Lors de son dernier  passage au forum de la MAP,  Mr. Saad Eddine El Otmani, chef du gouvernement marocain, a été interrogé sur la pertinence  et le taux de  crédibilité qu’il convient d’accorder aux rumeurs multiples qui circulent  sur l’éventualité d’un remaniement ministériel  au Maroc.

Dans sa réponse, Mr.El Otmani  a été catégorique et on ne peut plus clair : « Aucun  remaniement ministériel, à l’échelle réduite ou élargie,  n’est à l’ordre du jour », a-t-il  affirmé  textuellement. En outre,  le chef du gouvernement estime que « l’action du gouvernement commence à donner ses fruits ». En fait,  Mr El Otmani  a employé d’autres mots et  a eu recours à une autre façon pour  dire   «  qu’il est hors question  qu’on change une équipe qui gagne ».

Évidemment, il s’agit  d’une réponse officielle  qui  devrait infirmer  et  battre en brèche   toute rumeur à ce sujet. Par conséquent, et jusqu’ au 17 octobre 2017, on pouvait affirmer et sans risque de se tromper qu’  un remaniement ministériel, même très  restreint (technique), n’est pas  à l’ordre du jour et se situe en dehors de l’agenda politique marocain.

Sans oser  aller jusqu’à me souscrire en faux contre la déclaration du chef de gouvernement, il  parait qu’au Maroc tout porte à croire qu’un remaniement ministériel, n’est pas à exclure pour plusieurs raisons  dont notamment :

  • Le discours royal, du 13 octobre 2017, très critique à l’égard de la classe politique marocaine et du modèle économique, qui a montré ses limites et qui devra  céder sa  place à autre  modèle de développement, « un modèle équilibré et équitable » . Dans ce discours  prononcé lors de l’ouverture de  la session  d’automne du parlement,  Sa Majesté le Roi  a  épinglé «  les dysfonctionnements qui sévissent à tous les paliers de l’administration et au niveau des conseils élus et des collectivités locales ».   Le  souverain marocain   y a exprimé sa ferme volonté  de  « redresser   la situation, rectifier  les erreurs commises et corriger les dysfonctionnements  constatées». Sa Majesté le Roi estime qu’ « une fermeté s’impose pour rompre avec le laisser-aller et les pratiques frauduleuses qui nuisent à l’intérêt  des citoyens ». Le Roi Mohammed VI  y a, aussi,  appelé tous les responsables concernés à proposer « des solutions innovantes et audacieuses,  quitte à….   provoquer un véritable  séisme politique ».  Dans ce discours, le souverain marocain a annoncé sa décision de créer un ministère délégué auprès du ministère des affaires étrangères et de la coopération, chargé des affaires africaines.
  • L’élection de Nizar Baraka à la tête du parti de l’Istiqlal, doyen des partis politiques marocains n’est pas un événement  anodin et un fait sans conséquence sur la vie politique au Maroc. Cette élection a permis à la famille  «  El Fassi » de recouvrer  un poste qu’elle  a perdu en 2012 au profit de Hamid Chabat, ex Maire de Fès,  connu  pour  ses penchants très  populistes. Pour être porté à la tête du parti de l’Istiqlal, Hamid Chabat a évincé  Abdelouahad El Fassi, fils d’Allal  El Fassi fondateur du parti et beau frère du secrétaire général sortant, Mr Abbas El Fassi. Depuis son élection Nizar Baraka   n’ a cessé de multiplier  les signaux pour montrer, d’une manière quasiment claire, l’entière  disposition et  la  disponibilité de son parti à réintégrer le gouvernement et à recouvrer la place qui doit être  la sienne  au sein de l’Exécutif au Maroc .
  • Le  nouveau secrétaire général  du parti de l’Istiqlal  qui n’a raté aucune occasion pour  exprimer une telle disponibilité, n’a jamais caché cette ambition. Mr Nizar Baraka fait partie des dirigeants  istiqlaliens, et ils sont nombreux, qui estiment que le parti de l’Istiqlal doit être dans tous les gouvernements marocains, c’est la règle et non l’exception.  A tout ce qui précède, il faut ajouter que Mr Nizar Baraka est un homme  « qui choisit minutieusement ses  mots », jouit  d’une bonne réputation  auprès de la classe politique, des opérateurs économiques et du centre de décision au Maroc. Il  convient de rappeler aussi, que Nizar Baraka a été nommé, le 21 août 2013,  président du Conseil  économique, social et environnemental ( CESE) et ce, quelques semaines seulement  après sa démission de son poste de ministre de l’Economie  et des Finances. Nizar Baraka qui se prépare, selon certaines informations,  à quitter la direction du CESE, ne peut pas se contenter du poste de secrétaire général d’un parti politique, uniquement.
  • Les  résultats de l’enquête sur la  réalisation des projets inscrits dans le programme  « Al Hoceima, phare de la Méditerranée : La Cour des Comptes  est sur le point de finaliser son rapport  sur l’état des lieux qui devrait livrer des informations sur les retards enregistrés par  certains projets prévus dans le programme en question  et déterminer les parts de responsabilités des uns et des autres.  Selon certaines  informations relayées par la presse, les retards enregistrés ne seraient pas dus à  une mauvaise gestion budgétaire  qui  aurait  permis des malversations et des fraudes. En dépit de ce constat, le rapport  de la Cour des Comptes risque « de  faire tomber  des têtes ».
  • Rejet  du nouveau plan  de relance de  la production de logements sociaux ciblant la classe moyenne inférieure.  Le ministère des Finances  n’a pas retenu ce projet parmi  les programmes sociaux  prévus par le projet de la Loi des Finance au titre de l’année 2018. Ce qui constitue une grosse déception  pour le  ministère de l’aménagement  du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat  et de la politique de la ville, dirigé par Nabil Benabdellah,  secrétaire général  du parti du Progrès et du Socialisme ( PPS). Pour certains analystes, ce rejet  reflète une certaine position à l’égard  du PPS et de la cohésion de la coalition gouvernementale, que le chef de gouvernement  s’est efforcé de mettre  en exergue lors de son passage au forum de la MAP .

