L’islamophobie peut être définie comme la peur collective de l’Islam qui se traduit par des actes et des préjugés à l’encontre de tous les musulmans par opposition à la condamnation ou la critique d’actes ou de pratiques d’un individu musulman. Les signes grandissants de l’islamophobie illustrent une compréhension inadéquate commune des sociétés et des cultures. En ce qui concerne l’islamophobie en tant que phénomène post-11 septembre, il est facile pour ses partisans de faire des suppositions naïves: mettre fin au terrorisme et  l’islamophobie cessera. Chris Allen, auteur de livre « l’islamophobie », rejette correctement cette thèse comme étant extrêmement dangereuse car elle justifie en fin de compte les stéréotypes indolents qui décrivent tous les musulmans comme des terroristes, capitulant ainsi devant des personnes racistes et des médias d’extrême droite qui choisissent cette attitude.

L’islamophobie a été instituée pour la première fois par des intellectuels et des missionnaires comme Ricoldo di Montecroce au XIIIe siècle. Semblable à l’antisémitisme, la haine anti-musulmane est devenue profondément ancrée dans la culture occidentale à travers le discours religieux, la musique, l’art et la littérature.

Les médias ont, volontairement ou par inadvertance, intégré une stratégie antiterroriste. Le résultat est que dans leurs reportages, ils fusionnent l’Islam et tous les Musulmans, considérant ainsi l’Islam comme une menace.

Ce genre de sentiment antimusulman répandu peut aujourd’hui être remarqué dans de nombreux pays; pas seulement en Amérique du Nord, mais aussi en Australie, au Myanmar et en Europe, où les dirigeants de la Hongrie, de la République tchèque, de la Pologne et de la Slovaquie déclarent ouvertement que les musulmans ne sont pas les bienvenus dans leurs pays. La peur des musulmans et de l’islam émane essentiellement de l’ignorance et de la propagande. Entre 1992 et 1995, les musulmans bosniaques ont été victimes du nettoyage ethnique parce qu’ils ont été identifiés comme un groupe «racial» par des personnes physiquement, linguistiquement et culturellement semblables à eux-mêmes.

Aucun politicien européen ne peut ignorer l’explosion du sentiment anti-musulman, certainement pas l’Allemagne d’Angela Merkel. Cette dernière, souvent considérée comme le gardien des idéaux libéraux de l’Europe, a été obligé d’interdire la burqa pour freiner la montée du parti de droite AdF, dont la récente victoire électorale a mis en difficulté la fragile stabilité de l’alliance politique allemande.

En Grande-Bretagne, les attaques contre les mosquées se produisent régulièrement une fois toutes les deux semaines, et leur rythme ont augmenté fortement après les attentats terroristes, comme cela s’est produit à Manchester et à Londres. Par conséquent, les musulmans britanniques se sentent plus exposés et en danger. Les sondages sur les attitudes rapportent que 77% des Britanniques croient que « l’Islam a beaucoup de partisans fanatiques »; 68% le jugent «être plus lié au moyen âge qu’au monde moderne», et 64% pensent que l’islam «traite mal les femmes».

Une enquête de Pew Global Attitudes a établi que même dans les pays les plus libéraux, comme l’Allemagne, la Hollande, la France et la Suède, près de la moitié des personnes interrogées pensaient que certains musulmans soutenaient l’État islamique (EI).

En février 2017, un rapport de Chatham House a révélé que 55% des Européens des dix pays étudiés étaient d’accord pour arrêter toute nouvelle migration des pays à majorité musulmane.

De même, en Australie, l’islamophobie est en hausse. Les données d’enquête révèlent de manière alarmante que l’Australie est aussi une nation islamophobe. Alors que seulement 41% des Américains sont en faveur d’une interdiction provisoire des immigrants de sept pays musulmans, près de la moitié des Australiens (49%) sont pour une interdiction permanente de l’entrée des musulmans dans leur pays.

La situation difficile de centaines de milliers de musulmans rohingyas au Myanmar est considérée comme l’une des pires crises de réfugiés contemporaines au monde. Plus d’un demi-million de personnes ont fui les persécutions dans la province de Rakhine au nord du Bangladesh depuis août 2017. Au moins 6700 Rohingas ont été tués et 288 villages détruits par un incendie depuis août 2017. Les Nations Unies ont dépeint les attaques des troupes et des bouddhistes Rakhine qui ont causé le départ en masse des musulmans, comme un «exemple clair de nettoyage ethnique».

