Le sans-culotte est un personnage important de la Révolution française, qui s’oppose à celui de l’aristocrate par son costume, ses manières, son langage, ses symboles empruntés, mais de façon allégorique, aux couches les plus populaires de Paris et à une vision idéalisée de la Grèce antique.
Comme les gilets jaunes, les sans-culottes sont des révolutionnaires issus du petit peuple de la ville et défenseurs d’une République égalitaire. Ils sont jugés par les autres révolutionnaires comme « radicaux » car ils prônent la démocratie (que nous appellerions « directe » de nos jours), c’est-à-dire sans intermédiaires comme les députés (qui à l’époque se disaient antidémocrates car « la démocratie serait l’anarchie ». Ils se distinguent par leurs modes d’expression, en particulier vestimentaires.
Actuellement, les banquiers, les hommes d’affaires du CAC 40 ont remplacés les aristos, et les bourgeois de Jadis. Tout le monde connait la phrase célèbre de Marie-Antoinette : « Si les pauvres n’ont pas de pain, ils n’ont qu’à manger la brioche »
Quelle arrogance !
Cette arrogance, on la retrouve chez Emmanuel Macron, qui répond à un jeune chômeur 25 ans, qui lui dit qu’il ne trouve pas de travail. C’est Macron qui souligne : « je n’ai qu’à traverser la rue et je vous trouve du travail. » Une fois encore, irrité par les attaques verbales des deux grévistes, le ministre finit par lâcher: «Vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler». «Mais je rêve de travailler monsieur Macron», lui répond son interlocuteur.
L’histoire et l’actualité se sont télescopées le 6 novembre pour Emmanuel Macron, vivement interpellé sur la CSG et le prix des carburants dans les rues de Verdun, alors qu’il poursuivait son « itinérance mémorielle » sur la Grande Guerre.
« Il faut aider nos citoyens les plus modestes »
A une dame qui remarquait que « 30 euros » de hausse du minimum vieillesse, « ça fait pas beaucoup » quand la facture de gaz augmente de « 250 euros », le président a répondu que « les choses ne se font pas comme ça tout d’un coup ».
« Tout le monde est pressé, je l’entends, mais il faut faire les choses sérieusement et sans mentir. »
Dans la matinée, sur Europe 1, le chef de l’Etat avait livré quelques pistes : amélioration du chèque énergie, défiscalisation des aides au transport.
« Il faut aider nos citoyens les plus modestes qui n’ont pas le choix », a-t-il souligné dans cette interview enregistrée au début du mois.
La mauvaise humeur d’une partie des retraités contre Emmanuel Macron ne retombe pas. Alors que la colère des Français porte, dès novembre, sur la hausse des prix du carburant, avant une mobilisation nationale du 17 novembre, un retraité a pris Emmanuel Macron à partie à Verdun :
« Vous nous amenez à la catastrophe ! », affirme le retraité face au chef de l’Etat, qui s’arrête face à lui pour discuter. L’homme, retraité de Lactalis qui touche 2300 € par mois avec son épouse, affirme avoir perdu 140 € par mois suite à la hausse de la CSG. « Vous n’avez fait qu’aggraver les retraites. Est-ce que vous vous rendez compte ? » poursuit l’homme. « Je vous entends », lui répond Emmanuel Macron. « Non vous n’entendez pas, de Paris vous n’entendez pas la ruralité » rétorque le retraité.
Le chef de l’Etat reproche alors à l’homme de « lui raconter des carabistouilles ». Réponse de l’homme : « On n’y croit plus. Vous avez vu la colère dans la France qui monte ? Le 17 novembre, vous allez la voir. Il y a un ras-le-bol général ». Emmanuel Macron poursuit : « Les gens qui vivent moins bien, je l’entends ». Il enchaîne en lui rappelant, sur un ton calme, que la CSG permet de financer « la santé, les services publics et tout ce qui permet de fonctionner » et que les actifs financent actuellement sa retraite. « Oui, mais on nous en prend plus qu’il en faut » se plaint le retraité. « On vous prend la part qu’il faut pour financer l’ensemble de la société » lui répond Emmanuel Macron.
Ce dernier avait annoncé avant cet incident vouloir regarder « comment améliorer le chèque énergie » pour les ménages modestes ainsi que l’extension à l’ensemble de la France de la défiscalisation de l’aide au transport mise en place par la région Hauts-de-France.
