Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)
Au Maroc, la rentrée politique s’annonce sous haute vigilance.
Dans son discours du Trône, Sa Majesté le Roi a demandé au ministre de l’Intérieur de lancer les préparatifs des prochaines élections législatives et d’ouvrir des consultations avec les partis politiques. Ce type d’orientation royale accompagne traditionnellement les grands rendez-vous nationaux. Mais cette fois, l’enjeu dépasse largement la mécanique électorale.
La vraie question n’est pas de savoir comment on votera, mais pourquoi et à quoi sert encore la politique dans un pays qui compte des décennies d’expérience institutionnelle, un pluralisme précoce dans la région, et des attentes citoyennes plus pressantes que jamais.
Depuis l’indépendance, le Maroc a connu cinq constitutions et plus d’une dizaine d’élections législatives. Ce parcours lui confère un avantage historique, mais aussi une responsabilité : améliorer la qualité de la représentation et restaurer la confiance. Les ajustements techniques ne suffisent plus. La politique, ce n’est pas seulement gérer des dossiers : c’est orienter l’avenir. John Locke l’exprimait ainsi : le rôle du pouvoir politique est d’éviter le chaos. Les institutions internationales, elles, rappellent que la confiance politique est le socle de toute prospérité durable.
Or, cette confiance se joue désormais au quotidien. Jadis, l’électeur jugeait son député à la fin du mandat. Aujourd’hui, il le surveille en temps réel, smartphone en main. Chaque absence, chaque vote, chaque image circule, se commente et façonne une opinion collective.
Dans ce contexte, certaines scènes deviennent explosives : des lois structurantes adoptées par seulement 20 députés sur 395 ; des élus poursuivis, voire en détention, continuant de siéger. Le risque est clair : passer de dérives individuelles à une crise de crédibilité institutionnelle.
Changer les lois électorales ne réglera rien si les mêmes figures, les mêmes discours et le même éloignement des réalités locales persistent. Comme le disait Ortega y Gasset : « Les parlements forts se construisent sous le regard de ceux qui les observent. »
Les consultations entre l’administration et les partis devraient dépasser la question des circonscriptions ou des listes. Elles devraient poser les vraies questions : comment rehausser le niveau des élites ? Comment reconnecter la politique avec les préoccupations réelles ? Comment redonner envie aux citoyens de s’impliquer ?
Car une démocratie sans politique vivante est une coquille vide. L’histoire le prouve : les crises politiques ne se résolvent ni par les textes, ni par l’argent. Et tout succès économique dépourvu de fondement politique solide n’est qu’un acquis fragile.
Le message est clair : au Maroc, comme ailleurs, la politique n’est pas l’ornement du développement, elle en est la condition.