Par Hamid Soussany
Le tissu associatif issu de l’immigration marocaine, avait essentiellement et tout au long des années 70, 80 et même 90, des centres d’intérêts dont les préoccupations n’étaient pas celles de l’immigration marocaine.
On peut les énumérer en deux grandes tendances:
– Les amicales, composées essentiellement d’ouvriers et de commerçants, liées aux consulats et à l’administration marocaine, animées par un patriotisme excessif avec une vision sécuritaire au plus fort des années de plomb.
– La deuxième grande tendance issue des mouvements d’extrême gauche estudiantins, qui a trouvé dans l’espace associatif un terrain fertile, voire de survie, pour perpétuer l’opposition politique à l’Etat marocain.
Avec, il faut le reconnaitre, accessoirement et périodiquement des activités culturelles pour la première tendance et des luttes contre les actes racistes pour la deuxième tendance.
Mais globalement, l’immigration marocaine s’est retrouvée pendant longtemps prise en otage par deux visions motivées par des considérations politiques liées à la situation interne du Maroc. L’immigration marocaine a servi de terrain d’affrontement d’ordre idéologique qui la dépassait et qui l’empêchait de construire sa propre personnalité autour de la défense de ses intérêts propres.
La fin des années de plomb et le processus démocratique amorcé au Maroc, ont mis fin à cette bipolarisation de la vie associative de l’immigration marocaine, caractérisée par l’affrontement entre deux courants avec des préoccupations politiques propres au Maroc, loin de la réalité de l’immigration marocaine et ses exigences. Abstraction faite de la vie associative cultuelle relevant du champs religieux qui a eu un fonctionnement spécifique, pour répondre dans un premier temps à d’autres impératifs, notamment la création et la gestion matérielle des lieux de culte.
Depuis une décennie, on assiste à des efforts de recherches identitaires du mouvement associatif MRE, avec des spécificités propres à chaque migration, mais avec un regain d’intérêt commun autour de l’avènement du CCME ( Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger), et de la représentation politique des Marocains de l’étranger.
Le besoin se fait sentir de plus en plus pour marquer une pause et engager une réflexion collective afin de tirer les leçons du passé, évaluer les exigences du présent par un dialogue citoyen et responsable afin de fédérer les expériences et les énergies saines pour les mettre au service de la communauté marocaine de l’étranger et la défense de ses intérêts vitaux, aussi bien au Maroc que dans les pays d’accueil.
La création d’un forum MRE, un réseau de réflexion et d’échange entre acteurs associatifs et politiques, peut être dans un premier temps une formule adéquate, qui devra pour commencer établir le constat et dans un deuxième temps ouvrir un large débat, serein et responsable, sur toutes les questions qui intéressent actuellement la communauté MRE.
Par HAMID SOUSSANY
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UN CCME AFFRANCHI…
La constitution de 2011 a apporté, en grande partie, une réponse à la question de la représentation politique des marocains de l’étranger. Elle a ainsi consacré le droit de vote et d’éligibilité d’une manière claire dans son article 17.
Bien entendu, il appartient au gouvernement et au parlement de mettre en pratique des droits politiques des marocains de l’étranger par la rédaction et le vote des lois qui devront fixer notamment le nombre de sièges réservés aux MRE ainsi que le découpage des circonscriptions.
Les marocains de l’étranger attendent également beaucoup, et d’une manière légitime, de la mise en pratique de l’article 18, qui leur promet une participation étendue au sein des institutions consultatives et de bonne gouvernance.
Le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger a été crée par Dahir en décembre 2007 sous l’ombre pesante de la question de la représentativité politique des MRE qui était posée d’une manière cruciale depuis le discours Royal du 5 novembre 2005 qui fait date.
Il faut bien reconnaître qu’une certaine confusion, mêlée à une dose de frustration de certains acteurs associatifs, a accompagné la naissance du CCME, devenu pour certain un exutoire de tous les maux.
Bien entendu, toute représentativité ne peut tirer sa légitimité que du suffrage universel qui est l’expression souveraine et démocratique des électeurs. Aujourd’hui, encore une fois, la nouvelle constitution de 2011 a réglé d’une manière claire et définitive la question de la participation politique des MRE.
L’architecture de la loi organique qui devra écrire ou réécrire les missions et la composition du CCME doit forcément tenir compte des acquis de l’expérience enrichissante du conseil et de l’affranchir officiellement de la question de la représentativité, acquise par la constitution, afin de lui permettre de mener à bien sa mission consultative, de conseil, d’expertise, de rétrospective et d’évaluation des politiques publiques, dans la sérénité, loin de l’agitation.
Les critères du choix des membres doivent répondre aux exigences qui relèvent de l’expertise et des compétences requises dans les différents domaines de la vie des MRE: art et culture, culte, économie, politique, information, vie associative…en tenant compte, bien entendu, des équilibres liés au genre, aux générations, à la répartition démographique et géographique.
La nomination des membres par Dahir Royal est une garantie de prestige et d’indépendance du conseil, elle doit demeurer comme un lien d’affection direct, parmi d’autres, qui lie Sa Majesté à la communauté marocaine de l’étranger.
Par Hamid Soussany, Volume XII, N°11, page 22, Novembre 2014,Maghreb Canada Express.