Interpellé par un autre retraité, lors de son bain de foule, Emmanuel Macron a de nouveau pris le temps de discuter. Ce retraité s’est plaint que le gouvernement reprenne « doublement » ce qu’il « donne d’un côté ». Allusion à la baisse de la taxe d’habitation et de la hausse de la CSG. « Vous n’êtes pas juste avec le gouvernement, faites votre calcul (…) Je parie que vous êtes gagnant », a répondu le chef de l’Etat. Interrogé un peu plus tard sur la hausse des prix de l’essence et du diesel, Emmanuel Macron a rétorqué : « Le carburant, ce n’est pas bibi ! ». Tout en reconnaissant la hausse des taxes de l’État, il a expliqué que la hausse des prix provient « aux trois quarts des cours mondiaux ».
Qui sont les gilets jaunes ?
D’après « La Croix » du 30/11/18, selon un sondage Elabe réalisé le 28 novembre pour BFMTV, le taux de « gilets jaunes » – ils représentent 20 % des Français – est plus élevé dans les catégories populaires (27 %), parmi les habitants des zones rurales (27 %) et des petites agglomérations de 2 000 à 20 000 habitants (24 %).
Une observation confirmée sur le terrain par le sociologue Benoît Coquard (membre du Cesaer, Inra, Dijon), spécialisé sur les milieux ruraux, qui a suivi la mobilisation dès les premiers jours. « J’ai demandé la profession d’environ 80 personnes. Dans une région déjà très ouvrière, à 9 exceptions près (professions intermédiaires du privé, artisans, agriculteurs), celles et ceux que j’ai rencontrés appartiennent sans surprise aux classes populaires », expliquait-il dans la revue Contretemps le 23 novembre, tout en précisant n’avoir pas repéré de « portrait-robot du gilet jaune ».
Un sociologue décrit par ailleurs « une mobilisation exceptionnelle, surtout dans ce type d’endroit »?: « beaucoup de monde, alors même que l’on se trouve dans des milieux ruraux peu peuplés et peu enclins à se mobiliser en temps normal ».
On relève aussi parmi les « gilets jaunes » la présence de plusieurs générations, relève le sociologue. « Parfois en milieu rural, les relations entre générations sont tendues, on dit des jeunes qu’ils « traînent » dans le village, mais là tout le monde était réuni et saluait cette cohésion intergénérationnelle. »
Selon l’étude Elabe, 39 % des « gilets jaunes » ont plus de 50 ans.
La forte mobilisation des femmes est une autre caractéristique du mouvement, « alors même que, d’habitude, dans les activités publiques, ce sont les hommes qui sont placés sur le devant de la scène, particulièrement en milieu rural », poursuit Benoît Coquard. Là où il s’est rendu, il dit avoir à plusieurs reprises repéré « le profil de la mère de famille divorcée et précaire ». Selon l’étude Elabe, le mouvement compte une proportion similaire d’hommes et de femmes.
Forte homogénéité sociale
Étant donné notamment la pluralité des revendications, certains commentateurs ont conclu à un mouvement éparpillé, voire illisible. Benoît Coquard ne fait pas cette analyse. « Sociologiquement, il y a une cohérence globale dans les profils rencontrés. Les « gilets jaunes » sont centrés dans la zone « en bas à droite » de l’espace social, si l’on prend une grille de lecture bourdieusienne. » Cette zone va des classes populaires aux classes intermédiaires plutôt peu diplômées et exerçant des métiers manuels. « Ce sont des personnes qui ont des goûts proches, qui se côtoient au quotidien, sont en accord dans leurs visions du monde », reprend le sociologue.
Gilets jaunes?: « Ont-ils une idée de ce qu’on vit?? »
Cette forte homogénéité est renforcée par le levier principal de mobilisation?: Facebook, où les « gilets jaunes » échangent en premier lieu avec des personnes qu’ils connaissent. « Dans les zones rurales en déclin où les lieux de vie comme les bistrots ont massivement fermé, où l’emploi s’individualise et les associations disparaissent, c’est donc un moyen de recréer du lien et d’avoir le sentiment de se rattacher à une histoire plus vaste aussi », explique encore Benoît Coquard.
Gilets jaunes, quelles réponses à la crise??
