Dans un communiqué diffusé le vendredi 1er juin 2018, la Fédération Internationale de Football Association ( FIFA) a indiqué qu’après une évaluation approfondie des dossiers de candidatures et après avoir effectué plusieurs visites dans les pays concernés, le groupe de travail chargé de l’évaluation des deux candidatures à l’organisation de l’édition 2026 de la coupe du monde a confirmé que les deux dossiers en lice ont atteint la note requise et seront, par conséquent, soumis au Conseil de la FIFA. Il s’agit des dossiers suivants :
- Le dossier de candidature déposé par la Fédération Royale Marocaine de Football ;
- Le dossier de candidature conjointement déposé par l’Association Canadienne de Soccer, la Fédération Mexicaine de Football et la Fédération de Football des Etats Unis.
Dans ce même communiqué, l’instance footballistique internationale a tenu à préciser « qu’après l’analyse du groupe de travail et sous réserve que le Conseil de la FIFA retienne ces candidatures, la décision sur l’éventuelle sélection d’une candidature sera effectuée lors du 68ème congrès de la FIFA qui aura lieu le 13 juin, à Moscou.. ».
En d’autres termes, cela veut dire que conformément à la procédure de candidature pour la coupe du monde 2026, la FIFA a validé les dossiers marocain et nord-américain. A cet égard, il sied de souligner que la Task Force a octroyé au dossier marocain une note moyenne générale de 2,7( sur un maximum de 5 points). Ce qui a permis à la candidature marocaine d’échapper, de justesse, à une défaite sévère et prématurée qui serait due à la mise en exécution de la sentence prévue par la FIFA : rejet d’un dossier par note éliminatoire. Celle-ci aurait écarté le Maroc du sprint final. Dans ce cas de figure, le trio nord-américain s’arrogera le grand privilège et l’avantage de présenter une candidature unique, lors du vote prévu pour le 13 juin courant.
A cet égard, il sied de rappeler que le dossier marocain a obtenu plusieurs notes se situant en deçà de la moyenne (2,5). Celles-ci ont concerné le transport qui a eu la note la plus faible (2,1), les stades (2,3) et la rubrique « billetterie et hospitalité – ticketing and hospitality» avec 2,4. A ce sujet, il convient de souligner que pour être approuvé et par conséquent retenu pour le vote final, un dossier de candidature doit recevoir une note moyenne supérieure à 2/5.Une note inférieure à celle-ci signifie une élimination avant terme, qu’on peut même qualifier d’élimination par KO. Les candidatures en lice doivent aussi chercher à ne pas avoir cette mauvaise note dans l’une des rubriques clés de l’évaluation technique. L’évaluation des dossiers techniques adoptée par la FIFA se déroule dans le cadre d’un processus prévoyant plusieurs étapes. L’élimination peut être décidée à n’importe quelle étape par laquelle doit passer la procédure de l’évaluation technique des offres.
Outre ces mauvaises notes obtenues dans les rubriques concernant le transport et les stades, le dossier marocain a souffert d’autres talons d’Achille dont notamment les revenus escomptés (7,2 milliards de dollars contre presque le double pour la candidature nord-américaine).
Par ailleurs, il convient de souligner que la FIFA a mis au point un modèle d’évaluation des candidatures qui s’articule autour de trois composantes à savoir :
- L’évaluation de la conformité de la candidature ;
- L’évaluation globale des risques ;
- Et enfin, l’évaluation technique.
Mieux noté, le dossier nord-américain aura-t- il la tâche facile, le 13 juin ?
L’analyse des détails de la notation du dossier marocain fait ressortir le travail colossal que le Maroc doit entreprendre d’ici 2026 pour être en mesure d’honorer tous ses engagements à l’égard de la FIFA, notamment dans les rubriques concernant les stades qui doivent être en parfaite conformité avec les critères exigés par la FIFA, le transport, les billets et l’accueil.
