Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)

Il arrive des moments où un pays ne se contente plus de consolider une victoire diplomatique : il la transforme en horizon moral et politique. La réaction du Maroc au dernier Conseil de sécurité en est l’illustration la plus éloquente.

La résolution 2797 n’est pas qu’un jalon institutionnel sur un dossier complexe, mais l’aboutissement d’un cap stratégique constant, patient, assumé. Pourtant, l’essentiel n’était pas dans le texte onusien, mais dans le discours royal qui l’a suivi. Un discours qui ne célèbre pas l’avantage remporté, mais qui ouvre le champ de la réconciliation et de la régénération nationale.

Ce moment aurait pu être celui de l’exaltation ou de la posture de force

Il fut, au contraire, celui de la maturité d’État. Car au cœur de ce discours, une adresse singulière résonne : l’appel de Sa Majesté le Roi aux Marocains des camps de Tindouf. Non pas comme « citoyens » lointains, ni comme « sujets » perdus dans l’histoire — mais comme frères. Ce mot, choisi avec précision, n’est pas anodin. Il efface les hiérarchies implicites, refuse la verticalité du pouvoir, et ramène la nation à sa définition la plus profonde : une communauté de destin, et non un contrat circonstanciel. Immédiatement après, SM le Roi rappelle un principe cardinal : Tous les Marocains sont égaux.

Deux mots suffisent à redéfinir une phase politique : frères – égaux. En un geste, la souveraineté se double d’humanité, et l’autorité devient inclusion. Ce n’est pas une frontière que l’on ouvre, mais une maison que l’on ré-ouvre. Ce n’est pas un retour négocié : c’est un droit retrouvé. L’histoire contemporaine nous a appris que seules les nations sûres d’elles-mêmes peuvent accueillir sans crainte. L’Allemagne réunifiée, le Rwanda réconcilié — trois contextes différents, une leçon commune : le futur appartient à ceux qui n’utilisent pas le passé comme prison, mais comme enseignement.

En affirmant que nul ne revient vaincu, jugé ou redevable, le Maroc se positionne parmi les États qui choisissent la dignité comme principe structurant, et la confiance comme moteur politique. La souveraineté ne s’exprime pas ici par la force, mais par la confiance — cette forme suprême de puissance. Comme le rappelait Ibn Khaldoun, « la patrie est là où l’homme se sent en sécurité ».

Aujourd’hui, le Maroc ajoute une dimension essentielle : la patrie est aussi là où l’homme revient sans être déclassé, sans être suspecté, sans être assigné à une appartenance conditionnelle. Le Maroc ne revendique pas sa victoire. Il accueille son avenir.

Cinquante ans après la Marche Verte, qui réunissait l’espace, voici l’heure d’une nouvelle marche — celle qui rassemble les êtres. L’une libérait la terre ; l’autre réunit les cœurs. Et dans un monde fragmenté, crispé, souvent captif de ses rancœurs, ce choix n’est pas seulement politique : il est civilisationnel. Car, comme l’écrivait Gibran : La patrie n’est pas un sol qu’on laboure, mais une âme qui nous habite. Certains pays gagnent des territoires. D’autres gagnent des hommes. Le Maroc, aujourd’hui, choisit de gagner les deux

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