Par Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express, Vol. XXIII, N°04, page 3, Édition JUIN_JUILLET 2025
Depuis quelques (dizaines ?) d’années déjà, et à l’approche de chaque législative marocaine , des voix (d’outre…mer) de quelques présidents d’associations MRE(1) (qui ne représentent que leur associations… et encore!) s’élèvent pour interpeler le gouvernement marocain et exiger l’octroi d’un quota de députés aux MRE; députés qui doivent se faire élire à partir du confort de leur pays d’accueil pour aller (apparemment) somnoler dans l’autre confort; celui des sièges du parlement marocain.
Le dernier de ces présidents en date, vient d’écrire au Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita pour le ‘’sommer’’ (mais diplomatiquement) d’appliquer l’article 17 de la constitution marocaine de 2011 avant (et nous le citons) que ‘’ le bois vert ne brule avec le bois sec’’ ! Est-ce là une menace ? Ou y a-t-il un soulèvement qui couve à l’étranger contre la monarchie marocaine; soulèvement dont seul ce président est au parfum ?
Les spécialistes des métaphores à la marocaine nous le diront… À moins que ce ne soit le proche avenir qui le fera.
Mais en attendant d’être éclairés, que dit exactement cet article 17 ? Oblige-t-il vraiment le Maroc a octroyer aux MRE le droit de se faire élire députés à l’étranger ou tout juste de se porter candidats à partir de leur pays d’adoption ?
Sans plus attendre, le voilà ce fameux article 17 que nous allons décortiquer ensemble :
‘’Les Marocains résidant à l’étranger jouissent des droits de pleine citoyenneté, y compris le droit d’être électeurs et éligibles. Ils peuvent se porter candidats aux élections au niveau des listes et des circonscriptions électorales locales, régionales et nationales. La loi fixe les critères spécifiques d’éligibilité et d’incompatibilité. Elle détermine, de même, les conditions et les modalités de l’exercice effectif du droit de vote et de candidature à partir des pays de résidence’’.
À notre humble avis l’article est tout ce qu’il y a de clair : 1) Il réaffirme d’abord le droit d’être électeur et éligible même en résidant d’une façon permanente à l’étranger, et 2) il ne garantit aucunement le fait d’être éligible pour les seuls MRE ! Ce qui est d’ailleurs expliqué juste après en ne parlant que de candidature : ‘’Ils peuvent se porter candidats aux élections’’ . Et pas à n’importe quel niveau mais, implicitement, juste au niveau Marocain; À savoir le niveau ’’des listes et des circonscriptions électorales locales, régionales et nationales’’ .
En clair, si les MRE peuvent voter à partir de l’étranger (à l’intérieur des locaux des consulats ou des ambassades qui sont considérés dans le droit international comme territoires marocains), il ne saurait y avoir pour eux de circonscriptions électorales sur des territoires étrangers qui échappent par définition à la souveraineté marocaine.
Bien-sûr que ceci n’est que notre humble interprétation . Mais ce qui est sûr c’est que l’article 17 ne tranche aucunement en faveur de députés élus pour et par les seuls MRE ; Au contraire ! La constitution laisse à la LOI de fixer les critères spécifiques d’éligibilité et d’incompatibilité… Et parmi les incompatibilités, il y a probablement, et au moins, la création de circonscriptions électorales en territoire étranger.
Ajouter à cela l’impertinence même d’avoir des députés pour les seuls MRE quand ils ont déjà un CCME (2) figurant dans la constitution de 2011 et dont il suffit juste d’une loi organique (qui tarde à sortir) pour le rendre opérationnel, voire une sorte de parlement pour MRE, sinon une sorte de coupe-file leur permettant de s’adresse directement à qui de droit pour régler leurs problèmes spécifiques en pays d’origine.
Concernant ce point précis, il serait pertinent de rappeler un article que nous avions publié auparavant sur cette plate-forme sous le titre « Être ou ne pas être représentés au Parlement marocain » et dont voici un extrait :
Et viendra le temps des gros chagrins !
(…) Et viendra le temps où on regrettera de ne pas avoir misé sur nos acquis d’antan. Et viendra le temps où on se mordra les doigts pour n’avoir pas milité pour transformer le CCME (2) en notre parlement, du moins pour le renforcer dans le cadre de la Constitution de 2011 (QUI EN FAIT UN ACQUIS POUR LES MRE) … Le renforcer pour en faire un outil , au-delà du statut consultatif qu’il avait avant 2011, un outil représentatif qui bypass le Parlement pour dialoguer directement avec la sphère décisionnelle, apporter une plus-value politique, économique et sociale, contribuer efficacement au développement économique du pays, défendre son label dans les pays d’adoption et résoudre tous les petits tracas des MRE dans le pays d’origine; Tracas qui, nous ne le soulignerons jamais assez, ne nécessitent pas de légiférer , mais juste d’appliquer des lois existantes, promulguer éventuellement certains décrets ou adopter certains règlements.
Et nos contradicteurs (qui ne voient pas la lune qu’on leur montre, mais juste notre doigt) de s’écrier que le CCME n’est juste qu’un organe consultatif ! Ce à quoi nous répondons : ‘’Si le CCME est consultatif et donne son avis auprès des hautes instances marocaines (et encore, nous parlons de l’avant 2011, année où fut adoptée la constitution qui intègre en son sein ce CCME), les députés MRE dont on fabule sur l’efficacité seront réduits, quant à eux, à ne donner leur avis qu’auprès de leurs partis de tutelle… et encore ! Nous serons tous perdants sur toute la ligne !
Mais au fait; pourquoi ne pas trancher cette question de représentativité tout simplement par référendum à l’échelle nationale; sinon juste au sein des MRE eux-mêmes ? Ça vaudra le coût; ne serait-ce qu’eu égard aux futurs coûts des billets d’avion pour les futurs députés MRE !
Avant de terminer, et à l’intention de ceux qui spéculent sur l’improductivité du CCME ces dernières années, nous leur suggérons de réfléchir sur la question suivante : ‘’ N’a-t-on pas ordonné, en haut lieu, à ce même CCME de mettre ses activités en veilleuse dans l’attente d’une loi organique qui le redéfinit en fonction de la constitution de 2011 ? »
A bon entendeur; réveillez-vous avant qu’il ne soit trop tard ! Un débat national sur la question, à tous les niveaux, serait plus urgent que jamais. (Fin de citation)
Quant aux MRE voulant devenir députés pour servir leurs concitoyens ainsi que leurs pays (d’origine et celui d’accueil), il leur reste toujours la possibilité de s’impliquer sur place et de s’intégrer politiquement dans tous les paliers gouvernementaux du pays d’accueil.
Les exemples ne manquent pas de part et d’autre de l’Atlantique. Ici, au Québec nous avons l’exemple de Monsef Derraji, député à l’Assemblée Nationale du Québec et l’exemple d’Abdelhaq Sari qui a fourbi ses armes (politiques) d’abord sur la scène municipale montréalaise pour finir, cette année-ci, comme député fédéral; siégeant aux côtés de sa concitoyenne maroco-canadienne Rachel Bendayen.
Notes :
MRE(1) : Marocains Résidant à l’Étranger
CCME (2) : Conseil de la communauté marocaine à l’étranger.