Plusieurs observateurs sont également alarmés par le langage du président Trump, qui n’a fait qu’aggraver la situation de la communauté musulmane en Amérique. Le nombre de crimes haineux islamophobes a augmenté après une année de l’administration Trump. Beaucoup de critiques et d’experts prévoient que ces attaques islamophobes dégénéreront  pendant cette administration. Les musulmans craignent l’exacerbation de la réponse violente et de la fureur aveugle contre eux.

L’oppression par Israël du peuple palestinien avec le soutien des Etats-Unis provoque aussi la colère contre les Etats-Unis, qui considèrent Israël comme un allié contre le terrorisme. L’exemple le plus notoire est la récente reconnaissance par le président Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël. Le profilage, la ségrégation, la répression et le traitement des musulmans comme s’ils étaient tous des terroristes ne sont pas la manière de combattre le terrorisme. Le cercle vicieux de l’islamophobie s’aggrave et il faut l’arrêter avant qu’il ne devienne incontrôlable.

L’islamophobie a changé la façon dont certains musulmans se présentent à la société. Les agissements répréhensibles de certains individus, qui se disent musulmans, façonnent grandement l’image des sociétés musulmanes et de l’Islam dans son ensemble. Commettre un crime au nom de l’Islam et terroriser les autres est inacceptable dans l’Islam.

Les musulmans vivant en Occident sont confrontés à tant de préjugés, et les femmes voilées subissent le plus de violence et de harcèlement dans la rue en raison des facteurs de visibilité et de vulnérabilité. L’islamophobie réduit également leurs chances de trouver un emploi. Selon Eurostat 2016, le chômage parmi les jeunes immigrés musulmans a atteint en moyenne 27% contre 15% pour les ressortissants européens nés dans le pays.

Un rapport récent de Gallup révèle que plus de la moitié des personnes vivant dans les sociétés musulmanes pensent que les musulmans occidentaux ne sont pas traités équitablement et que l’islamophobie a gravement endommagé l’islam comme une religion de paix, ce qui joue aux mains des extrémistes dont le message est que les musulmans sont indésirables en Occident.

L’islamophobie décourage également les jeunes qui souhaitent immigrer en Occident pour étudier ou travailler, réduisant considérablement leurs chances d’obtenir un visa. Par exemple, en 2015, seulement 39,7% des demandeurs de visa Schengen en Algérie ont reçu des visas à entrées multiples. Les gens se sont interrogés, craignant des réactions négatives ou leurs demandes ont été rejetées par les ambassades occidentales.

Fait intéressant, les derniers sondages prouvent que lorsque les gens connaissent  un musulman en personne, les préjugés sont très réduits. Ceci corrobore la conclusion du chercheur de l’Université de Harvard Gordon Allport dans son livre proéminent « La nature des préjugés »: ce contact significatif avec des personnes de différentes cultures est central pour atténuer la haine.

La majorité des 1,8 milliard de musulmans dans le monde participent largement aux efforts visant à renforcer l’islam modéré en collaborant avec les gouvernements. Les musulmans en Europe et en Amérique du Nord, par exemple, ont déjà montré qu’ils sont souvent les premiers à réagir contre le radicalisme. Ils peuvent aider à déradicaliser les jeunes et à fournir l’information et une image positive de l’Islam et des musulmans.

Cependant, de nombreux dirigeants musulmans ont une connaissance insuffisante de la civilisation occidentale et ont du mal à lutter contre la propagande islamophobe. De même, la plupart des imams en Occident ne maîtrisent pas la langue du pays hôte.

Atténur les malentendus au sujet des cultures occidentales, musulmanes et d’autres cultures du monde devrait également être considéré comme une avancée impérative dans la promotion d’une culture de paix mondiale.

Par Moha Ennaji(*), pour Maghreb Canada Express, page 14, Vol. XVI, N° 3, Mars 2018

Pour lire  l’édition du Mars 2018, cliquer sur l’image:

(*) Moha Ennaji est président du Centre Sud-Nord pour le dialogue interculturel et les études sur la migration au Maroc. Ses livres les plus récents incluent « New Horizons of Muslim Diaspora in North America and  Europe » et « Muslim Moroccan Migrants in Europe ».

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