Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)

«Il n’y a pas de place aujourd’hui ni demain pour un Maroc qui avance à deux vitesses».
Cette phrase, tirée du dernier discours du Trône, résume une vision : celle d’un pays où naître dans un village isolé ne condamne plus une vie entière. Les deux vitesses évoquées par Sa Majesté le Roi ne renvoient pas seulement aux routes; elles symbolisent deux trajectoires: celle de ceux qui accèdent aux opportunités et celle de ceux qui restent enfermés dans les manques.

Chaque discours du Trône est un moment de vérité. Il revient sur ce qui a été accompli, pointe ce qui reste à faire et fixe un cap. Celui de cette année est particulièrement clair : il ne peut y avoir ni développement durable ni prospérité tant que subsistera un Maroc des privilégiés et un autre laissé pour compte.

Une scène récente illustre cette fracture : à trente kilomètres de Ouezzane, une famille en deuil a dû, en pleine canicule, mobiliser toutes ses forces pour obtenir une citerne d’eau et abreuver les personnes venues présenter leurs condoléances. Cette image, d’une simplicité saisissante, dit tout : dans certaines régions, même l’accès à l’eau reste un combat.

L’appel royal va bien au-delà de la construction d’infrastructures. Il invite à réparer des décennies d’inégalités et à réintégrer dans le projet national des territoires trop longtemps laissés en marge. L’enjeu n’est pas seulement d’ouvrir des routes : c’est d’ouvrir des horizons.

La justice territoriale ne se mesure pas uniquement aux chantiers ; elle se construit d’abord par l’égalité des chances :

  • une école solide pour chaque enfant,
  • une santé accessible partout,
  • un marché du travail qui offre une véritable place aux jeunes,
  • et une administration qui agit avec équité et transparence.

L’expérience internationale le prouve : la richesse seule ne suffit pas à réduire les fractures. Mauvaise gestion et corruption sont des fabriques d’inégalités. Pour que le Maroc avance d’un même pas, il faut en plus d’une vision claire, une gouvernance moderne et une action publique efficace, capable d’atteindre ceux qui en ont le plus besoin.

Le Maroc esquissé par ce discours royal est celui d’une seule vitesse : un pays où le progrès ne se mesure pas au nombre de kilomètres d’autoroutes, mais à la distance que chaque enfant peut parcourir vers son avenir. Et, plus simplement encore, à la capacité d’une famille, dans le village le plus reculé, de trouver de l’eau fraîche un jour d’enterrement sans devoir attendre une intervention exceptionnelle.

By AEF