Les débats sur le projet de loi sur la laïcité au Québec se caractérisent par une certaine obsession ontologique: «Il est temps de fixer des règles parce qu’au Québec, c’est comme ça qu’on vit», a affirmé François Legault. Il serait plus correct de penser en termes des interactions d’autres identités sociales et collectives , construites selon d’autres points de vue.
Chaque identité collective, même la plus faible et la plus ouverte, implique une exclusion de l’Autre sous certaines conditions sociales et économiques. Mais l’exclusion de l’Autre peut s’exprimer seulement, dans les collectivités hétérogènes , sur les niveaux des attitudes exprimés par des préjugés et des clichés. L’identité collective devient une identité fermée aux autres valeurs, au pluralisme des styles de vie, plus ethnocentrique.
Qu’en est-il quand le vivre ensemble est de plus en plus mis à mal?
Quelles sont les conséquences quand le manque de liberté et la notion de diversité devient un enjeu idéologique et politique ?
Pourquoi ne pas accepter le multiculturalisme, réfléchir aux moyens juridiques afin l’inscrire dans un projet politique inclusif ?
Que devrions-nous réellement comprendre par le projet de loi sur la laicité?
Mr François Legault doit comprendre que chaque culture représente un modèle ,un tout cohérent dont le résultat se concrétiserait dans l’action des hommes.
C’est ainsi qu’il faut toujours qu’il y ait un lien rationnel entre l’objet de la loi et ses effets sur la liberté des gens. Il ne serait pas raisonnable de rechercher une identité globale. Il s’agit de comprendre que chaque groupe social s’appropriera ces référents de manière différenciée.
À cet égard, il y a un récit mémoriel qui habite le Sujet libre «Femmes musulmanes voilées», des passions éthiques qui s’expriment avec émotion à travers la prise de parole, une manière d’être, une allure générale, une tenue, une disposition d’esprit.
À titre d’exemple, les croyantes et croyants musulmans, comme tous autres individus, ne vivent pas en vase clos. Ils apportent des avantages significatifs sur le plan social, économique et démographique pour la société québécoise. Par conséquent, à l’égard des minorités immigrantes, le droit canadien, y compris le droit québécois, se montre nettement plus ouvert à l’expression individuelle des appartenances religieuses, et ce, même au sein de la sphère publique, d’où le principe d’une laïcité inclusive.
Selon Statistiques Canada, seuls 9 % des Québécois ne font partie d’aucun mouvement religieux, comparativement à 22 % des autres Canadiens. La majorité des Québécois se déclarent donc chrétiens, et ce, même s’ils ne pratiquent pas la religion en réalité. Or, les partisans d’une laïcité radicale actuellement sont contre toute manifestation religieuse en public, estimant que la croyance religieuse relève de l’intimité de l’individu.
En ce sens, il faut tenir compte des rapports de l’âme humaine avec le sacré et en fonction duquel une communauté de croyants partage certains sacrements, rites ou un code moral. Je crois que nous pouvons comprendre notre problématique en adoptant une écoute mutuelle, sans affrontement ni propagande dans le but d’éviter en tous cas le processus le plus classique, d’une affirmation identitaire violente, et dont le risque est celui d’une forme de repli sur soi au lieu de créer une identité relationnelle et non une identité d’exclusion.
Il me semble nécessaire en effet d’insister aussi que ce problème affecte non seulement les femmes voilées mais aussi leurs enfants. De telle sorte que la tension actuelle sur la mère « femme voilée» a encore un rôle central dans l’éducation des enfants de mieux assurer ce rôle et notamment de transmettre à leurs enfants leur savoir et leurs connaissances afin que ceux-ci, filles et garçons, participent à l’avenir équitablement à la construction de la société québécoise. Des études ont d’ailleurs montré que toute amélioration du niveau d’éducation et de santé des femmes constitue un investissement à long terme car elle se répercute sur l’état de santé et les capacités de leurs enfants.
En effet, la mise en place ou la construction d’une action politique inclusive et porteuse d’un projet collectif à la fois respectueux des libertés individuelles et la liberté de religion dont le passé est un élément constitutive demeure importante. Après tout, la construction d’un espace de reconnaissance s’avère nécessaire pour que le vivre ensemble soit libéré des sentiments et des vécus de l’inégalité et de l’injustice.
Par Pr Fayrouz Fawzi , Ph.D., Sociologue, pour Maghreb Canada Express,, page 6, Vol. XVII, N°5 , Mai 2019.