Par Mustapha Bouhaddar
Les terroristes, quelles que soient leurs confessions, ne sont pas tous des décérébrés, comme on l’entend dire partout dans les médias: En 1894, c’est un terroriste anarchiste, certes mais polytechnicien, qui avait lancé une bombe au Café Terminus avenue de l’Opéra. Bilan : Un mort, et vingt blessés. Emile Henri, était son nom, et il avait déjà tué cinq policiers auparavant.
Avant d’être guillotiné, il n’exprimait qu’un seul regret; ne pas avoir tué davantage pour en finir avec ‘’l’État bourgeois’’.
Au Japon, le mot Kamikaze qui signifie ‘’vent divin’’, était utilisé dans le contexte de la deuxième guerre mondiale, et jamais dans le sens occidental qui veut dire auteur d’un attentat suicide.
En effet, les assassins du 13 novembre sont des djihadistes. N’empêche, pour les qualifier, on emploie le mot japonais : Kamikaze… Comme s’ils étaient semblables aux 14000 soldats japonais, qui ont sacrifié leurs vies, en menant des attaques suicides contre l’armée américaine. Encore une fois, rien de spécifique à l’Islam. Avant l’attentat du 11 septembre, les champions des attentats suicides, étaient les tigres tamouls. Comme ils se sont fait explosés à des milliers de kilomètres de la France, les Français s’en foutaient complètement. Mais, j’aimerais juste souligner que les Tamouls sont des hindouistes, et la guerre civile au Sri Lanka, était menée par des marxistes léninistes.
Rien à voir avec l’Islam…
Tout le monde fantasme sur les causes profondes de ce terrorisme; Les économistes disent que c’est à cause de la pauvreté, les sociologues disent que c’est la faute du milieu social (car, les terroristes sont issus de milieu pauvre), les historiens disent que c’est le résultat de décennies de conflit…
Mais finalement, l’analyse de ces causes profondes amène à des raisonnements contradictoires. Par exemple, avant 2011, les Américains, en Irak, étaient censés avoir créé le terrorisme. Après 2011, le retrait des Américains, est censé avoir créé le terrorisme. Donc, deux causes antinomiques.
En Égypte, le despotisme du Général Sissi, explique l’explosion du terrorisme. Sauf qu’en Lybie, c’est la fin du despotisme de Kadhafi qui explique le terrorisme. Donc finalement, rechercher les causes profondes, n’est pas la bonne idée. Passer son temps à chercher les causes profondes empêche de voir les vraies causes profondes.
Qu’est-ce que la mondialisation a apporté aux musulmans à travers le monde ?
Bien entendu, quelques-uns en ont tiré profit. Ce sont les élites, les propriétaires des puits de pétrole. Ces derniers ont accumulé de nombreuses richesses. Mais on n’est pas parvenu à esquisser des perspectives d’avenir pour les classes moyennes. Et ne parlons pas des classes inférieures de ces pays. De sorte que ces populations, aient l’espoir de mener un jour, une vie meilleure. Cette absence de perspective est désastreuse. Les occidentaux devront hélas se rendre à l’évidence, qu’ils ont bâti un modèle de développement qui n’est ni durable, ni universel.
Le dilemme saoudien…
La question qui s’oppose maintenant, c’est quelle attitude adopter à l’égard de l’Arabie Saoudite. Ce pays est important pour les Américains et les Européens. Il les approvisionne en pétrole, de manière très fiable, et il achète des armes. Et aussi, c’est l’un des rares pays arabes, qui ne remet pas en cause l’existence d’Israël, ce qui est extrêmement important pour les Américains. De plus, le pays semble relativement stable sur le plan politique. Mais les experts se demandent si cela peut durer longtemps. Et pour finir, il faut admettre que les Saoudiens, ont toujours été un contre-pouvoir à l’Iran.
Après l’attentat du 13 novembre, la riposte militaire est enclenchée, des frappes conjointes contre Deach au Proche Orient. Mais en Europe aussi le danger est omniprésent, et il dépasse les frontières de la France. Pendant plusieurs jours Bruxelles est placée en État d’Alerte terroriste maximum. Des concerts ont été annulés, et des musées fermés. Le trafic de métro est interrompu. La gestion adéquate des problèmes en France, et en Europe, est l’un des défis majeurs des prochaines décennies.
L’antichambre du terrorisme
Il faut se mettre à l’évidence, que les services de renseignements, ne peuvent pas résoudre les problèmes sociétaux. Si les jeunes adhèrent au Salafisme, et s’activent dans leurs réseaux, ils se radicalisent. C’est un phénomène de société. Et ce sont les responsables de la jeunesse qui doivent s’y attaquer. Il faut qu’ils veillent sur les jeunes (qu’ils soient issus de l’immigration ou pas) afin qu’ils ne se sentent pas exclus, et qu’un avenir professionnel puisse les sauver de cette drogue qui est le Salafisme; cet antichambre du terrorisme.
Quand Hollande annonce qu’il va déchoir de leurs nationalités, les Français d’origine immigrés, il a tort. Car parmi les terroristes, il y avait des jeunes français d’origine française. Que va-t-il faire de ces derniers ? Les déchoir de leurs nationalités ? Et où les expulsera-t-il ?
La fuite en avant des politiciens
L’origine d’un jeune égaré et qui se fait enrôler dans le djihad en Syrie n’a rien à voir dans son embrigadement. Car un Français d’origine immigré, ne connaît rien de son pays d’origine. La plupart ne parlent que le français. Les envoyer dans leurs pays d’origine est un suicide.
Il faut savoir que 50% des jeunes qui sont embrigadés n’ont rien à voir avec l’Islam, et n’ont pas connu d’immigration, et ce sont des jeunes athées ou catholiques. Comment expliquer que des jeunes qui ne sont pas musulmans, qui ne connaissent pas l’Islam et issus de familles qui ne pratiquent pas l’Islam soient embrigadés par Daech ? Il faut les protéger de Daech, car , nous musulmans, nous savons que les gens qui représentent celui-ci, ne sont pas le produit de notre religion.
Il est de notre devoir, d’être plus investis, plus proches des jeunes. Nous devons les prendre au sérieux, et être à leu écoutes, face à de tels signes.
Et faut-il le répéter et répéter que malgré ses Kamikazes, le Japon a perdu la guerre, que les tigres tamouls avec leurs attentats suicide ont été vaincus, et qu’après la mort de l’anarchiste Émile Henri, la société bourgeoise ne s’en sort pas si mal ? Après tout, pourquoi pas ? !
Par Mustapha Bouhaddar, Maghreb Canada Express, Vol. Xiv, N°01, page 18, Spécial Élections, Montréal (Canada), Déc. 2015 / Janvier 2016.
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