Par Abderrazaq MIHAMOU (Expert Digital et Chroniqueur)

06 novembre 2025 ! Il y a de ces coïncidences qui ont valeur de symbole. À New York, le Conseil de sécurité des Nations Unies venait tout juste d’entériner, par un vote sans équivoque (11 voix pour, 0 contre, 3 abstentions et un abandon), la centralité du plan d’autonomie sous souveraineté marocaine dans la recherche d’une solution politique au dossier du Sahara. À quelques jours de là, au Maroc, un rallye historique de véhicules anciens s’élance de Tarfaya pour commémorer le 50e anniversaire de la Marche Verte. Deux scènes, un même récit: celui d’un pays qui conjugue mémoire, diplomatie et projection vers l’avenir.

Un cap onusien clair: l’autonomie au cœur du processus

La résolution adoptée le 31 octobre à l’ONU marque un tournant majeur. Sans vote négatif — y compris parmi les membres permanents — elle confirme ce que la communauté internationale répète depuis des années: l’initiative marocaine est « sérieuse et crédible ». Elle appelle les parties à s’engager dans des discussions sans conditions préalables, en prenant pour base la Proposition d’autonomie du Maroc.

Deux signaux forts émergent du texte:

  • Autonomie sous souveraineté: la voie « faisable » vers une solution politique mutuellement acceptable.
  • Référendum d’indépendance écarté: son absence du texte acte, de facto, la fin d’une impasse qui a longtemps figé le processus.

Au-delà des mots, c’est un changement de cadre: la diplomatie pragmatique l’emporte sur l’immobilisme, et le consensus s’affirme autour d’une solution articulée et opérationnelle.

Mémoire en mouvement: 50 véhicules pour 50 ans d’histoire

Dans ce contexte, la commémoration du cinquantenaire de la Marche Verte prend une résonance particulière. Du 5 au 7 novembre, 50 véhicules d’exception s’élancent de Tarfaya — la même localité d’où, en 1975, 350 000 Marocains ont répondu à l’appel historique de Feu SM le Roi Hassan II — pour rejoindre Laâyoune, capitale symbolique du Sud marocain.

Au programme:

  • Après  l’étape Agadir , le 5 novembre: rassemblement à Tarfaya et nuit en bivouac, pour une entrée en matière à ciel ouvert, entre dunes et souffle océanique.
  • 6 novembre: arrivée à Laâyoune, grande exposition des véhicules qui, à l’époque, avaient acheminé les volontaires de la Marche Verte — hommage à une logistique hors norme qui a marqué les mémoires.
  • « Grand Prix de la Marche Verte »: une épreuve de régularité sur circuit fermé, balisé et sécurisé, avec contrôles horaires et classement à la précision — l’exercice de style parfait pour des mécaniques historiques.
  • Soirée d’hommage: réception officielle et remise de prix, avec un focus sur les vétérans de 1975.
  • 7 novembre: retour logistique des véhicules par camions vers Casablanca, tandis que les participants regagnent la métropole par avion.

Ce rallye, organisé avec le Royal Automobile Club Marocain (RACM) et la Fédération Marocaine des Véhicules Anciens (FMVA), n’est pas une simple parade: c’est une scénographie de la mémoire collective, mise en mouvement.

Caravane et accueils officiels sur la « Route 75 »

Avant le départ officiel de Tarfaya, une caravane orchestrée par le ROYAL Club Marocain (RACM) a donné le ton d’un succès populaire incontestable. Elle a relié Tan-Tan à Tarfaya, inaugurant symboliquement l’itinéraire mémoriel.

  • À Tan-Tan: accueil officiel et chaleureux réservé par le gouverneur, saluant l’initiative du Club et la mobilisation exemplaire des équipages. La foule, nombreuse, a accompagné le convoi dans une ambiance de fête, entre drapeaux, youyous et chants patriotiques.
  • À Tah (province de Tarfaya): moment de recueillement à l’endroit même où Feu SM le Roi Hassan II s’était recueilli et avait prié avant l’entrée au Sahara en 1975. Une halte dense en émotion, marquée par des hommages, des témoignages et une minute de silence, qui a ancré la caravane dans la profondeur de l’histoire nationale.
  • À Tarfaya: accueil par les habitants et par le gouverneur, transformant l’esplanade en agora vivante. Les voitures historiques ont fait vibrer la ville, comme un trait d’union visible entre mémoire et modernité.

Cette séquence d’ouvertures officielles et populaires a consacré la caravane comme un succès total — organisation fluide, sécurité maîtrisée, engouement citoyen — préparant un départ de rallye placé sous le signe de l’unité et de la fierté.

