublier le « gouvernement Couillard I » et à marquer une rupture avec le régime d’austérité que les Libéraux estimaient nécessaire pendant la première moitié de leur mandat pour redresser les finances publiques.
Cependant, au-delà du geste d’éclat que constitue cette opération, la plupart des observateurs de la scène politique québécoise estiment que le « gouvernement Couillard II » aura beaucoup à faire afin de renverser la vapeur et concrétiser les attentes des Québécois désespérés, voire désemparés avec toutes les compressions budgétaires effectuées par les Libéraux, et leurs effets directs ressentis à travers leur vie quotidienne et celle de leurs familles qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts.
Dans ce sens, le Premier ministre libéral a tenu à assurer les Québécois que ce remaniement « certes difficile, mais nécessaire » vient marquer « un nouvel élan vers la prospérité pour le Québec », soutenant que sa nouvelle équipe ministérielle est « dynamique, compétente, expérimentée, renouvelée et prête » à travailler avec les Québécois sur leurs véritables priorités et à s’occuper des « vraies affaires ».
« L’assainissement des finances publiques était indispensable pour donner les libertés d’action que maintenant nous avons retrouvées. Il est temps de passer à un nouvel élan maintenant, une nouvelle phase de notre gouvernement », a déclaré M. Couillard à la presse à l’issue de la cérémonie d’installation de son nouveau cabinet.
A ce sujet, il s’est félicité que son gouvernement a réussi, malgré la conjoncture difficile, à assurer un environnement propice à la prospérité, avec des finances publiques saines, une dette sous contrôle combinée à une stabilité politique.
Il a, en outre, réaffirmé que le nouvel Exécutif fait toujours de l’économie sa principale priorité en vue de stimuler la croissance et la création d’emplois dans la province après des années de vaches maigres, aux côtés de la promotion du secteur de l’éducation, qui demeure la pierre angulaire permettant d’atteindre les plus hauts sommets.
Cependant, l’opposition s’est montrée « pessimiste et peu rassurée » par ces propos et a vivement critiqué ce remaniement purement « cosmétique » qui constitue « un constat d’échec » et « un manque de vision » notamment sur le plan économique de M. Couillard.
Une opposition plutôt déçue
Dans ce cadre, le chef du Parti québécois (PQ), Pierre-Karl Péladeau a affirmé que ce remaniement n’est qu' »un aveu d’échec » du Premier ministre et « la démonstration claire du manque de profondeur de l’équipe libérale », ajoutant que M. Couillard aurait dû se concentrer à revoir les priorités économiques de son gouvernement plutôt qu’à se livrer à un simple « spectacle de chaises musicales ».
Faisant observer que M. Couillard a gardé en place des ministres qui n’ont absolument rien prouvé depuis le début de leur mandat, alors qu’ils ont déçu leurs interlocuteurs et les familles québécoises, il a averti que ce remaniement « n’a absolument rien de rassurant » ni pour l’économie de la province, ni pour le secteur de l’éducation, érigées en priorités par les Libéraux, ni même pour les familles ou pour le développement des régions.
Pour le chef péquiste, ce remaniement ministériel « n’apporte aucune solution au marasme économique touchant le Québec ».
« Philippe Couillard blâme l’économie mondiale, la dégringolade du prix des ressources naturelles et du baril de pétrole, la chute du dollar canadien et l’économie chinoise (..) Il n’a qu’une seule chose à blâmer : son incompétence économique », a soutenu M. Péladeau.
« Nous arrivons à mi-mandat, et il n’y a toujours pas de vision ni de véritable stratégie pour relancer l’économie. Or, ce sont les Québécois qui paient le prix fort des promesses brisées et de l’incompétence des Libéraux », a-t-il martelé, ajoutant que le nouvel Exécutif « manque de vision, de stratégie et de plan d’affaires ».
Évoquant le secteur de l’éducation, M. Péladeau a rappelé que « nous sommes à un troisième ministre en deux ans alors que ce secteur doit être notre plus grande priorité ».
Même son de cloche chez le leader de la Coalition Avenir Québec (CAQ), François Legault, qui a soutenu que le remaniement est « ni plus ni moins qu’un constat d’échec », notamment en matière d’économie et d’éducation, déplorant que rien n’a vraiment changé depuis l’installation au pouvoir du gouvernement libéral.
« La situation économique du Québec est inquiétante, mais depuis qu’il est au pouvoir, le Premier ministre ne s’en soucie pas. Les Québécois sont étouffés par les taxes et les impôts imposés par les Libéraux », a déclaré le chef de la CAQ, relevant que M. Couillard n’a pas de propositions pour relancer l’économie de la province, malgré les promesses faites en pleine campagne électorale.
M. Legault a également déploré la nomination d’un troisième ministre en seulement deux années à la tête du ministère de l’Education, soulignant que le système d’enseignement dans la province souffre des décisions « irréfléchies » de M. Couillard qui a manqué de bon jugement dans le choix de ses ministres.
Dans la même veine, la porte-parole de Québec solidaire (QS), Françoise David s’est montrée « sceptique » et a indiqué qu’elle attend de voir ce que fera le nouveau gouvernement avant de croire à la volonté de « renouveau » du chef de l’Exécutif libéral.
« Au-delà du jeu de chaises musicales, ce remaniement ne change rien à l’échec du gouvernement de nous faire oublier tout ce qu’il a fait dans les deux dernières années et toutes les coupes » auxquelles il a procédé, a-t-elle déclaré.
Un autre remaniement avant 2018 ?
Alors que M. Couillard n’a pas écarté un autre remaniement ministériel avant la tenue des élections générales, à l’automne 2018, d’aucuns estiment que le temps joue contre les Libéraux, malgré les sondages qui sont en leur faveur, afin de traduire dans les faits les attentes considérables des Québécois, qui demeurent méfiants de la suite des choses, notamment en matière d’économie et de création d’emplois, ainsi que dans les secteurs de l’éducation et de la santé qui ont été lourdement affectés par les coupes budgétaires.
Même si les Libéraux demeurent persuadés d’être reconduits d’ici deux années pour un second mandat, en raison des divisions qui rongent l’opposition, il n’en demeure pas moins que rien n’est assuré d’avance, surtout que l’étiquette de « gouvernement d’austérité » colle toujours à l’équipe de M. Couillard qui doit s’investir davantage, loin de tout « marketing » politique, pour assurer la population, à travers des gestes concrets, de sa capacité à garantir un avenir meilleur et plus prospère pour l’ensemble des Québécois.
Rédaction MCE, Maghreb Canada Express, Vol. XIV, N° 02, page 6, FÉVRIER 2016
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