Avant d’aborder le discours du président français, M. Macron, sur l’antisémitisme, je m’associe avec mes confrères de « Maghreb Canada Express » activement impliqués dans la lutte contre le racisme sous toutes ses formes. La lutte contre l’antisémitisme fait partie à part entière de notre combat antiraciste. Nous condamnons fermement les actes antisémites, qui surgissent dans un contexte social et politique particuliers.

Il faut que les Français relisent l’Histoire: Les Nazis, la déportation, les camps de concentration, c’était hier et on doit être intransigeant contre les antisémites !

Ceci dit, la vigilance est de mise  contre les généralisations, et, comme le soulignait la politologue Nonna Mayer dans les colonnes de « Mediapart » du 28/02/19, « le mouvement des gilets jaunes n’est pas antisémite en soi, mais se prête plus que d’autres à une instrumentalisation, car il s’agit d’une mobilisation contre les élites, traditionnellement associées aux juifs dans les préjugés antisémites. »

Toujours dans ce média cité plus haut, Edwy Plenel met en garde toute instrumentation politique de l’antisémitisme, c’est lui qui souligne : « Haine absolue de l’Autre, l’antisémitisme n’est pas une variante du racisme mais son noyau dur. Toute complaisance, relativisme ou négligence envers ses manifestations ouvre la voie à la hiérarchie des humanités. Toute instrumentalisation politicienne de cette cause suprême l’affaiblit, au risque de la discréditer. »

Macron et ses mesures contre l’antisémitisme

Loi contre la cyber-haine, audit de certaines écoles… Devant le CRIF, le 21/02, Emmanuel Macron annonça plusieurs mesures pour « tracer de nouvelles lignes rouges » contre l’antisémitisme.

« L’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs, c’est le problème de la République.” Ton solennel et grave, Emmanuel Macron a promis, des « actes tranchants » contre l’antisémitisme, lors du 34e dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Chaque année, ce rendez-vous très politique rassemble ministres, diplomates et autres personnalités. Mais cette année, le contexte était particulièrement tendu. L’année 2018 a vu une explosion des actes antisémites, de 74%. Tout récemment encore, un cimetière juif a été profané à Quatzenheim, dans le Bas-Rhin. « Parce que la période met en cause ce que nous sommes, la France doit tracer de nouvelles lignes rouges », a clamé le Président.

Une loi contre les propos antisémites sur Internet

Premier acte annoncé par Emmanuel Macron, le dépôt, en mai prochain, d’une proposition de loi contre la haine sur Internet. Y compris, donc, la haine antijuive. Cette proposition de loi portée par la députée En Marche Laëtitia Avia se nourrit d’un rapport sur le sujet, remis en septembre 2018.

La méthode privilégiée est de « renforcer la pression sur les opérateurs » et de les responsabiliser juridiquement. Concrètement, les plateformes seront tenues de retirer les contenus appelant à la haine « dans les meilleurs délais » (« 24 heures », avance Gil Taïeb, vice-président du CRIF) de « mettre en œuvre toutes les techniques » pour identifier leurs auteurs.

Des groupuscules extrémistes dissous

Autre moyen d’endiguer les actes haineux : entraver les « associations ou groupements » racistes et antisémites. Emmanuel Macron a annoncé que trois organisations ont été dissoutes. Il s’agit des groupes d’extrême droite Bastion social, Blood and Honour Hexagone et enfin Combat 18.

Ce discours était particulièrement attendu par les représentants de la communauté juive. La veille, quelque 20.000 personnes s’étaient rassemblées à Paris et partout en France pour dénoncer l’antisémitisme. Avant l’allocution d’Emmanuel Macron, le président du Crif Francis Kalifat a de son côté dénoncé « l’antisémitisme de certains musulmans, l’antisémitisme de certains gilets jaunes ».

Antisionisme et antisémitisme

L’antisionisme doit-il être condamné au même titre que l’antisémitisme? La question resurgit ces jours-ci dans le débat public après les insultes subies par le philosophe et académicien Alain Finkielkraut tout récemment à Paris  et qui s’est fait traiter notamment de « sale sioniste de m… ». Le député En Marche de Paris Sylvain Maillard a également annoncé que des députés de tous bords comptaient déposer une résolution (non contraignante) ou une proposition de loi pour que l’antisionisme soit reconnu comme un délit au même titre que l’antisémitisme.

Qu’est-ce que l’antisionisme?

Historiquement, l’antisionisme est l’hostilité déclarée à la création de l’État d’Israël. Le sionisme est, a contrario, une idéologie politique, né au 19e siècle, visant à promouvoir la création d’un foyer national juif en terre d’Israël.

Avant la proclamation de l’État d’Israël en 1948, de nombreux juifs se déclaraient antisionistes, et ce, soit par religiosité (car dans le judaïsme, c’est l’arrivée du messie qui doit acter le retour à Sion (Jérusalem), soit parce que certains juifs ne voulaient pas laisser penser qu’ils avaient une « double allégeance » dans un contexte où les juifs étaient souvent accusés de ne pas être assez patriotes.

L’antisionisme est-il une nouvelle forme d’antisémitisme? À mon avis, non et c’est là ou je ne rejoins pas Macron:  Nous sommes dans un État de droit et nous avons le droit de critiquer l’État d’Israël et ce qu’elle fait subir quotidiennement aux palestiniens .

Il y a un nombre non négligeable dans l’intelligentsia pro sioniste en France à l’image de Finkielkraut et je dénonce ceux qui l’ont insulté récemment. Il n’y a qu’à lire ses livres, et ceux de Zemmour qui prône la haine contre les musulmans. On recense 74% d’antisémites en France. Un chiffre qui donne la chair de poule. Mais est-ce qu’on a recensé le nombre d’islamophobes ou de  mosquées brûlées en France ? Non évidemment ! Les problèmes des musulmans en France n’intéressent pas l’intelligentsia française à l’exception de certains intellectuels (rares)  comme Edwy Plenel.

Deux poids, deux mesures !

Les Français ne sont pas dupes ! Les tentatives de diversion en France sont une stratégie d’état systématique et efficace: quand les manifestations Gilets Jaunes ont commencé en novembre 2018, on a tout de suite repris une même recette. Le gouvernement a tenté de faire passer ce mouvement pour une dynamique tenue par les radicaux d’extrême droite cherchant ainsi à discréditer les Gilets Jaunes.

Et comme l’a souligné Michel Tubiana dans « Mediapart » le 18/02/19, « Il y aurait une certaine incongruité à vouloir légiférer sur l’antisionisme, alors et surtout que personne ne songe à incriminer ceux et celles, en Israël comme en France, y compris dans la représentation nationale, qui contestent le droit des Palestiniens à avoir leur Etat, voire vont jusqu’à nier leur existence ! »

« En affirmant que l’antisionisme est « la forme réinventée de l’antisémitisme », Emmanuel Macron a endossé, de manière inédite, la rhétorique du CRIF et de Netanyahou.

A-t-il aussi mis le doigt sur un angle mort de certaines gauches pros palestiniennes ? La polémique est ancienne, mais s’est violemment et récemment reconfigurée. » (Joseph Confavreux, journaliste sur France Culture le 14 févr. 2018).

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express,, page 13, Vol. XVII, N°3 , Mars  2019.

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