Said Charchira (1) (Düsseldorf, Allemagne)

Dans une guerre, la première victime est toujours la vérité. Car pendant que le conflit se déroule sur le
terrain, la guerre de la propagande se développe et domine. Une propagande dont l’objectif est de
faire montrer que l’agressé est l’agresseur et vice-versa.

C’est dans ce cadre que Netanyahu a présenté l’opération contre l’Iran comme une intervention
préventive visant à l’empêcher d’accéder à l’arme nucléaire. A rappeler que plus de trois décennies,
Israël et les USA prétendent que l’Iran va accéder à l’arme nucléaire dans quelques mois. Pourtant,
son guide suprême a multiplié des déclarations disant que son pays n’a pas l’intention d’acquérir
l’arme nucléaire.

En réalité, Israël veut en finir avec le seul pays dans la région, capable de rivaliser économiquement,
technologiquement et militairement avec lui. Cette concurrence normale et légitime est présentée
par Israël, comme une menace existentielle. Or, c’est Israël qui serait une menace existentielle par
rapport à l’Iran et à l’ensemble des pays de la région. En effet, détentrice de l’arme nucléaire, Israël
n’est pas signataire des accords de l’agence atomique, alors que l’Iran l’est.

D’ailleurs, dans le cadre du grand Israël, Netanyahu et les conservateurs américains ont commencé à
penser dès 1996 qu’Israël n’a rien à négocier sur la Palestine. Le pays est la seule puissance de la
région. Les autres pays autour de lui doivent l’accepter et s’ils refusent, on doit les combattre et
installer des régimes qui l’acceptent. C’est d’ailleurs, dans ce cadre qu’Israël, agresse sans arrêt, ses
pays voisins, sans parler de son occupation illégale des territoires palestiniens.

Cette attaque en pleine négociations entre l’Iran et les USA, démontrerait le « mensonge » des
dirigeants des USA, qui engagent des négociations tout en préparant avec leur protégé l’attaque du
13 Juin 2025. On peut donc en déduire que ces négociations étaient de pures mascarades et purs
manœuvres de diversion, ce qui n’est pas digne d’une super puissance.

Si cette attaque a été concertée et préparée depuis longtemps, ce qui choque c’est la déclaration
officielle du président des USA, disant être en mesure d’assassiner le guide suprême iranien. Cette
déclaration le met à un niveau de sauvagerie rhétorique assez inégalée. En tout cas, sa crédibilité
internationale va certainement en pâtir. Le faiseur de paix qu’il prétend être, pourrait voler en éclats.
La réplique de l’Iran avec des centaines de missiles de toutes sortes a fait des dégâts énormes et des
morts. Jamais depuis sa création en 1948, Israël n’a connu au tant de dégâts et de morts. C’est dire
que cette guerre n’est pas à comparer avec celle des 7 jours de 1967.

Quant aux véritables raisons des attaques contre l’Iran, elles sont multiples tant pour Israël que pour
les USA: La première raison pour Israël est de rester la seule puissance nucléaire du Moyen-Orient,
d’où l’obligation d’empêcher un autre pays de la région de rivaliser avec lui dans ce domaine.
D’ailleurs, la doctrine des USA réclamé et répété à chaque fois, est que les USA sont: « attachés à la
supériorité militaire d’Israël» dans la région.

Cette opération a été donc lancé avec l’objectif principal de changement de régime Iranien. C’est dans
ce sens que Netanyahu a appelé les Iraniens à sortir en masse dans les rues, ce qui allait engendrer
un chao qui pourrait lui-même fragiliser le régime, ce qui ne s’est pas passé. Empêcher qu’un
deuxième pays musulman – après le Pakistan- accède à l’arme nucléaire est une autre raison.

En effet, un certain nombre de dirigeants occidentaux pensent que Netanyahu mène cette guerre à
leur place contre un État musulman qui veut acquérir la bombe nucléaire. D’ailleurs, le nouveau
chancelier Allemand Merz l’a dit clairement et ouvertement : « Netanyahu fait le sale boulot à notre
place ». Personne en occident ne veut voir que c’est Israël détentrice de l’arme nucléaire qui a
agressé un pays souverain membre de l’ONU.

La troisième raison est relative au basculement du monde et l’existence des prémices d’un nouvel
ordre mondial. En effet, à l’échelle du continent eurasiatique on observe un phénomène d’intégration,
voire de multipolarité qui se met en place et qui défie l’impérialisme structurel americain et son
hégémonie ainsi que l’unipolaire qu’il incarne.

Il s’agit donc de casser cette intégration eurasiatique qui va bon train à travers un ensemble de projets
qui sont en train d’être mis en œuvre à savoir des corridors de transports, d’énergiques, économiques,
maritimes, aérien, etc. D’ailleurs, une nouvelle alliance commerciale internationale vient d’être formé à
Kuala Lumpur entre l’association des nations de l’Asie du Sud-Est, la Chine et le conseil de
coopération du Golf. Un enjeu considérable.

Parmi ces corridors, celui qu’on appelle le corridor de transport international nord-sud, qui relie la
Russie à l’Inde via l’Iran. Si ce corridor tombe, la Russie et l’Inde peuvent continuer à commercer
certes, mais l’intégration eurasiatique en prendrait un sérieux coup. C’est en effet, toute l’alliance entre
la Russie et la Chine et tout l’édifice des bricks qui en pâtirait.

