qotbiLa Première dame française s’est affichée avec un masque offert par l’artiste-peintre Mehdi Qotbi, lors d’un déplacement dans le Gers, le 18 septembre dernier, et c’est l’occasion pour moi, d’écrire quelques lignes sur cet artiste marocain hors norme, qui vient d’une famille modeste, et proche de Mohammed VI.

En effet, la demande d’organiser en quelques mois seulement l’événement « Afrique en capitale », du 28 mars au 28 avril prochain à Rabat, pour accompagner sur un plan culturel le retour du royaume dans l’Union africaine émanerait directement du monarque.

Comme beaucoup de marocains de son époque, Mehdi Qotbi a grandi dans un milieu extrêmement modeste. Il a donc pris conscience très tôt que pour « s’en sortir », il ne devait compter que sur lui-même ; et c’est ainsi que lui est venue cette ouverture vers les autres. Ce qui au départ était une nécessité, deviendra par la suite un moyen, et même un moyen d’expression picturale.

Il passe sa scolarité primaire à l’école Lalla Aïcha dans le quartier populaire de Rabat. A 12 ans, il assiste  à un défilé militaire. Fasciné par l’uniforme, il va, avec audace et détermination, vers Mahjoubi Aherdan, ministre de la Défense Nationale, mais aussi peintre et poète, et lui demande de le faire entrer au lycée militaire de Kenitra.

Mehdi Qotbi n’y  fera qu’un court passage, mais c’est là que son destin bascule : il se découvre un intérêt passionné et une vocation certaine pour le dessin.

Puis c’est l’école des Beaux-Arts de Rabat pour deux années, de 1967 à 1968 où survient une nouvelle passion, la peinture. Il a seulement 17 ans et sent que son salut lui viendra par l’Art.

Sa rencontre en 1969 avec le peintre Jillali Gharbaoui renforcera cette conviction,  d’autant que ce peintre, alors au faîte de sa gloire, s’engoue pour les toiles de Mehdi Qotbi, lui en fait vendre deux, et l’encourage à poursuivre sa quête picturale.

Mais Mehdi Qotbi, convaincu qu’il lui faut effacer les fêlures de son enfance et sortir de sa pauvreté, n’a plus qu’un désir impérieux et obsédant : s’évader de son pays à tout prix.

Grâce à l’appui du secrétaire d’État qu’il avait connu chez les Aherdan, il obtient un passeport et réussit à quitter son pays vers la France. C’est donc dès 1969 qu’il s’inscrit à l’école des beaux-arts de Toulouse où il reste jusqu’en 1972 et obtient son diplôme, devenant ainsi le plus jeune diplômé de France.

Il quitte Toulouse pour Paris et suit, pendant deux années, les cours de l’École supérieure des Beaux-Arts. Il entre ensuite au lycée-collège Saint-Joseph à Auxerre, de 1973 à 1978, et devient professeur d’arts plastiques. Matière qu’il enseigne de 1978 jusqu’en 2006, au lycée-collège La Rochefoucauld à Paris. Dès lors, il ne cesse de mener de front son métier d’enseignant et sa peinture.

Mais c’est dès 1968 que des occasions lui sont offertes d’exposer son travail pictural, principalement en France mais aussi un peu partout dans le monde où son œuvre commence à être remarquée et reconnue internationalement.

Il expose sur tous les continents, en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, en Inde.

Il a le mérite de promouvoir l’art au Maroc. Il est à l’origine de l’ouverture du  Musée Mohammed-VI d’art moderne et contemporain qui a accueilli les toiles de Giacometti en 2016, et celles de Picasso en 2017, ainsi que les œuvres des Français Claude Monet et Eugène Delacroix en 2019 et 2020.

Qotbi, la soixantaine, est un artiste peintre, mais aussi un lobbyiste influent à travers, entre autres, l’association d’amitié franco-marocaine qu’il a créée sous Hassan II. Il  a obtenu 500?000 euros de la Fondation Guerrand-Hermès pour participer à la rénovation du Musée Dar-El-Bacha à Marrakech. De quoi rassurer ceux qui craignaient que le Musée Mohammed-VI ne vampirise toutes les activités de la FNM, laquelle a annoncé la réhabilitation de plusieurs autres établissements, de Safi à Fès.

À Tanger, les travaux du Musée la Kasbah des cultures méditerranéennes, qui a rouvert ses portes durant l’été 2016, ont été financés à 80 % par un donateur anonyme. Le réseau de Qotbi n’hésite donc pas à mettre la main à la poche pour accompagner son action et sa vision ambitieuses. L’État marocain, lui aussi, lui fait confiance?: le budget de la FNM est passé de 50 millions de dirhams (4,7 millions d’euros) en 2016 à 70 millions pour 2017.

Un parcours exceptionnel pour un artiste qui a réussi à réaliser son rêve. Et comme le disait Hassan II : « Les batailles de la vie, ne sont pas gagnées, par les plus forts, ni par les plus rapides, mais par ceux qui n’abandonnent jamais.»

Par Mustapha Bouhaddar, pour Maghreb Canada Express, Vol. XVIII, N°10 , page 14, Octobre 2020.

LIRE L’ÉDITION DU MOIS D’OCTOBRE 2020 :

 

By AEF