Pas plus loin que deux semaines après la tuerie des deux mosquées de Christchurch en Nouvelle Zélande, tuerie qui souleva l’indignation presque universelle, le gouvernement Legault ne trouva de mieux à faire (le 28 mars dernier) que de déposer son projet de loi sur la laïcité visant d’exclure, de certains espaces professionnels, les croyants de toutes les religions attachés à leurs symboles religieux.

Et du coup c’est mal parti (du moins pour les québécois et québécoises de confession musulmane) car au moment où toute l’attention est retenue par la Nouvelle Zélande qui osa ouvrir, dans un élan inédit de tolérance , de compassion, de solidarité et d’ouverture, la session parlementaire du  19 mars dernier par une lecture de versets du Coran (pour rendre hommage aux victimes tombées sous les balles de celui qui grava, entre autres, le nom du tueur de la mosquée de Québec sur la crosse de son fusil), Québec vient dire, à travers sa loi sur la laïcité ,qu’une partie des musulmans est exclue de la fonction publique (notamment des femmes) pour attachement à leurs signes religieux !

L’indignation est d’autant plus grande que tous estiment qu’on soit juge, policier(e) ou enseignant(e), on s’acquitte de ses tâches professionnelles, non pas en fonction des préceptes de sa religion, mais dans le respect de la Loi mise en place par l’État. Et même si dans le cas (oh combien peu probable) où un illuminé s’avise de faire le contraire,  l’État est là, avec son arsenal juridique et réglementaire, pour lui taper sur les doigts et le rappeler à l’ordre; quitte à le foutre à la porte s’il le faut !

Par ailleurs, plusieurs médias canadiens ont déjà souligné que cette loi ne concerne qu’une très infime minorité de croyants portant des signes religieux dans leur travail dont le gros, une centaine de femmes, pour la plupart musulmanes, dans le secteur de l’enseignement.

Nous faisons partie de l’extrême majorité de la communauté musulmane qui n’est pas touchée par les effets immédiats de cette loi mais qui s’inquiète de ses impacts à moyen et à long terme  car les portes de l’abus viennent de s’ouvrir grandes sur leurs battants.

En effet, selon la gouvernement caquiste, la loi « vise à affirmer et à définir la laïcité de l’État dans le droit québécois selon quatre grands principes :

  1. La séparation de l’État et de la religion;
  2. La neutralité religieuse de l’État;
  3. L’égalité des citoyennes et des citoyens;
  4. La liberté de conscience et de religion. » fin de citation.

Or rien n’est moins sûr car, et concernant le premier point, quoique nous sommes tous d’accord pour séparer la religion de l’État, cette loi viserait plutôt à séparer l’État d’une partie des citoyens et de les exclure; citoyens dont le seul ‘’crime’’ est de s’attacher à leurs signes religieux (qui ne sont pas un décors, n’en déplaise, mais une partie de la pratique de leur  religion !

 Et crime ne serait pas une exagération car  voilà que la ministre de la sécurité publique du Québec qui avertit que la police sévira contre ceux et celles qui désobéiraient à cette loi.

Nous sommes alors de plus en plus loin du second point car l’État, loin d’être neutre, serait en train de se ranger du côté de ceux et de celles qui n’ont pas de religion pour ‘’dilapider’’ publiquement ceux et celles qui en ont une ! Certains renchérissent en criant que tout se décide dans l’enfance et qu’il faut exclure les croyants de l’espace des enfants ! Waw ! Les enfants ont le droit de subir tout bourrage de crâne dans leur enfance mais n’ont pas le droit de voir dans leur espace des croyants ; ne serait-ce que pour leur montrer que le Monde est diversifié et pluriel ! Et du coup dans les yeux de ces enfants tout les porteurs et porteuses d’un symbole religieux deviennent délinquants; voir criminels !

Et du coup, on est bien loin du 3ème point prétendant que cette loi défend l’égalité entre les citoyens et les citoyennes ; n’en déplaise à M. Légault qui pour défendre l’indéfendable avance que  les québécois ont des valeurs et que ce projet de loi ‘’respecte les valeurs québécoises’’ ! À l’entendre parler de la sorte, on a l’impression qu’il ne nous considère absolument pas comme citoyens mais juste comme des visiteurs qui ne doivent pas lever la voix devant leur hôte et qui n’ont aucun droit dans la maison de cet hôte. D’où les dérapages verbaux garantis sur le sol, oh combien glissant des amalgames et de la culpabilité par association !

Quant à la liberté de conscience (4ème point) la gouvernement caquiste semble nous dire: vous êtes libre de pratiquer votre religion . Mais assumez en les conséquences… À commencer par ne jamais rêver d’accéder à un poste de responsabilité (en position d’autorité qu’ils disent !) . Et du coup, notre peur est grande de voir les autres employeurs emboîter le pas au gouvernement et refuser les plus qualifiés parmi nous dans des postes de responsabilité. – Le projet de loi ne vise pas ça; nous dira-t-on ? Il y a une dizaine d’année il était insensé de penser qu’un projet de loi, comme celui d’aujourd’hui, voit le jour au Québec. Et pourtant !

Et c’est ainsi que nous avons tous intérêt à réagir à ce projet de loi car nous portons tous des signes religieux ostentatoires : Nos noms et prénoms à connotation religieuse ! A quand va-t-on nous sommer de renoncer à cette identité ultime ?

Ohé les ONG, les médias et même les instances gouvernementales de nos pays d’origine ! Nous avons besoin de votre soutien pour expliquer à qui de droit que nous n’avons pas besoin de cet affront ultime; nous qui rêvions (et continuons de rêver) de devenir des ponts économiques et politiques entre nos pays d’origine et ce pays d’adoption!

Par Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express,, page 3, Vol. XVII, N°4 , Avril 2019.

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