La stratégie de faire tomber l’Iran pourrait avoir un impact colossal en termes géostratégiques sur
l’équilibre du monde et permettre aux USA et à leurs alliés de pouvoir rétablir leur hégémonie. C’est
donc dans ce cadre qu’ait mené l’attaque contre l’Iran, afin d’empêcher une alliance entre la Chine et
la Russie dont l’Iran est une pièce maitresse.

Il semblerait que les Russes et les Chinois ont compris ce qui se joue et ont pris des mesures pour
aider l’Iran à se défendre. C’est dans ce cadre qu’ils ont, semble-t-il, livré un certain nombre de
systèmes de défense antiaérien. Les Pakistanais, menacé par Netanyahu, ont également livré des
centaines de missiles. Mais, si l’Iran est aidé pour se défendre, personne ne volera à son secours.
Quant à l’objectif des USA de bombarder les trois sites nucléaires de l’Iran, elle est de nature à sauver
Israël qui n’avait pas, malgré la propagande occidentale, l’avantage contre l’Iran. En effet, si ses
attaques massives et surprises des deux premiers jours ont causé énormément de dégâts en Iran, la
réplique de ce dernier a surpris autant Israël que les USA par son intensité, sa précision et les dégâts
énormes qu’elle a causé. Israël n’a jamais subi autant de dégâts depuis sa création en 1948. D’ailleurs, son ancien conseiller, Steve Bannon, vient de déclarer que l’intervention de Trump en
faveur d’un cessez-le feu a sauvé Israël d’un effondrement militaire catastrophique. Il affirme qu’Israël
était submergé par des attaques incessantes de missiles iraniens et était sur le point d’épuiser ses
systèmes de défense. En effet, les multiples défenses aériennes israéliennes ont été mis à mal. Le
ratio était d’un à douze. C’est à dire, pour intercepter un missile iranien il fallait douze missiles de
défense israéliens. On peut imaginer le coût financier énorme.

Pour lever toute équivoque, je tiens à préciser que je n’ai aucune estime ni pour le régime iranien, ni
pour l’actuel gouvernement d’Israël, lequel est aujourd’hui dirigé par un premier ministre qui est sous
le coup d’un mandat d’arrêt de la cour pénale internationale et, fait l’objet d’une procédure de justice
pour fait de crimes contre l’humanité, etc. Je n’apporte ici que mon regard d’un point de vue
géopolitique.

Ceci dit, on sait maintenant que le principal objectif de l’intervention des USA est de forcer un cessez-
le feu, pour qu’ils ne soient pas entrainés dans un soutien trop lourd, trop long à Israël. D’ailleurs, en
annonçant qu’il a ordonné la frappe des trois sites Iraniens, Trump a immédiatement ajouté:
MAINTENANT L’HEURE DE LA PAIX A SONNE ! ». Mais comment faire confiance aux USA, après
avoir bombardé ses sites en pleine milieu négociation ?

Éviter que l’Iran attaque les bases américaines installées dans la région est certainement un objectif
immédiat. D’autant plus, que l’Iran a attaqué la base américaine au Qatar, laquelle est le centre des
opérations américaines sur la zone. Il est vrai que l’Iran avait, avant cette attaque, prévenu les USA,
ce qui leur a permis de prendre des mesures. D’ailleurs, Trump a confirmé ceci. Cette façon de
prévenir (l’adversaire ou son allié) est d’éviter l’escalade, mais d’affirmer aussi sa détermination à
continuer, si nécessaire.

En tout cas, avec cette attaque, Americain first (l’Amérique d’abord) ne compte plus quand il s’agit
d’Israël. En effet, selon plusieurs analystes, l’actuel locataire de la Maison Blanche est à la remorque
de Netanyahu. Cela enrage nombre de partisans de Donald Trump qui avaient soutenu dans sa
campagne électorale pour la maison blanche. Le risque de la fermeture du détroit d’Ormuz par l’Iran
est une autre raison qu’il faut prendre en compte.

On peut dire que malgré que ni les USA, ni leur protégé Israël, n’ont atteint leurs objectifs, le monde
n’est pas près d’en finir avec cet esprit impérialiste americain, français et britannique. Un état d’esprit
qui consiste à penser que c’est à ces puissances qu’il appartient de définir tous les accords, voire les
comportements des autres. Une espèce d’ethnocentrisme impérialiste et d’ethos impérialiste, lesquels
se heurtent de plus en plus à des forces qui ont décidé de ne plus se laisser faire.

En terme géopolitique, la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient démontrent un changement des
rapports de forces dans le monde. En effet, force est de constater que la Russie progresse dans sa
guerre en Ukraine, malgré le soutien énorme qu’apporte l’Occident. Et que l’Iran a détruit le mythe de
l’invincibilité de l’armée israélienne. D’ailleurs, selon plusieurs experts, toutes les guerres des trente
dernières années ont été soldé par la défaite de l’Occident, car ce dernier est dans l’incapacité de
gérer les crises qu’il crée.

(1) Said Charchira est :

  • Ex-professeur en Histoire politique
  • Ancien directeur du Centre Européen de Recherche et
  • d’Analyse sur la migration
  • Auteur, acteur et observateur de la scène migratoire

Courriel : charchira@gmx.net
Site: www.charchira.com

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