Il ne serait pas sans intérêt de rappeler qu’en 2016,  le palais royal, a violemment blâmé Mr Nabil Benabdellah, par voie de communiqué ( et c’est un fait très rare), après que ce dernier ait accusé un des conseillers du Roi « d’incarner l’autoritarisme » dans le contexte de compétition  électorale.

Sept jours seulement après le passage de Mr El Otmani au forum de la MAP, soit le mardi 24 octobre 2017, le Roi Mohammed VI a reçu Mr Driss Jettou, premier président de la Cour des Comptes, en présence du chef du gouvernement et du  ministre de l’Economie et des Finances et celui de l’Intérieur. Lors de cette audience, le premier président de la Cour des Comptes a présenté  au Roi le rapport, tant attendu, sur les conclusions de la Cour ayant trait au  programme «  Al Hoceima, phare de la Méditerranée ». Ledit rapport a confirmé l’existence de multiples dysfonctionnements enregistrés sous  le précédent gouvernement (gouvernement Benkirane2), tout en excluant toute  malversation ou détournement.

Prenant en considération les conclusions  du rapport en question et en application de l’article 47 de la Constitution, le Roi Mohammed VI a pris la décision de mettre un terme aux fonctions de trois ministres et un Secrétaire d’Etat en exercice, à savoir :

  • Mohamed Hassad, l’actuel ministre de l’éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, en sa qualité de ministre de l’intérieur, dans le gouvernement précédent. Mr Hassad est membre du Mouvement Populaire( MP) ;
  • Mohamed Nabil Benabdellah, ministre de l’aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville. Ce dernier a pris connaissance de son limogeage alors qu’il se trouvait en mission officielle à Londres. Nabil Benabdellah occupe le poste de Secrétaire général du parti du Progrès et du Socialisme( PPS)  ;
  • El Houcine Louardi, ministre de la Santé. Mr Louardi est membre du PPS ;
  • Larbi Bencheikh, Secrétaire d’Etat chargé de la Formation professionnelle et ex directeur général de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail( OFPPT).

Le Souverain marocain a chargé le chef du gouvernement de formuler des propositions de nomination de responsables pour les postes vacants.

Selon certaines informations livrées par la presse marocaine, le chef du gouvernement entamera des discussions avec Mr Nizar Baraka, le nouveau Secrétaire général du parti de l’Istiqlal, le 25 octobre 2017. Ces discussions  porteront sur la formation d’une nouvelle coalition gouvernement qui favorisera  le retour en force de  l’Istiqlal  qui  serait  appelé, très probablement, à prendre la place du PPS que certains qualifient du  « parti des sept sièges ».

Par Ahmed Saber, pour Maghreb Canada Express

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