Laâyoune: arrivée, protocole et ferveur

L’arrivée finale à Laâyoune a été à la hauteur des attentes. Accueilli par Monsieur le Wali, le cortège a traversé une ville pavoisée, portée par une ferveur collective. L’exposition des véhicules, en plein cœur urbain, a attiré un large public familial, curieux d’approcher ces pièces vivantes de patrimoine.

En clôture des festivités du Club, une compétition de vitesse, spécialement autorisée et encadrée sur un parcours sécurisé, a enflammé la cité. Cette démonstration de maîtrise et de performance a animé Laâyoune jusque tard, confirmant l’attractivité d’un patrimoine automobile capable d’allier rigueur, spectacle et transmission.

Transmission vivante: des témoins aux héritiers

La commémoration a accueilli une cinquantaine de patriotes, témoins et acteurs directs de la Marche Verte. Face à eux, cinquante jeunes Marocains résidant à l’étranger: une rencontre intergénérationnelle pensée comme un passage de relais, pour que les valeurs de patriotisme, d’unité et de solidarité continuent de rayonner. L’Histoire s’écoute, se raconte, se touche — et se transmet.

Patrimoine automobile, politique publique et soft power

Ce moment de mémoire est aussi le reflet d’un travail institutionnel patient. Selon un communiqué daté du 14 octobre 2025, la FMVA a engagé une démarche officielle auprès du Ministère du Transport et de la Logistique et de la NARSA pour moderniser le cadre législatif des véhicules historiques, en s’alignant sur les standards internationaux reconnus par la FIVA et l’UNESCO.

Parmi les axes clés de réforme présentés lors des réunions avec la Direction générale de la NARSA figurent:

  • La qualification des véhicules de collection, incluant la révision des critères douaniers (rubrique 97.05) les reconnaissant comme objets d’art et de collection.
  • Un cahier des charges d’homologation pour l’organisme de certification des véhicules anciens.
  • Des procédures d’immatriculation adaptées, y compris pour les véhicules dépourvus de documents.
  • La circulation sans limite territoriale et la reconnaissance officielle de la plaque d’immatriculation noire.
  • Un contrôle technique spécifique aux caractéristiques des véhicules historiques.
  • L’amendement des textes encadrant la location, pour permettre des locations temporaires à vocation culturelle ou touristique.
  • Des normes dédiées à l’organisation d’événements (rallyes, expositions, manifestations publiques).

Le Ministère a exprimé son soutien et parrainé la participation de la FMVA aux festivités du 50e anniversaire, signe d’une reconnaissance de la dimension patrimoniale, culturelle et touristique de ce secteur. Au-delà des réglages juridiques, c’est tout un écosystème que l’on consolide: musées, clubs, restaurateurs, organisateurs d’événements, territoires d’accueil.

Diplomatie et territoire: un même récit de construction

La résolution onusienne ouvre un nouveau temps politique — celui du réalisme et de la construction. Le rallye, lui, illustre concrètement ce que signifie « faire territoire »: relier des villes, des mémoires et des générations; ancrer la confiance; faire vivre une économie locale; projeter un imaginaire partagé.

  • Sur le plan politique: un cadre clarifié où l’autonomie sous souveraineté marocaine structure la négociation.
  • Sur le plan sociétal: des passerelles entre témoins de 1975 et jeunesse d’aujourd’hui.
  • Sur le plan économique et culturel: la valorisation d’un patrimoine automobile qui attire, raconte et fédère.

L’un et l’autre se répondent: l’ONU fixe le cap; les acteurs du terrain en dessinent déjà les contours concrets — gouvernance locale, initiatives culturelles, attractivité et liens transgénérationnels.

Un rallye pas comme les autres

Parce qu’il ne célèbre pas seulement des carrosseries et des moteurs, mais une épopée nationale. Parce qu’il ne se contente pas de retracer une route, mais donne corps à un récit collectif. Parce qu’il inscrit, par la caravane du ROYAL Club Marocain et ses accueils à Tan-Tan, à Tah et à Tarfaya, puis par l’entrée triomphale à Laâyoune sous l’égide du Wali et une compétition de vitesse qui a animé la ville, une chaîne d’images et d’émotions appelée à durer. Et parce qu’il intervient à l’instant précis où la communauté internationale confirme la pertinence d’une solution marocaine, ce rendez-vous a tout pour devenir inoubliable.

Dans la poussière dorée de Tarfaya, sur la grande place de Laâyoune, au cœur des échanges entre vétérans et jeunesse, se joue quelque chose d’essentiel: la continuité d’un pays qui se souvient, se rassemble et avance. Le Conseil de sécurité a tracé la voie. Sur la « Route 75 », la mémoire et l’avenir roulent désormais de concert.

By AEF