Saint-Henri, le 23 février dernier, dans la nuit de samedi à dimanche, le roulement habituel du train a fait place à un vacarme sourd et bref, avec des sifflets insistants.
Un je-ne-sais-quoi d’étonnant à moins de 100 mètres de chez moi, un grondement au bout de ma rue qui dérange le quotidien d’un quartier urbain dont le cœur bat au rythme du passage des trains. Et si c’était un incident sur les rails?
C’est bel et bien un déraillement de train sur la voie principale du CN – l’axe est-ouest le plus utilisé au Canada – qui est survenu en cette nuit de février au croisement de la rue De Courcelle, à l’ombre lointaine de l’échangeur Turcot, tout près de résidences, d’organismes communautaires et d’une école. Ce serait un déversement de 3500 litres de diesel « seulement »!
Autrement dit, dormez bien,« aucune matière dangereuse » ! a fait savoir le CN. Au même endroit, le 19 août 2013, à titre de conseillère municipale du district et accompagnée de l’actuel maire du Sud-Ouest, Benoit Dorais, et de la chef de l’opposition officielle, Louise Harel, nous demandions plus de transparence sur le transport des matières dangereuses par train. Six mois plus tard, l’incident survenu cette fin de semaine démontre encore une fois l’importance de la gestion des risques liés à la sécurité ferroviaire.
Des pas ont été faits, notamment par une position unanime du conseil municipal de Montréal pour exiger de connaître ce qui se transporte sur nos territoires. N’ayant pas juridiction sur le transport ferroviaire, les municipalités du Québec et canadiennes pressent Ottawa d’agir. Le gouvernement fédéral se traîne les pieds et malheureusement, le Bureau de la sécurité des transports du Canada n’a pas les dents nécessaires pour que ça change. On doit y remédier.
Un incident similaire, sans conséquences fâcheuses, est survenu au cœur de Pointe-Saint-Charles le 24 septembre 2011, là encore à proximité de résidences, d’un centre communautaire, d’une bibliothèque, d’une école. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada dans son rapport pointait comme l’une des causes la vitesse trop rapide du train pour ce secteur. Les citoyens de Pointe-Saint-Charles, inquiets et affectés depuis trop longtemps par de nombreuses nuisances, continuent de se mobiliser afin que le CN prenne ses responsabilités envers les communautés locales.
Et avec raison !
Rappelons-nous qu’à Pointe-Saint-Charles, le CN n’avait même pas daigné signaler l’incident prétextant que celui-ci était survenu dans la cour de triage! Qu’en sera-t-il à Saint-Henri cette fois-ci ? Les citoyens de Saint-Henri sont en droit de s’attendre que le CN agisse en tout transparence et qu’il prenne ses responsabilités Plus encore, quelles garanties les résidents de milieux urbains denses peuvent-ils obtenir sur la sécurité et le niveau de préparation du CN à faire face à des incidents ferroviaires ?
Ironiquement, cet incident survient au même endroit où le CN inaugurait en 2012 son premier projet canadien Éco-connexion à Saint-Henri, en appui au verdissement et à l’amélioration de la qualité de vie des communautés riveraines de voies ferrées. Concrètement, souhaitons que les causes de l’incident et les impacts soient rendus publics dans un délai raisonnable et que les mesures nécessaires conséquentes soient prises et connues afin que citoyens et pouvoirs publics puissent être rassurés. Souhaitons également que nous, résidents de quartiers traversés par les trains, continuions à être mobilisés et à faire pression sur le CN pour qu’il soit un meilleur citoyen corporatif, responsable et redevable, et ce, non pas qu’en plantant des arbres.
Par Véronique Fournier, Ex-Conseillère de ville Saint-Henri–Petite-Bourgogne – Pointe-Saint-Charles de 2009-2013 (Source : Maghreb Canada Express, Vol.Xii, N°03, Page 5, mars 201)