« Comparaison n’est pas raison » Certes, mais un « homme averti en vaut deux » [1].
A l’heure où des milliers de MRE se prêtent à faire revivre un nouvel épisode de cet exode annuel unique dans son genre, cette transhumance humaine, volontaire et attendue, la sagesse veut qu’ils soient vigilants et avertis : un « MRE informé en vaut plus que deux ». Conscient des pièges qui le menacent il n’en sera que plus avisé pour que ce retour estival au pays ne se transforme en cauchemar.
Se rendre au pays c’est, pour le commun des MRE, la plus belle manière de se ressourcer dans un milieu familial et culturel maitrisé et plus clément. Ce besoin est vital au regard du contexte de crise économique que vivent les pays d’accueil, de la stigmatisation ambiante de l’islam et de la montée du populisme et de l’extrémisme qui prospèrent électoralement sur le terreau de la haine de l’Autre, parce qu’il est culturellement différent, parce qu’il est Etranger. De Trump l’américain, qui rêve d’interdire l’entrée aux Etats Unis à « toutes les personnes de confession musulmane » à Nigel Farage l’anglais qui a construit sa campagne pour le Brexit sur le thème de la lutte contre l’immigration, en passant par Geert Wilders le hollandais et le Pen la française, ce n’est que stigmatisation, haine, hostilité de l’Autre.
Investir dans son pays d’origine, s’y assurer un toit pour finir ses vieux jours, créer, entreprendre et innover pour contribuer à sa prospérité, quoi de plus légitime. Les MRE ont bien assimilé ces enjeux et ce rôle économique et social et nul besoin de tambours ou autres artifices officiels pour raviver leur volonté de rester arrimer au pays contre vents et marées. C’est d’un attachement viscéral dont il s’agit.
Les MRE, ce sont des Hamzat Wasl (trait d’union), des transmetteurs fidèles de la culture et des valeurs cultuelles nationales. Ce sont des défenseurs acharnés des intérêts et causes suprêmes de leur pays et des acteurs clefs de son développement économique et humain. Ils sont porteurs de projets innovants et créateurs d’emploi et de richesse. Leurs transferts de devises (19,4 milliards de dirhams début 2016) font vivre plus de deux millions de personnes. Ces transferts ont compensé cette année la faiblesse de la croissance nationale (autour de 2%), impactée par une année agricole difficile et une activité touristique marquée par la baisse (arrivées et nuitées).
Ce qui est écœurant et révoltant, c’est de voir ce retour au pays se transformer pour des centaines d’entre eux en cauchemar. De voir leurs affaires contrariées et leurs biens spoliés.
Ce qui est affligeant, c’est de constater que des chasseurs de « Hamza MRE », à l’origine de drames humains et de deuils de dizaines de familles, ne soient pas inquiétés outre mesure. Ce qui est fort de café, c’est de voir l’inertie des différentes autorités chargées des Affaires MRE face à ce phénomène de spoliation qui semble non seulement généralisé mais bien enraciné.
Et pourtant, ce phénomène donne une image peu réjouissante du pays. Il a un impact négatif certain sur les jeunes générations peu enclines à comprendre ce qui arrive à leurs ainés et à admettre ce qu’ils subissent comme humiliations. Il fait craindre le pire aux promoteurs étrangers et plombe sévèrement les investissements.
A bon entendeur…
Les MRE qui ont investi, jusqu’au dernier pécule, dans un projet de vie et se sont vus spoliés, « pigeonnés », réclament justice. Ils se demandent aujourd’hui, jusqu’à quand ces rapaces, ces « arnaqueurs » qui ont fait de la spoliation de biens MRE une spécialité, resteront impunis.
Jusqu’à quand la justice du pays va-t-elle tergiverser et laisser les cris de détresse de familles MRE sans réponses et des centaines de dossiers errer dans les couloirs des tribunaux ?
C’est aussi simple que cela. Ne rien faire, ne pas agir fermement et rapidement, c’est cautionner des pratiques frauduleuses qui ont endeuillé des familles MRE et ruiné beaucoup d’autres.
Jouer la montre ou le pourrissement de la situation, c’est donner quitus à ces grands arnaqueurs sous le ciel de Casablanca et d’ailleurs, et aux victimes le sentiment que les dés sont jetés.
Le nombre de MRE dépossédés de leurs biens est en effet effrayant. Ceux qui en sont les victimes ne savent plus à quel saint se vouer. Ceux d’entre ces gens « arnaqués » qui ont saisi le président français François Hollande, l’ont fait en désespoir de cause. Leur appel à SM le Roi est empreint de sollicitude et d’espoir, mais aussi d’un signe de défiance à l’égard d’une justice qui semble en manque d’efficacité et de fermeté dans cette affaire de spoliation caractérisée.
Ceux qui, année après année, sou après sou, dans la gêne, la privation et l’éloignement, ont économisé et transféré au pays le fruit de leur dur labeur, mais qui furent lâchement spoliés de leurs biens, savent désormais à quel type d’acabit ils ont à faire. A l’avenir, eux-mêmes et leurs enfants réfléchiront cent fois avant de se diriger vers une banque pour contracter un prêt immobilier ou un bureau de poste pour accomplir ce qu’ils ont toujours considéré comme un devoir.
Pour que les MRE demeurent cette Hamzat wasl, au sens de trait d’union, de lien et de liaison, qui fait tant de bien au pays, ils ont besoin de reconnaissance, de plus de considération et surtout de justice et de sécurité pour leurs affaires et leurs biens.
Il serait donc plus judicieux de dissiper les malentendus et corriger les défaillances. De valoriser leur participation au processus politique et leur assurer une représentation juste et effective dans les instances de représentation et de bonne gouvernance dans le respect de la constitution de 2011. De privilégier et de promouvoir dans le pays, à l’aide d’initiatives fortes et de projets culturels et cultuels concrets, la vision et l’image d’une « diaspora marocaine » dynamique, riche en compétences, levier de développement et de croissance.
Il fut un temps où le MRE était envisagé comme un « acteur à distance ». Il s’est vu reconnaître le statut de citoyen « potentiel » pouvant voter par procuration à l’occasion d’élections législatives nationales. Il s’est même trouvé objet de débat et de propositions de loi au sujet de sa représentation institutionnelle, notamment au Parlement. Tout cela le MRE l’a encaissé. Mais, l’envisager, le penser comme une « Hamza-pigeon » et l’arnaquer impunément, c’est pousser l’humiliation et la « Hogra » à leur comble.
Note :[1]. Dictionnaire de l’Académie française (1762) : « Un homme est bien plus fort quand il a pris ses précautions. Quand vous êtes conscient d’un danger ou autre, il est plus aisé de l’éviter ».
Avertissement : Cet article fut publié pour la première fois le 30 juin 2016. sous le titre ‘’Les MRE, Hamzat Wasl ou Hamza tout court ?’’ Nous le republions dans cette édition à la demande de son auteur qui estime qu’il est aujourd’hui d’actualité plus que jamais.
Par Mraizika Mohammed (Docteur en Sciences Sociales, Consultant en Ingénierie Culturelle…) pour Maghreb Canada Express, page 14, Vol. XVII, N°9 , SEPTEMBRE 2019
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