Par Abderrahman El Fouladi

IM000295.JPGL’Ébola, le VIH, les MTS… C’est du petit thé (pour ne pas dire autre chose de religieusement incorrect par les temps qui courent) devant ce mal du début du siècle et de celui de la fin du siècle dernier et qui n’est autre que… L’exode des cerveaux !

Même ceux qui n’ont pas de cervelle se rallient à ceux qui sont sensés être les zombies mangeurs de matière grise pour en souffrir… atrocement !

Et nous, canadiens de souche ou de greffe, nous ne sommes pas du reste: nous croyons dur comme la glace du pôle nord (qui est sensé nous appartenir géographiquement sous réserve que les russes ne s’en mêlent ; conséquences du chamboulement climatique obligent) que nos médecins, nos infirmières, nos informaticiens et nos chercheurs immigrent plus vite que nos outardes vers le sud ‘’attirés par les gros salaires qu’offrent nos voisins’’ !

Et n’en déplaise à ces autres chercheurs de poux (dont l’un au prénom évocateur d’Ibrahim qui sonne ‘’terriblement terroriste’’) criaient, à nous réveiller de notre rêve masochiste, que seulement 2% de nos diplômés sont touchés par cette bougeotte depuis 1995 !

Et ils en rajoutent; les trouble-jérémiades: 61% des fugitifs ne rêvent que de revenir au bercail !

Quelques 6000 kilomètres plus loin, de l’autre côté de la rive de l’atlantique (celle qui était colée au continent américain et qui en fut séparée par des forces obscures nous en voulant déjà, nous maghrébo-canadiens, au point de nous empêcher de rentrer en vacances dans notre deuxième chez-nous en auto-stop) des voix s’élèvent pour crier au vol de cerveaux… nos propres cerveaux !

Waw Waw, là ! Manqueriez-vous à tel point de manifestants «de cadres supérieurs » en chômage (de n’avoir jamais travaillé) devant vos parlements?

Mais… Soyons sérieux ! Il se pourrait que des pays occidentaux aient vraiment besoin de nos compétences. Peut-être que le Canada aussi. Mais apparemment ce dernier cache bien son jeu car bon nombre de médecins ‘’compétents’’ font les chauffeurs de taxi, d’ingénieurs se recyclent à faire autre chose et d’infermières qui font … rien ! Bref, passons !

Se flatter l’orgueil patriotique sur le poil des partants c’est compréhensible. Mais vouloir à tout prix les garder juste pour faire de l’opposition de salon, c’est idiot. Et pour une fois, personnellement je me range du côté de ceux qui, quand il y a le feu, ils jettent les bambins chez le voisin (aussi ennemi soit-il) pour les récupérer ensuite une fois le feu éteint. Ce n’est nullement une fuite en avant, ni un abandon, mais bel et bien une délocalisation de ressources pour leur épargner la destruction.

Je fus fonctionnaire au Maroc à un moment où, pour quitter le pays ne serait-ce que pour des vacances à l’étranger, les fonctionnaires se doivent de montrer aux postes frontaliers une autorisation pour quitter le territoire national. Et puis le Maroc (entre autres pays maghrébins) aurait compris que dans toute guerre (et la guerre au sous développement en est une) il y a l’armée active, la réserve instruite et celle non instruite; la réserve instruite ayant l’obligation de rejoindre les rangs pour prêter main forte à l’active et instruire les ‘’laissés pour compte’’.

Les MRE sont une réserve instruite certes, mais ils ne sont ni monolithiques ni conscients de la mission dont voudraient les investir certains penseurs des pénombres.

Un travail éprouvant resterait à faire de ce côté pour que cette réserve puisse se rendre compte de son rôle de ‘’bâtisseur de ponts entre son pays d’origine et celui d’adoption’’, de son obligation de renvoyer l’ascenseur au pays d’origine et surtout de se rendre compte que son pays d’origine s’est bel et bien débarrassé du ‘’plomb qui alourdissait ses ails’’ pour pouvoir voler parmi le concert des nations civilisés en toute démocratie !

Les compétences à l’étranger ont tellement souffert du virus de l’Amicallite; virus qui a muté pour arborer les couleurs du changement et continuer d’occuper le terrain… téléguidage ou ‘’bénévolat à but lucratif ‘’obligent.

Résultat ? Bon nombre de compétences marocaines résidant à l’étranger tournent le dos aux mains tendues du pays d’origine et se ferment les oreilles pour ne plus entendre de discours officiels… souvent maladroits mais de plus en plus sincères !

Cependant tout ne peut être vraiment perdu que si la fibre patriotique l’est. Et faute de cultiver cette fibre dans un milieu malsain qui prévaudrait dans les pays d’accueil, le lien avec les affinités dans le pays d’origine pourraient la catalyser , et ce, grâce à une société civile responsable ayant conscience des besoins régionaux et maintenant des liens affectifs avec la diaspora à l’étranger.

C’est possible ! Et j’en témoigne personnellement après avoir échoué (je n’ai aucune honte à l’avouer) en tant que membre cofondateur du Forum des compétences marocaines résidant au Canada (FCMRC). Suite à cet échec j’ai eu le bonheur de découvrir une ONG établie au Maroc (Le forum de Béni Amir). Et là, je me suis rendu compte de l’avantage de travailler au sein d’une telle organisation : ils savent naviguer dans les labyrinthes nationales et connaissent très bien les besoins réels de la région.

Et c’est ainsi que j’ai eu le bonheur de collaborer efficacement à réunir, à Béni Mellal en juin 2013, des experts en changements climatiques venus du Canada, de l’Allemagne, du Danemark et de Haïti pour discuter avec leurs homologues universitaires marocains des impacts des changements climatiques sur la région de Tadla-Azilal. Mon bonheur fut à son comble quand, au terme de cette rencontre, un projet de jumelage de l’université Moulay Slimane de Béni Mellal avec celle de Montréal fut mis sur les rails.

L’année courante, le Forum de Béni Amir a continué sur sa lancée et m’a permis de participer à l’organisation d’un important rassemblement de chercheurs MRE de haut niveau (Voir pages 8, 9, 10 et 14 de cette édition) au Maroc et vient de prouver, ainsi, qu’il serait très maladroit d’exclure la société civile de toute stratégie de mobilisation des compétences marocaines délocalisées à l’étranger.

Abderrahman El Fouladi

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