Samedi 8 décembre, 136 000 personnes ont manifesté à l’appel des « gilets jaunes », près de 2 000 d’entre elles ont été interpellées et plus de 1 700 placées en garde à vue. Malgré de nouvelles violences, l’exécutif a estimé avoir mis « un point d’arrêt » à l’escalade. Après un long silence… Samedi 8 décembre, 136 000 personnes ont manifesté à l’appel des « gilets jaunes », près de 2 000 d’entre elles ont été interpellées et plus de 1 700 placées en garde à vue. Malgré de nouvelles violences, l’exécutif a estimé avoir mis « un point d’arrêt » à l’escalade.
Après un long silence, Emmanuel Macron « s’adressera à la nation » le 10 décembre à 20 heures, a indiqué dimanche soir l’Élysée. Des mesures concrètes sont attendues pour sortir de la crise.
Emmanuel Macron réunit le 10 décembre à l’Élysée l’ensemble des forces politiques, territoriales, économiques et sociales « afin d’entendre leurs voix, leurs propositions et avec pour objectif de les mobiliser pour agir », a annoncé l’Élysée dimanche 9 décembre. Sont conviés les présidents des associations d’élus, du Sénat, de l’Assemblée et les partenaires sociaux, à qui le président réserve donc la primeur de ses annonces pour sortir de la crise des gilets jaunes.
Que peut-il proposer à court terme?? À moyen terme?? Et avec quelles marges de manœuvre budgétaires.
Les chefs d’État étrangers ironisent
Les tensions qui animent la France intéressent à l’international. Différents chefs d’État ironisent sur la situation des « gilets jaunes ». Et les images qui font essentiellement réagir à l’étranger sont celles des chars dans Paris, explique le journaliste David Lefort. Tout au long de la semaine, plusieurs présidents et dirigeants ont commenté, à l’instar de Vladimir Poutine qui appelle « les autorités parisiennes à s’abstenir de tout recours excessif à la force conformément aux principes de l’humanisme ».
De son côté, Recep Tayyip Erdogan dénonce « l’usage disproportionné de la force » contre les manifestants. Ou encore Donald Trump qui tweetait mardi dernier : « Heureux de voir qu’Emmanuel Macron et l’ensemble de ceux qui protestent aujourd’hui en France sont arrivés à la même conclusion que moi, à savoir que l’accord de Paris est fondamentalement mauvais ».
Mea Culpa et concessions
La majeure partie des éditorialistes de la presse française prennent acte du « mea culpa » du chef de l’Etat et de ses annonces. Mais doutent qu’il ait répondu aux attentes des Français.
Bousculé par le mouvement des gilets jaunes, conspué par les lycéens, rejeté par les salariés, le président de la République s’est dégrisé de son sentiment de toute-puissance », mais il a « pris de haut la colère populaire en mettant d’emblée l’accent sur la répression ».
En sortant son chéquier, Macron n’a pas lésiné sur les moyens d’éteindre l’incendie. Aux grands maux, les grands remèdes, les mesures annoncées par le président vont au-delà de ce que pouvaient attendre les gilets jaunes au début du mouvement.
Pour autant, nombreux sont ceux qui doutent que cela sera suffisant pour satisfaire des « revendications diverses et évolutives, Macron est condamné à composer avec la colère des citoyens. Et s’il l’apaise cette fois en payant le prix fort, il ne pourra pas toutes les fois.
Hausse de 100 euros par mois pour les employés payés au salaire minimum, annulation d’une taxe sur les petites retraites (sous 2 000 euros mensuels), défiscalisation des heures supplémentaires… L’ensemble des mesures annoncées devrait coûter «entre 8 et 10 milliards», a estimé mardi le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.
En regardant son allocution lundi soir, j’ai vu un Macron « timide », « déconnecté de la réalité », « décevant », ou encore « ridicule », voire « inefficace ». Puisqu’à la suite de cette allocution de nombreux protestataires ont annoncé leur détermination à poursuivre les blocages et ont appelé à un « acte V » de la mobilisation ce week-end dans toute la France.
Macron a raté sa sortie, les « gilets jaunes » revendiquent la hausse immédiate du pouvoir d’achat, l’arrêt du pillage de ceux qui travaillent pour les super riches, la démission de Macron, la fin de la casse sociale et l’arrêt de son armée européenne. Cela leur vaut une écrasante popularité.
Il y aura un acte 5 voire même plusieurs actes, le mouvement des gilets jaunes ne fait que commencer, et Macron n’est pas sorti de l’auberge.
Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express,, pages 10-11, Vol. XVI, N°12 , Décembre 2018.
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