Si le dossier marocain était très près d’une élimination pour mauvaise note, le dossier du trio nord-américain a obtenu une note de 4 sur un maximum de 5, devançant ainsi le dossier marocain de 1,3 point. Ainsi, l’offre nord-américaine a gagné une première bataille en s’attribuant une note moyenne nettement supérieure à celle accordée au dossier marocain. Sur le papier, il parait, donc, que le trio nord-américain part favori et aurait plus de chances d’arracher l’honneur d’accueillir l’édition 2026 de la coupe du monde 2O26.
Néanmoins, nous savons pertinemment que le résultat d’un match de football ne peut être connu qu’après le sifflet final de l’arbitre. C’est la même règle qui régit un vote serré dont l’issue est incertaine et qui ne peut être connue qu’après le dépouillement des bulletins des votes et la proclamation des résultats définitifs et officiels. Etre considéré comme grand favori sur le papier ne signifie pas toujours une victoire certaine qui privera le scrutin de tout intérêt ou suspens.
Par conséquent, le Maroc doit croire fermement en ses chances, aller jusqu’au bout et œuvrer pour s’approprier le soutien actif de la majorité des 107 associations affiliées à la FIFA, sans lequel le rêve marocain ne peut pas se concrétiser.
Pour s’adjuger l’honneur d’abriter les phases finales de la coupe du monde 2026, l’un des deux candidats en lice doit disposer du soutien réel (vote favorable) d’au moins 104 associations, membres à la FIFA. L’analyse des déclarations de soutien exprimées clairement, l’influence et le poids des candidats de par le monde, nous permet de dresser un bilan provisoire des appuis acquis ou très probables sur lesquels ils peuvent fonder leurs espoirs.
Le malentendu, fort regrettable, entre la Fédération Royale Marocaine de Football et son homologue belge au sujet d’un éventuel soutien de la Belgique au Maroc, nous oblige à ne prendre en considération que les appuis clairs et nets sur lesquels les candidats peuvent vraiment compter le 13 juin 2018. Les compliments, les termes élogieux et les promesses ambigües n’ont aucune valeur réelle dans un exercice où seuls les bulletins de vote comptent, en définitive.
Les soutiens acquis ou presque pour le Maroc
Le Maroc peut, d’ores et déjà, compter sur le soutien de la France, de la majorité des pays africains et arabes, d’une bonne partie des pays asiatiques, d’une partie non négligeable des pays européens et d’un groupe très restreint constitué de quelques pays de l’Amérique Centrale et des Caraïbes. Ce qui lui permettrait de fonder ses espoirs, pour le moment, sur plus de 95 voix favorables. Par conséquent, tous les efforts du comité de candidature du Maroc doivent être focalisés sur certains pays asiatiques à l’exception de ceux qui ont des relations hautement stratégiques ou privilégiées avec les USA. La campagne de promotion et de séduction menée intensivement par le Maroc doit aussi cibler les pays européens qui faisaient partie de l’ex bloc soviétique avec lesquels le Maroc entretient de bonnes relations bilatérales.
Les efforts louables et inlassables entrepris par Ahmad Ahmad, président de la Confédération Africaine de Football( CAF) pour faire de la candidature du Maroc une candidature africaine, n’ont pas eu tout le résultat escompté à cause des positions négatives adoptées par l’Afrique du Sud qui a retiré son soutien déclaré à la candidature du Maroc pour des raisons politiques, et le Libéria qui a pris la décision de soutenir la candidature nord-américaine. Le Nigéria, une grande nation du football et un des pays influents en Afrique n’a pas encore dévoilé son intention. Le silence des autorités nigérianes crée beaucoup de problèmes pour le Maroc qui doit se préparer à affronter toutes les éventualités qui l’obligeraient à revoir son plan d’action et la stratégie de promotion de sa candidature. Le Maroc qui aurait dû être dans une position très confortable grâce aux appuis exprimés par l’Organisation de la Coopération Islamique –OCI- qui dispose de 57 voix, la Ligue des Etats Arabes et la majorité des pays africains. Contre toute attente, l’Arabie Saoudite, pourtant un des pays avec lequel le Maroc a toujours entretenu de très bonnes relations, aurait adopté une position inamicale à l’égard du Maroc en décidant de soutenir le dossier nord-américain. Pire encore, selon des informations livrées par la presse américaine, l’Arabie Saoudite ne va pas se contenter de voter contre l’offre marocaine, mais fait campagne en Asie pour inciter de nombreuses voix indécises, jusqu’à présent, à soutenir la candidature du trio nord-américain.
