La mobilisation contre la réforme des retraites, s’annonce forte. D’autant que d’autres mouvements pourraient suivre. Le gouvernement, que l’on disait plus conciliant depuis la rentrée, a choisi la fermeté. Mais,  il y aura réforme quoi qu’il arrive, le ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin l’a confirmé.

Jean Petaux, politologue à Sciences po Bordeaux, dans une interview accordée à « 20minutes », trouve que la position du gouvernement  n’est pas surprenante. Car  au début d’une partie de bras de fer, il faut pouvoir se ménager des espaces éventuels de négociation et pour cela il ne faut pas commencer par une attitude de renoncement. Ça voudrait dire que ces espaces de négociations reposeraient sur des terrains encore plus fragiles pour le gouvernement. C’est un peu le principe de la stratégie militaire : on dit que « qui tient le haut tient le bas ».

En matière de négociation sociale, qui tient une position ferme, haute en ambition, garde la possibilité de lâcher du lest dans les semaines à venir. Toujours d’après Jean Petaux, le gouvernement a sorti un certain nombre de cartes de sa manche. Il y a eu cette fameuse « clause du grand-père », qui a fait un tour de piste qui n’a pas convaincu les acteurs sociaux. Une autre est en train de sortir, faire en sorte que les syndicats représentatifs participent à la gestion paritaire du nouveau système de retraite. Le gouvernement va probablement  proposer aux syndicats un certain nombre de débouchés qui compenseraient des éléments de réforme. Ce qui porte le risque de voir les grandes centrales syndicales se faire déborder par une base qui considérera que le compte n’y est pas et qu’on n’achète pas la paix sociale par des procédures institutionnelles. Il ne faut pas considérer la grève autrement que comme le round d’observation d’un match qui peut être assez long. D’où le fait que les différentes forces en présence fourbissent leurs armes et ne veulent pas manquer l’entrée en scène.

Le politologue conclut : « aucun des deux camps (gouvernement et syndicat)  ne donne de chiffre de référence à partir duquel chacun parlera de succès ou d’échec. Est-ce que les syndicats sont aussi suffisamment forts pour éviter les dérives violentes qui vont focaliser les objectifs des caméras ? L’ampleur du blocage à Paris qui va donner le tempo. Il y aura donc un rendez-vous intéressant à suivre. Si à Paris on compte entre 50.000 et 100.000 manifestants, ce serait une très grosse entrée en scène de la contestation syndicale. Le fait que l’on commence à une date proche des vacances de Noël laisse aussi peu de marge d’affrontement. Il y a un espace-temps d’environ trois semaines pour manifester, réagir, répondre, négocier etc. Si le conflit dépasse le 20 décembre, ce sera une autre paire de manches. »

Pourquoi la grève ?

Les syndicats à l’origine de l’appel à la grève s’opposent au projet du gouvernement d’instaurer un système universel de retraite par points. Emmanuel Macron l’avait promis dans sa campagne électorale de 2017 : « pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous ». Une réforme qui va entraîner la disparition des 42 régimes spéciaux de retraite. La valeur du point de retraite sera indexée sur le niveau des salaires. Le gouvernement prend l’engagement d’une pension de 1000 € minimum pour une carrière complète. Plusieurs questions cruciales restent à acter : âge légal de départ à la retraite, durée de cotisation, date d’entrée en vigueur de la réforme ou mesures sur la pénibilité du travail.

Transports

À la SNCF, trois syndicats – CGT cheminots, UNSA ferroviaire et SUD-rail – ont lancé un mouvement de grève illimité à partir du jeudi 5 décembre. La CFDT a déposé un préavis reconductible.

Le mouvement s’annonce très suivi dans les transports en commun parisiens puisque l’UNSA, la CGT et la CFE-CGC de la RATP promettent une forte mobilisation et à une grève illimitée. Comme à la SNCF, la RATP publiera ses prévisions de trafic mardi après-midi. Dans les transports urbains de notre région, les éventuels préavis de grève n’ont pas encore été déposés, explique l’Union des transports urbains.

Un appel à la grève illimitée est aussi lancé dans le transport urbain et routier de voyageurs, de marchandises et de fonds par la CGT, FO et Solidaires. Les ambulanciers, déménageurs et taxis sont également concernés.

Dans le secteur aérien, les syndicats de personnels navigants n’ont pas appelé à la grève. En revanche, trois syndicats d’Air France de personnels au sol ont déposé des préavis. Toutefois, le deuxième syndicat des contrôleurs aériens, l’USAC-CGT, appelle à faire grève ce qui pourrait entraîner des retards voire des annulations de vols.

D’autres secteurs suivront comme l’Education nationale, les Services publics, les Hôpitaux, la Police, le Justice, et l’Energie.

Les Français soutiennent la grève

66 % des français jugent ce mouvement justifié selon un sondage Odoxa-Dentsu consulting/France Info/Le Figaro publié jeudi. Dans le même temps, 66 % sont favorables à un alignement des régimes de retraite et donc la fin des régimes spéciaux. Autre enseignement : 65 % des Français pensent que le gouvernement tiendra bon face à la mobilisation de la rue.

Comme d’habitude, ce sont les ouvriers, les maçons, les gens qui font le ménage, j’en passe et de meilleurs, qui vont vraiment être impactés par cette grève, car d’une part, ils ont des bas salaires, et d’autres part, ils ne peuvent pas bénéficier de par leur métier du télétravail.

Quand il m’arrive de prendre les transports en commun, très tôt le matin pour prendre l’avion pour l’Etranger, je crois toute cette population d’ouvriers qui commence tôt, certains dorment dans le train, d’autres dont on lit la fatigue et la tristesse sur leurs visages et à travers leurs regards. Ce sont des Africains, des Arabes, des Asiatiques, quelques Portugais, et des ressortissants des pays de l’Est. Ils sont invisibles, on les montre du doigt, chaque fois qu’il y a une crise économique passagère. Évidemment, ceux qui les stigmatisent, prennent le train à 9h du matin, ils ne les voient jamais.

« … on demande à l’individu stigmatisé de nier le poids de son fardeau et de ne jamais laisser croire qu’à le porter il ait pu devenir différent de nous ; en même temps, on exige qu’il se tienne à une distance telle que nous puissions entretenir sans peine l’image que nous nous faisons de lui. En d’autres termes, on lui conseille de s’accepter et de nous accepter, en remerciement naturel d’une tolérance première que nous ne lui avons jamais tout à fait accordée. Ainsi, une acceptation fantôme est la base d’une normalité fantôme. » GOFFMAN, Erving.

Par Mustapha Bouhaddar, pour Maghreb Canada Express (MCE), page 13, Vol. XVII, N°12 , Décembre 2019.

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