Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)

Depuis le début du mois de février, le siège de l’Union Africaine connaît une activité intense en préparation du sommet des chefs d’État, au cours duquel sera élu le nouveau président de la Commission de l’Union pour un mandat de quatre ans. Cette élection désignera le successeur du Tchadien Moussa Faki Mahamat, qui a occupé cette fonction pendant huit ans.

Le siège de l’Union, situé dans un imposant bâtiment offert par la République populaire de Chine en 2012, est équipé en bureautique et tout le matériel électronique moderne. Cependant, ces installations “intelligentes” ont rapidement été délaissées après la découverte qu’elles partageaient quotidiennement des données sensibles avec Pékin.

Le 13 décembre 2024, un débat intitulé Amjadala Africa en swahili s’est tenu au siège de l’Union et a été diffusé en direct sur plusieurs chaînes africaines. Ce débat a permis aux trois candidats en lice de présenter leurs visions, programmes et plans d’action pour les années à venir.

Élections 2025

Bien que le futur président de la Commission doit provenir de l’Afrique de l’Est, conformément au principe de rotation régionale, la compétition se resserre essentiellement entre deux candidats. Le premier, Raila Odinga, ancien Premier ministre du Kenya, est une figure politique de premier plan. L’Algérie semble avoir encouragé Nairobi à soumettre sa candidature et s’emploie activement à mobiliser des soutiens en sa faveur.

Toutefois, plusieurs dirigeants africains estiment que cette candidature relève davantage d’une tentative de résoudre une crise politique interne au Kenya, Odinga étant le chef de l’opposition et une source de tension pour le président actuel. De plus, son âge avancé de 79 ans contraste avec la jeunesse dominante de la population africaine.

Le second candidat est Mahmoud Ali Youssouf, ministre des Affaires étrangères de Djibouti. Fort de sa vaste expérience dans la gestion des négociations africaines, il bénéficie d’un soutien important. Il est perçu comme un pont entre les sphères francophone, anglophone et arabophone du continent. Cependant, la suspension de cinq États membres en raison de leurs crises politiques, les privant ainsi de droit de vote, pourrait perturber les équilibres et influencer le résultat en sa faveur ou à son détriment.

Lors de cette 37e session de l’Union Africaine, le poste de vice-président de la Commission sera également en jeu. Le Maroc a présenté la candidature de Latifa Akherbach, tandis que l’Algérie a proposé son actuelle ambassadrice en Éthiopie. Ce processus électoral s’inscrit dans le cadre d’une réforme institutionnelle initiée en 2016 sous la direction du président rwandais Paul Kagame, visant à rendre l’Union plus indépendante et efficace. L’accent a été mis sur le renforcement des structures décisionnelles et la définition de priorités claires.

Le « cheveu dans la soupe »

Cependant, beaucoup espèrent que ce processus de réforme conduira à corriger une erreur historique commise par l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) durant la guerre froide : l’admission d’un “État fantôme” sans territoire, ni population, ni souveraineté. Cette décision a contribué à affaiblir l’organisation, la rendant l’une des moins influentes sur la scène régionale et internationale. Aujourd’hui, l’Afrique dispose d’opportunités immenses : un marché émergent, des ressources humaines qualifiées et une position géostratégique clé.

Cette dynamique se reflète dans la multiplication des sommets économiques où le continent occupe une place centrale :

  • Sommet Union Européenne – Afrique;
  • Sommet Chine – Afrique (FOCAC);
  • Sommet Turquie – Afrique;
  • Sommet Japon – Afrique (TICAD);
  • Sommet Russie – Afrique;
  • Sommet Inde – Afrique;
  • Sommet États-Unis – Afrique;
  • Sommet Brésil – Afrique.

L’appel de Tanger

Face à ces enjeux, des responsables et sages africains ont lancé “l’Appel de Tanger”, exhortant à finaliser les réformes de l’Union Africaine. Cet appel souligne que ces réformes resteront incomplètes tant que l’entité fictive mentionnée ne quittera pas l’organisation. Ce départ est présenté comme un impératif institutionnel, juridique et politique, documenté dans un livre blanc. L’expulsion de ce “pseudo-État” n’est plus perçue comme une simple option, mais comme une nécessité vitale pour garantir l’avenir du continent.

Une Union Africaine forte signifierait une capacité accrue à négocier avec les puissances mondiales, à renforcer l’intégration régionale, et à assurer la paix et la stabilité internes. Reste à savoir si la nouvelle direction saura mesurer l’ampleur de ces défis et accélérer la correction de cette erreur historique. Transformer l’Union Africaine en une force unificatrice, capable de défendre les intérêts du continent, est une urgence qui ne saurait attendre.

By AEF