Cela fait presque cinq décennies que dure ce calvaire. Cette guerre interminable qui se délecte de la fine jeunesse de notre peuple, se nourrit de l’orgueil et de la velléité d’une élite fossilisée qui s’alimente de la perpétuation du conflit. Les fantômes de nos disparus se tourmentent de la stupidité de leur sacrifice vain, pour une cause chimérique.
Mon frère..! J’ai eu l’honneur de croiser le fer avec les combattants sahraouis lors d’une attaque meurtrière. Je reconnais en toute honnêteté la bravoure et le courage des insurgés qui sont passés du contact balle au contact corps avec une dextérité et une maitrise de l’art de la destruction et de la finitude. Vous avez emblavés cette terre stérile de cadavres aux destins anonymes. Nos morts ont une sépulture, les votre aussi, par-delà nos différends, nous restons frères. Dans l’absurdité pathétique, le souvenir sinistre d’un jeune qui devait avoir à peine une vingtaine d’années me hante jusqu’à ce jour. Je revois encore son sourire serein et son regard lointain. Il a complètement changé l’image du monstre attribuée aux maquisards. Il a été déchiqueté par une mine anti char piégée à l’aube. Au matin, je me suis porté sur la bande minée escorté par une équipe et c’est là que j’ai distingué le trou béant et autour le corps mutilé et démembré du supplicié. Le buste était intact mais sans bras. Dans ma tête l’image de sa mère anéantie par la douleur vient me tourmenter. Tous les grains de sable de ce désert ne peuvent la consoler, tous les discours panégyriques ne peuvent éteindre une étincelle de la braise qui la brule. C’est également valable pour les nôtres.
Mon frère, tu vis dans une dimension hors du temps, ou les qualités et les passions humaines se trouvent exacerbées par une rhétorique belliqueuse. Depuis ta naissance ton destin de belluaire était scellé, aucune autre alternative n’est proposée pour cette jeunesse sans futur, sans horizon. Cette haine, cette frustration que tu voues à tes frères de l’autre côté du mur, sont injustifiées. Ton véritable ennemi est ce code d’honneur que des aventuriers ont confectionné pour asservir des hommes. Le matraquage médiatique et doctrinal qui puise ses dogmes d’une culture obsolète et hallucinogène, arrive quand même à vous privez de votre libre arbitre dans un total déni de la réalité.
Mon frère, nous avons le temps, vous avez des échéances. Nos échelles ne sont pas compatibles. Notre faculté de résilience n’a pas de limite, alors que vos espoirs et vos rêves s’évanouissent. Notre thèse gagne en légitimité ce que vous perdez en crédibilité. Notre foi inébranlable dans votre sagesse nous incite à croire à un revirement de vos préalables. Notre stratégie prépare votre retour au sein de la mère patrie. Vos concitoyens sont disposés à vous assurer une vie digne et sereine. Vous méritez largement d’être dédommagés sur les décennies de malheurs et d’errance dans le désert inhospitalier. A cet effet une caisse de fraternité sera mise sur pied pour la collecte de fonds citoyens qi serviront à assurer un logement décent et un capital de démarrage aux ralliés.
Sans vous berner, je tiens à préciser que chez nous ce n’est pas le paradis, mais pas l’enfer non plus ; nous avons des institutions solides qui marchent, pas de manière optimale mais arrivent à fournir le service nécessaire a la dynamique de la société. Nous comptons sur votre adhésion au tissu social pour opérer les changements idoines. La proposition de l’autonomie élargie reste l’option la plus juste. Elle assure d’une part à nos concitoyens égarés une vie décente et d’autre part le respect de l’identité sahraouie. Dans une société tribale ou le clan l’emporte sur la nation des drames vont inexorablement se produire dans l’organisme naissant, autant se réfugier dans une communauté de destin. Les mythes fondateurs de l’identité sahraouie s’effritent devant la réalité historique, ils visent essentiellement à nuire à notre pays par un voisin qui nage contre-courant. Lorsque les nations se regroupent en conglomérats économiques aux contours imposants, nous œuvrons inlassablement a disséquer nos pays déjà exsangues par une gestion désastreuse des potentialités. L’arrimage de nos destins communs permettra inexorablement une avancée qualitative dans la gestion du pays. Votre contribution sera la pierre qui fera remuer l’eau stagnante de la marre.
Mon frère, l’offre de l’AUTONOMIE ELARGIE est l’option la plus réaliste, la plus crédible pour le dénouement de ce litige. Elle permet de réaliser en partie ce rêve que vous caressez depuis des lustres. Ne sois pas défaitiste, agit avec clairvoyance et dextérité, en prenant en compte les enjeux et le rapport de force qui bascule de notre côté. L’inamovibilité du conseil de sécurité et la complicité des grandes puissances sont autant de facteurs qui dessinent l’issue du conflit. L’émiettement n’est plus à l’ordre du jour, car la création d’une entité non viable, entrainera fatalement le déploiement des moyens d’assistance de la communauté internationale.
Mon frère, je t’invite à négocier, tant que cette offre est sur la table, bientôt, devant l’inflexibilité de vos dirigeants, aucune discussion ne sera possible. Il suffit de tirer les conclusions des déboires de nos frères palestiniens qui ont crachés sur toutes les propositions et maintenant ils sont entrain de quémander une simple dignité hélas entachée par l’arrogance d’un ennemi implacable. Nous sommes entre frères, nous serons réunis sous le toit de la nation. Vous aurez le droit d’administrer le territoire selon les termes négociés pour l’accord d’autonomie ÉLARGIE.
Le ralliement de la mère patrie n’est que le prélude à la véritable guerre, celle du développement. D’ailleurs nous avons relevé un réel défi, celui de la valorisation du Sahara. Des investissements faramineux sont injectés pour mettre au diapason le territoire en matière d’infrastructures en dépit des difficultés économiques. L’HOMME se trouve au cœur de la stratégie de mise à niveau, ainsi, l’effort est axé sur l’offre sanitaire et éducative qui a connu une expansion fulgurante. Ce qui est certain c’est que nos frères à leur retour au giron familial, seront largement récompensés par la chaleur des retrouvailles et le début d’un nouveau chapitre.
Nous vous attendons.
Par Rachid Jalal.