Les appuis exprimés ou quasiment acquis pour le trio nord-américain
La candidature nord-américaine peut déjà s’appuyer sur le soutien d’une bonne partie des pays- membres de l’Union des associations européennes de football( UEFA) et notamment les associations footballistiques représentant le Royaume Uni et les pays nordiques , de la majorité écrasante des pays membres de la CONCACAF ( Confédération de Football d’Amérique du Nord, d’Amérique Centrale et des Caraïbes), des 10 membres de la CONMEBOL ( Confédération sud-américaine de football), des pays- membres de l’OFC( Confédération de football d’Océanie), d’une partie des pays asiatiques et de quelques pays africains menés par l’Afrique du Sud, un pays qui a toujours adopté des positions hostiles au Maroc. Ce qui permet au dossier nord-américain d’être soutenu, pour l’instant, par presque une centaine d’associations.
La liste des pays qui soutiendraient le trio nord-américain pourrait s’élargir davantage ou se rétrécir car elle dépendrait, dans une certaine mesure, des résultats qui vont découler du prochain sommet entre le président américain et le dirigeant nord-coréen, des résultats des efforts qu’entreprennent les alliés des USA en Asie pour permettre à la candidature nord-américaine d’y gagner quelques voix supplémentaires et de la position qui sera prise par le Nigéria, un des grands pays de l’Afrique qui entretient de bonnes relations avec les pays africains surtout anglophones. A ce sujet, il convient de souligner que le président nigérian, Muhammadu Buhari, a effectué une visite officielle aux USA, en avril dernier. Le président américain, Donald Trump, qui est allé jusqu’à attaquer vigoureusement les pays qui oseraient prendre la décision de ne pas soutenir le dossier nord-américain, aurait certainement saisi cette occasion propice pour solliciter l’appui du Nigéria.
Compte tenu de tout ce qui précède, il parait que malgré cette guerre sportive, apparemment déséquilibrée, à cause de l’énorme poids politique, économique et militaire indiscutable des Etats Unis dans le monde et leurs zones d’influence qui peuvent être mises à profit pour faire la différence, le dossier marocain a les moyens de résister et conserve de vraies chances d’aboutir. Il suffit d’y croire fermement et de continuer à le promouvoir en cherchant à glaner des voix qui seraient favorables à une justice sportive qui offrirait à l’Afrique l’honneur d’abriter, pour la seconde fois dans son Histoire, les phases finales de la coupe du monde de football, après l’Afrique du Sud en 2010. Le strict respect de la règle de l’alternance entre les continents et les résultats peu concluants de l’organisation conjointe (Corée/Japon en 2002), devraient, en principe, favoriser amplement la candidature du Maroc. Malheureusement, la candidature du Maroc est soumise à un moment où la FIFA est dirigée par une nouvelle direction qui a adopté une nouvelle vision et une nouvelle philosophie qui n’accordent aucune valeur à l’alternance et aucune importance aux manques à gagner que pourrait engendrer l’organisation conjointe des phases finales d’une coupe du monde de football.
Enfin, il importe de préciser que lors d’une réunion tenue le 10 juin courant, à Moscou, le Conseil de la FIFA a approuvé le rapport de la Task Force et validé, par conséquent, les candidatures du Maroc et du trio nord-américain pour l’organisation de la coupe du monde de football 2026. Ce qui permet aux deux candidatures d’être soumises au vote, le 13 juin 2018. Selon la procédure fixée par la FIFA, si aucune candidature n’arrive à obtenir le score requis ( 104 voix au moins) pour s’adjuger l’honneur d’accueillir la coupe du monde 2018, la FIFA sera dans l’obligation de lancer un nouvel appel aux candidatures qui exclut la Maroc et le trio nord-américaine.
Par Ahmed Saber pour Maghreb Canada Express