Par A. El Fouladi
Hier c’était les Canaries comme raccourci vers l’Espagne pour les subsahariens. Avant-hier c’était le Maroc avec son avantage de n’être qu’à environ 14 kms des côtes Européennes. Aujourd’hui les candidats au paradis européen se rabattent sur la Libye… Chaos politique et sécuritaire oblige.
Qu’importe les morts qui (ne) se comptent (que) par centaines car les réussites de la traversée pour les rescapés se comptent, elles, par milliers! Et parler des morts ne dissuadera pas les candidats à l’immigration. Car ces candidats (ne serait-ce qu’économiquement) se considèrent déjà quasi morts !
IL Y A SUICIDE ET SUICIDE…
Prendre un zodiac et affronter les éléments déchaînés de la mer, pour le candidat à l’immigration, ne serait pas un billet-suicide mais un aller-simple vers l’espoir et une vie meilleure. Le risque de mourir ne serait pas dissuasif car le candidat à l’immigration chaque jour se considère mourir un peu… À petit feu.
Et certaines caméras auront beau zoomer sur les cadavres jonchant les plages, le candidat à l’immigration ne s’identifiera point aux morts: Il laissera cette besogne aux caméras et aux plumes des reporters en mal de scoops qui vont l’accueillir et sauront faire verser sur lui une grosse petite larme de crocodile.
Lui, il ne rêvera que de voir ce qu’ont vu ceux et celles qui ont pu aller au delà des dunes longeant la plage où il va échouer. Et… qui sait ? Peut-être que sa dulcinée, Aicha laissée sur place verra son image via la Télé-satellite dont sont équipées moult masures de son village natal !
Une fois de l’autre côté, il l’appellera et appellera Kaddour , Hammou, Mamadou, Jilali et (ou) Abdou pour se vanter de son exploit et leur lancer le défi de venir le joindre… Comme l’avait fait le petit poltron du village qui a réussi avant lui la traversée et qui l’a motivé de relever le défi.
ET L’EUROPE DANS TOUT CELA ?
Bien-sûr que les dirigeants européens, avec leurs états majors, sont conscients du raisonnement simpliste, voire débile, de l’immigrant !. Le contraire serait dramatique car, et nous ne voulons choquer personne, si la tendance se maintient, et au rythme actuel avec lequel la Libye déverse le surplus de la misère africaine et moyen-orientale sur le contient, dans quelques décennies certains pays européens seront aussi misérables que les pays d’où émane cette déferlante migratoire!
Alors à quel jeu sont en train de jouer les leaders européens… Tout en sachant qu’une bonne partie de leur opinion est certes pour le fait de secourir les naufragés, mais à condition de les refouler chez eux ? !
LÀ, ON COMMENCE À MARCHER SUR DES OEUFS !
Bref, en médiatisant à outrance la marée humaine actuelle, ne cherche-t-on pas à justifier un recours à la force pour atteindre d’autres objectifs en Libye; objectifs non avoués ? Car des pays de la région, qui ont essayé cette option sécuritaire se sont rendus compte de ses limites. Ne citons que le Maroc qui a préféré prendre le taureau pas les cornes et élaborer une politique migratoire visant à régulariser des milliers de subsahariens résidant sur son territoire.
BAN KI-MOON DANS LA MÊLÉE
Concernant un éventuel recours à la force pour stopper le flux migratoire à partir de la Libye, le Figaro rapporte, le mois dernier, les propos du secrétaire général de l’ONU (confiés à la Stampa) que voici: « Il n’y a pas de solution militaire à la tragédie qui est en train de se produire en Méditerranée’’. Et d’ajouter: « Une approche globale est cruciale qui prenne en compte les racines du problème, la sécurité et les droits humains des migrants et des réfugiés, comme avoir des canaux légaux et réguliers d’immigration« .
Et M. Ban Ki-moon pèse ses mots en parlant de Réfugiés et de Migrants car les réfugiés ont tout un haut commissariat de l’ONU et les migrants n’ont rien ! Car, et c’est ce qu’il faut prendre en compte : Les réfugiés sont liés à des problèmes politiques (dictatures, guerres…) ponctuels dans l’espace et dans le temps tandis que les migrants sont mus par un problème beaucoup plus global : Les impacts des changements climatiques qui amènent l’ONU à lutter sur deux fronts : Celui de l’atténuation et celui de l’adaptation.
LES CHANGEMNTS CLIMATIQUES
Or force est de constater que jusqu’à présent, et depuis Kyoto, la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ne s’est consacrée qu’au volet ‘’atténuation’’ qui concerne la réduction des gaz à effet de serre de source anthropique.
Sans verser dans le pessimisme, et concernant ce volet, l’ONU se comporterait comme un responsable d’un train dégringolant sur une pente, qui multiplie les conférences (déjà 20 avec celle de Lima) pour décider de la force qu’il faut exercer sur la pédale de frein pour arrêter le mastodonte… alors que celui-ci continue de gagner de la vitesse sur la pente (du réchauffement climatique).
La 21ème conférence des parties signataires de la CCNUCC (COP21) se tiendra à Paris (France) cette année et devrait aboutir à un accord international sur le climat ‘’qui permettra de contenir le réchauffement global en deçà de 2°C’’. En versant dans l’optimisme extrême, la COP21 pourrait décider de la force de freinage. Mais, et inertie du système climatique oblige, des populations subiront l’impact du changement climatique en attendant l’arrêt complet du réchauffement climatique dans des décennies voir des siècles.
UN CHANGEMENT DE CAP LORS DE LA COP 22 ORGANISÉE AU MAROC EN 2016?
C’est ce qu’il faudrait espérer en tout cas pour mettre enfin le cap sur l’adaptation aux changements climatiques, booster la résilience des pays africains, évaluer leur vulnérabilité et s’orienter vers des solutions valorisant l’Afrique dans les yeux des africains et drainant l’aide internationale pour fixer les populations sur place.
Et la Symbolique est forte car cette conférence se tiendra dans un pays africain (Le Maroc pour ne pas le nommer) francophone par dessus le marché (comme la plus part des pays de l’Afrique subsaharienne) et souffrant d’une migration climatique aussi bien nationale que régionale.
Des pays comme le Canada, de part leur appartenance à la sphère francophone et leur population d’origine africaine, peuvent jouer un grand rôle dans le succès de cette COP22. Appel pressant est donc lancé à Madame Kathleen Weil, ministre de l’immigration , de la Diversité et de l’Inclusion pour la compétence de son ministère dans l’immigration humanitaire ainsi qu’à M. David Heurtel, Ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, en ce qui concerne l’expertise québécoise dans ce domaine.
L’appui de ces deux ministres est primordial pour soutenir la société civile qui a son mot à dire lors de ces conférences des parties signataires de la CCNUCC.
Source : Abderrahman El Fouladi, Maghreb Canada Express, Vol. Xiii, page 3, Mai 2015
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