Rien ne semble devoir entamer la détermination des manifestants chiliens qui continuent à descendre dans la rue, 40 jours après le début d’un mouvement réclamant des mesures sociales urgentes qui tardent à se concrétiser.
D’après le quotidien « La Croix » du 27/11/19, « des milliers de personnes ont manifesté une nouvelle fois dans les rues de Santiago à l’appel de plusieurs organisations syndicales du secteur public. La vague de contestation qui a éclaté le mois d’octobre se poursuit selon un scénario devenu habituel à Santiago. Les journées commencent normalement, puis des rassemblements plus ou moins suivis ont lieu dans le centre-ville. S’ensuivent en fin de journée des heurts entre les manifestants les plus radicaux et les forces de l’ordre, ainsi que des incendies et des pillages attribués à des groupes organisés de délinquants.
Les centres commerciaux de Santiago ferment plus tôt en raison des difficultés de transport des employés, et un métro ne fonctionnant toujours pas à 100% dans cette capitale de 7 millions d’habitants.
Plusieurs ONG dont Human Rights Watch (HRW) ont dénoncé «de graves violations des droits de l’Homme de la part de la police». Le directeur pour les Amériques de cette ONG, Jose Miguel Vivanco, a affirmé avoir reçu des centaines de plaintes concernant «un usage excessif de la force dans les rues et des abus contre des détenus».
Un universitaire, Gustavo Gatica, a perdu totalement la vue après avoir été blessé par des tirs des forces de l’ordre lors d’une manifestation à Santiago, a indiqué l’hôpital dans lequel il a été soigné. Il s’agit du premier manifestant rendu entièrement aveugle depuis le début de ces manifestations, et son cas est devenu le symbole des nombreux blessés aux yeux en raison de ces projectiles spéciaux utilisés par la police, qu’elle s’est engagée à abandonner.
La Croix-Rouge chilienne a affirmé qu’elle continuait à traiter des patients blessés par ces tirs.
L’accord historique signé par les partis le 15 novembre sur l’organisation d’un référendum pour remplacer la Constitution héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990) avait suscité l’espoir d’une sortie de crise. Mais la poursuite des violences, des blocages et des manifestations maintient l’incertitude sur l’évolution du mouvement.
Le gouvernement du président Piñera a également provoqué un tollé en annonçant le dépôt devant le Parlement d’un projet de loi autorisant les militaires à protéger les infrastructures publiques, sans avoir besoin de décréter l’état d’urgence. L’instauration de cet état d’urgence aux premiers jours de la crise avait été fortement critiquée.
La crise qui secoue le Chili est la plus grave depuis le retour de la démocratie en 1990. Cette vague de contestation a fait 23 morts, dont cinq après l’intervention des forces de sécurité, et plus de 2.000 blessés.
Que réclament les manifestants ?
C’est la vie chère qui est à l’origine du mouvement. Les manifestations ont commencé le 18 octobre avec l’annonce d’une hausse du ticket de métro de 800 à 830 pesos (1,04 euro) aux heures de pointe, à Santiago du Chili, après une première augmentation de 20 pesos en janvier dernier. La dernière hausse a rapidement été annulée, mais la capitale chilienne reste le théâtre quotidien de manifestations qui dégénèrent quasi systématiquement en affrontements avec les forces de l’ordre.
Plus largement, les manifestants protestent contre les inégalités et demandent des réformes du modèle ultralibéral chilien, qui les contraint souvent à s’endetter lourdement pour accéder à l’éducation et aux soins. Ils réclament notamment une réforme du système de retraites et une révision de la Constitution, tous deux hérités de la période de la dictature d’Augusto Pinochet, achevée en 1990. Certains manifestants appellent également à la démission du président conservateur Sébastian Piñera.
A signaler que Le conflit a entraîné l’annulation du sommet de l’APEC (forum de coopération économique Asie-Pacifique) qui devait se tenir à Santiago les 16 et 17 novembre, et de la conférence de l’ONU sur le climat (COP 25), également prévue dans la capitale en décembre et finalement délocalisée à Madrid.
Le terrain du sport est également touché. Alors qu’elle devait se tenir dans la capitale chilienne, la finale de la Copa Libertadores 2019, équivalent sud-américain de la Ligue des champions est annulée.
Espérons que le Chili, ne va pas basculer vers l’extrême droite comme son voisin le Brésil.
Par Mustapha Bouhaddar, pour Maghreb Canada Express (MCE), page 14, Vol. XVII, N°12 , Décembre 2019.