C’est l’histoire d’un MRE, d’ici, qui prit les devants pour s’approprier une voiture pas cher avant la fonte des neiges en vue de profiter, à plein poumons, de l’air frais de la campagne québécoise sitôt le printemps arrivé.

Première voiture trouvée : Bien entretenue. Mais trop grande et trop chère ; Deuxième voiture trouvée : Le propriétaire a l’air d’un filou. 3ème, … Nième voiture, le chasseur d’aubaines commence à en avoir marre. Mais au moment où il fut sur le point d’abandonner, voilà que la perle rare qui lui fit un clin d’œil à travers le portail d’un site d’annonce bien populaire !

À peine 7 ans, Caméra de recul, Bluetooth, Cruise-control, pneus d’hivers et pneus d’été presque neufs et tous montés sur jantes, 145.000 km au compteur… Et l’annonce qui ne tarit pas d’éloges sur la petite merveille, se termina par un prix alléchant et par un numéro de téléphone sur lequel sauta le chasseur d’aubaines.

– Allo ! C’est pour la voiture à vendre. J’espère que je n’arrive pas trop tard!

– Quelle voiture Monsieur ? Nous en  avons plusieurs .

Plusieurs ? Serait-ce un concessionnaire ? Pourtant l’annonce laissait supposer que le vendeur est un particulier ! Bof ! Après tout ! Pourquoi ne pas aller voir et décider ensuite !

Il prit donc un rendez-vous (COVID-19 oblige) et se rendit le lendemain sur place.

Il fut reçu par un jeune-homme dont l’apparence est maghrébine mais qui s’entête à ne parler que français. Il montra la voiture qui, à première vue, tint toutes les promesses faites en son nom par l’annonceur.

Toutefois, une inspection minutieuse montra quelques petits bobos que l’aide-concessionnaire se pressa de mettre sur le dos de l’ancien propriétaire et des méchantes voitures qui roulent devant en envoyant des graviers aux voitures qui les suivent.

– Ok, Ok. Mais l’annonce stipule qu’il y a une caméra de recul. Je n’en vois pas une…

– Non, non, il n’y a pas de caméra de recul sur ce modèle. Mais il y a mieux que la caméra Monsieur ! Il y a un démarreur à distance ! C’est mieux ici au Québec quand il fait moins 30°!

Pourquoi pas ? se dit l’acheteur qui se mit devant le volant pour démarrer la voiture. Mais quand le tableau de bord s’alluma, il vit que l’odomètre indique 154.000 km et non 145.000 comme stipulé sur l’annonce !

– Et l’odomètre ? Vous l’aviez lu en Arabe quand vous aviez fait l’annonce ?

Les deux hommes finirent par éclater de rire et le jeune-homme finit par avouer qu’il est maghrébin tout comme le patron qui vint se joindre à eux.

 Malgré ces petits désagréments, l’acheteur s’attacha à la voiture et à ces deux jeunes-hommes qui paraissent dynamiques et dont l’un vient du même pays que lui. Il demanda alors une réduction de prix pour les désagréments et se vit offrir 200$. C’est peu mais l’acheteur accepta et partit chercher une traite-bancaire accompagné par l’aide concessionnaire, laissant son permis de conduire au patron pour remplir les formulaires de vente.

De retour de la banque, le patron n’avait toujours pas rempli les papiers.

En attendant, l’acheteur laissa flâner son regard sur les murs du bureau et y remarqua dans un cadre, le ‘’Permis de commerçant de véhicules routiers’’. Il s’en approcha pour lire le contenu et ne pu s’empêcher de rire en y lisant que le document ne garantit que le fait que le commerçant avait déposé une caution auprès des autorités compétentes. Et de préciser qu’il ne garantit surtout pas que le commerçant est honnête.

Il va bientôt se rendre compte qu’il n’y a pas de quoi rire!

 peine avait-il quitté le garage au volant de la voiture achetée qu’un  voyant l’avertit que le coffre-arrière était ouvert. Il s’arrêta pour vérifier et… Oh surprise ! les pneus d’été n’étaient pas dedans !

