L’impact de la COVID-19 à l’échelle mondiale, régionale et nationale est collatéral à tous les niveaux et notamment sur les plans économique et social. Quant à la relance économique, elle nécessitera partout beaucoup de temps, peut être trois ans, et ne pourra être que progressive.

Elle ne sera probablement pas réalisable sans le soutien étatique. Bien plus, la reprise nécessitera la conjugaison des efforts de l’ensemble des acteurs des secteurs public et privé. Le mot clé étant la solidarité de groupes au sein de chaque société et entre les pays.

Quant aux retombées macro-économiques de la COVID-19, le Maroc, à titre d’exemple, n’échappe pas à la règle. Selon le Haut-commissariat au Plan marocain, tous les indicateurs économiques accusent des niveaux prévisionnels en nette reculade qui, vraisemblablement, sont susceptibles à une détérioration encore plus grave dans l’avenir.

Le PIB afficherait une baisse prévisionnelle estimée à -3,8 points, correspondant à 10,9 milliards de DH au second trimestre 2020. Le taux de croissance économique ne devrait pas surpasser 0,8%, sous la séquelle à la fois de la sécheresse, de la COVID-19 et du confinement prolongé, et ce, au lieu d’une croissance initiale moyenne évaluée à  +2,5%.

Plusieurs entreprises ont préparé des plans sociaux pour dégraisser jusqu’au tiers de leurs effectifs dans le but d’assurer leur survie. Une démarche raisonnable selon le patronat mais qui risque de mettre des dizaines de milliers de personnes, toutes classes confondues, dans la précarité. Le gouvernement est appelé à trouver vite une solution.

Un certain nombre de mesures palliatives ont été introduites par ce dernier : i) Mise en place d’un crédit à taux zéro pour les auto-entrepreneurs affaiblis par la crise de la COVID-19, pouvant atteindre un montant de 15.000 dirhams.  ii) Traitement comptable dérogatoire pour étaler les dons et les charges relatives à la période de l’Etat d’urgence sanitaire, sur 5 ans. iii) Assouplissement des procédures de déclaration des salariés affiliés à la CNSS qui sont en arrêt provisoire. Les déclarations peuvent être faites sur une fréquence hebdomadaire, à compter du mois d’avril 2020. Le montant total des dotations, cotisations et participations de l’Etat de l’ensemble des organismes publics et privés frôlerait les 37 milliards de DH (environ 4 milliard de dollars). iv) Adoption du télétravail et de l’enseignement à distance, comme mesures d’assouplissement et de prévention, respectivement pour les secteurs public et privé et le monde scolaire et universitaire.

Par surcroît, la COVID-19 présenterait l’occasion de penser à élaborer le nouveau modèle de développement sur une conception plus sociale de l’économie, à donner un nouveau élan aux secteurs de la santé publique et de l’éducation nationale, parents pauvres des pouvoirs publiques.

Il faudrait également prendre conscience du besoin de reconsidérer la politique de désengagement ordonné de l’Etat, spécialement dans les secteurs sociaux. Il est important d’opter pour une nouvelle forme d’interventionnisme étatique, plus intelligente et plus équitable, avec une meilleure gestion des instruments budgétaire et fiscal. Il est aussi nécessaire d’adopter une régulation étatique plus appropriée des marchés, sans les monopoles de fait et parfois les pratiques anticoncurrentielles. Enfin, il faudrait encourager les activités génératrices d’emploi et de revenus.

La crise sanitaire et économique causée par la pandémie de la COVID-19 est un choc menaçant à l’échelle planétaire, une rupture franche et ésotérique avec les paradigmes et les modèles actuels.

Un autre facteur important à considérer concerne la transformation digitale de tous les secteurs qui jouera dans le futur un rôle encore plus remarquable dans le perfectionnement de la compétitivité économique, en utilisant les nouvelles technologies de l’information. Au Maroc, si l’administration étatique et les institutions financières ont fait des progrès dans ce domaine, des milliers de petites et moyennes entreprises restent toujours loin derrière. Un soutien de l’Etat serait bénéfique pour les exhorter à s’investir davantage dans la digitalisation.

Dans le domaine de la santé publique, l’objectif essentiel consistera à améliorer l’encadrement et l’infrastructure sanitaires à travers tout le pays. Dans le domaine de l’enseignement, les efforts consentis par le gouvernement pour la généralisation de la scolarisation doivent être doublés tout en investissant davantage dans la formation et la recherche scientifique.

Bref, le développement de l’ensemble de ces secteurs permettra de bâtir une économie solide et solvable à même de renforcer la stratégie d’ouverture sur les marchés internationaux.

En conclusion, le Maroc dispose de plusieurs atouts pour sortir de la crise, assurer son indépendance économique et lui permettre d’occuper une position confortable dans l’échiquier mondial.  La solidarité, l’unité et la stabilité politique du pays permettront de le projeter dans l’avenir avec confiance et sérénité, comme à chaque fois que des événements exceptionnels et inattendus entrecroisent le cours de son histoire. Même si cette crise est beaucoup plus dure que les précédentes car elle est globale, économique, sociale et sanitaire.

Alors que nous allons au-delà de la crise sanitaire immédiate, les décideurs doivent saisir l’occasion de mettre en œuvre des réformes audacieuses et tournées vers l’avenir. Cela comprend la refonte des contrats sociaux, la fourniture de filets de sécurité adéquats, la culture des compétences et des emplois dont la future économie aura besoin et l’amélioration de la répartition des risques et des retours entre le public, l’état et le secteur privé.

Mais si le gouvernement doit assumer un rôle de chef de file, façonner la reprise et tracer une nouvelle voie pour la croissance nécessitera une plus grande collaboration entre les entreprises, les institutions publiques et gouvernementales et les travailleurs. Pour que la grande reprise réussisse, toutes les parties prenantes doivent y participer.

À l’heure actuelle, il devrait être évident que nous ne pouvons pas revenir à un système qui profite à quelques-uns au détriment de la majorité. Contraints de gérer les pressions à court terme et de faire face aux incertitudes à long terme en même temps, les dirigeants se trouvent à un carrefour historique. Le nouveau poids de l’Etat leur donne les moyens de commencer à construire une économie plus juste, plus durable et plus résiliente.

Par Moha Ennaji, (Professeur et Chercheur universitaire à Fès, Maroc, Auteur de plusieurs livres, dont le plus récent intitulé «Le paradigme Maghreb-Europe») pour Maghreb Canada Express, Vol. XVIII, N°07 , page 13, JUILLET 2020.

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