Retour au garage. On se confondit en excuses et on apporta les pneus montés sur jantes qu’on engouffra dans le coffre.

Dix jours plus tard, quand le transit accordé par le garage (moyennant 50 dollars ?) arriva à échéance, l’acheteur s’en alla pour enregistrer le véhicule en son nom. Surprise ! Le vendeur a omis de signer l’un des papiers de la transaction !

L’acheteur se pressa de l’appeler. Et vous savez ce qu’il lui répondit ? « Ce n’est pas grave ! Vous n’avez qu’à signer à ma place ! Voilà comment je signe…»

L’acheteur ne l’entendit pas de cette oreille et demanda au vendeur de l’attendre dans une heure et demie ; le temps de se taper les 100 km qui le séparent du garage.

Le papier finit par être signé et le véhicule finit par être enregistré au nom de l’acheteur.

Tout semble être au mieux dans le Meilleur des Mondes. Mais quand ça paraît trop beau, c’est que c’est trop beau  disait l’autre.

En effet, vint le temps d’enlever les pneus d’hiver et de les remplacer par les pneus d’été.

L’acheteur se rendit chez son garagiste, et attendit une heure pour se faire dire, quand arriva son tour, que les pneus, non seulement ils sont de 15 pouces au lieu de 16, mais qu’ils sont montés sur des jantes n’ayant que quatre trous au lieu de 5 pour laisser passer les goujons !

 L’acheteur appela le vendeur et lui fit part du problème.

– Ecoutez Monsieur ! Vous n’avez qu’à aller à la ferraille chercher des jantes à 5 trous et monter les pneus dessus.

– Mais les pneus sont de 15 pouces au lieu de 16 pouces !

– Monsieur ! C’est votre problème et non pas le mien. Nous , nous vous avions donné les pneus qu’il faut…

– Vous me traitez de menteur ? Est-ce que vous n’êtes pas plutôt en train de me voler ?

Et c’est parti pour un échange d’insultes plus salée les unes que les autres ! Et le vendeur dépassait de loin le savoir-faire de l’acheteur dans ce domaine , et ce malgré le fait qu’il soit arrivé ici à peine âgé d’un an. Il troqua en effet vite fait le français pour l’arabe qu’il prétendait ne pas maitriser, faisant preuve ainsi d’une ghettoïsation bien réussie; en témoigne son répertoire d’insultes (bien garni) qui n’épargnèrent ni l’acheteur ni ses ancêtres.

Arrivé à la jonction de Décarie avec la métropolitaine, l’acheteur avait le choix de prendre la direction du vendeur ou de tourner à l’opposé pour rouler jusqu’à ce que sa rage se calme. Il prit cette direction et roula plus d’une heure, jusqu’à ce qu’il aperçût au loin l’enseigne d’un centre Canadian Tire. Là, il fut réconforté par une attention toute professionnelle et on accepta même de lui monter le jour même les pneus neufs sur sa voiture malgré le fait qu’il n’avait pas pris rendez-vous en cette période de Rush pour changer les pneus d’été.

En attendant que les pneus soient montés sur la voiture, l’acheteur ouvrit son cellulaire et tomba sur trois messages successifs envoyés par le vendeur et espacées de quelques minutes : Premier message : Passez en succursale il nous fera plaisir de vous aider. 2ème message : Passez ! . 3ème message : Venez !

L’acheteur fut tenté de répondre : Passer pourquoi faire ? Non satisfait de l’agression verbale, vous voulez m’agresser physiquement ? Mais il se ravisa et répondit qu’il a eu sa leçon et que pour lui l’incident est clos.

« Et voilà ! Tantôt j’étais inquiet pour des pneus. Maintenant dois-je m’inquiéter pour ma sécurité ? Car ces gens ont mon adresse de domicile alors que moi, je n’ai que celle de leur garage ! »

Et d’ajouter :

« Ce qui me fait le plus mal , c’est que de telles personnes risquent de se comporter pareillement avec des québécois pures-laines ou avec d’autres  citoyens venus d’ailleurs. Et les victimes ne verront, en nous tous, rien que des agresseurs ! ».

Par Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°04 , page 03 , Avril 2021

 

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