Par Dr Ahmed El Bouhali, Chercheur
Deux constantes alimentent le débat autour de l’avenir des USA sur l’échiquier international et ce, dans le tumulte des relations orageuses qui caractérisent la période d’approbation des résultats des élections présidentielles aux USA.
La première a trait à la perception que les acteurs internationaux (les Etats) se font du système électoral de la plus grande démocratie mondiale d’une part, et, d’autre part, leur perception de la différence d’orientation de la politique internationale du successeur du Président sortant, eu égard à la différence entre les deux personnages sur le plan du comportement politique.
La deuxième se rapporte à l’aptitude des USA à reconquérir le rôle de catalyseur de la Paix universelle dont le déclin avait été inauguré par le Président sortant.
I- Processus électoral et politique internationale des États-Unis.
L’image altérée des traditions séculaires de la démocratie américaine.
La succession difficile au Président républicain Donald Trump à la suite de la victoire du Président démocrate Joseph Biden fait désormais cas dans les annales des élections présidentielles aux USA.
Au niveau interne, les constitutionnalistes américains se pencheront certainement sur les aspects coutumiers, surtout, du processus conséquent aux opérations électorales pour sauvegarder les bonnes traditions qui singularisent le système de succession aux hautes commandes de la Maison Blanche. Par ailleurs, iI semble que le vide juridique, qui favorise le règne de cette agréable atmosphère accompagnant les scènes de présentation des félicitations et de passation des pouvoirs entre le président sortant et le président élu, aurait été mal interprété.
Une nouvelle tendance est actuellement en train de naître faisant en sorte que le Président sortant constitue un contre-pouvoir à l’exercice du nouveau patron de la Maison Blanche. La tendance au « Républicanisme Trumpiste » risque de se diluer dans les appréhensions aux poursuites judiciaires que le président sortant essaie de contourner en prononçant, dans l’immédiat, la grâce au profit de son entourage, tout en avançant vers l’autoamnistie.
Au niveau international, certains pourraient se poser la question suivante: Que peut-on espérer d’une démocratie- jugée jusque-là modèle- qui n’arrive pas à « normaliser » le processus de passation des pouvoirs entre le président sortant et son successeur? Les prétentions du Président Trump et ses propos attentatoires à la sérénité des élections présidentielles semblent altérer et retarder le déploiement de l’équipe du Président élu au niveau de la politique internationale.
Outre le fait que la Maison Blanche risque de voir la justice saisie pour prononcer un jugement d’expulsion judiciaire- en cas de refus du Président sortant d’évacuer les locaux-, il n’en demeure pas moins qu’elle se prête mal, jusqu’à présent, à la coexistence pacifique entre les deux présidents censés constituer une seule équipe dont une partie se prépare au retrait et l’autre s’emploie à mettre en place les instruments de sa politique.
Parallèlement, nombre d’Etats étrangers adhèrent indirectement à la tendance privilégiée par le président Trump destinée à affaiblir le pouvoir de la nouvelle équipe, et par conséquent, le rôle des USA sur un certain nombre de questions internationales. Bien qu’ils fassent partie d’une catégorie d’Etats sans influence et sur lesquels s’exercent le pouvoir, ceux-ci consolident l’hétérogénéité des vues d’une Amérique affaiblie par le schisme décisionnel Biden/Trump. Il s’agit des foyers de tension au Moyen-Orient, au Golfe Arabo-persique, en Afghanistan, etc.
La vision manichéenne du pouvoir en présence à la veille de l’investiture du Président élu vise à mettre l’équipe au pouvoir devant le fait accompli pour maintenir des décisions qui ne cadrent nullement avec le realpolitik des démocrates. La poursuite de la prise de décision par Trump se caractérise par son aspect violent (hard power) à l’égard de Biden qui semble privilégier, suivant ses déclarations, une approche s’apparentant beaucoup plus au pouvoir doux (soft power). D’ailleurs, dès la déclaration de son élection, il n’a eu de cesse de répéter son engagement à être le président de tous les américains et qu’il y a lieu d’abandonner l’opposition entre deux tendances politiques.
II- L’aptitude des USA à reconquérir le rôle de catalyseur de la Paix universelle
Le premier postulat à revendiquer dans ce sillage consiste à renforcer les rangs des décideurs américains pour la reconquête de l’image de catalyseur des décisions stratégiques pour l’instauration de la sécurité et la paix universelle.
Pour ce faire, les USA doivent présenter l’image d’une superpuissance dont la puissance et l’influence doivent surpasser tous les pouvoirs présents sur l’échiquier international.
Or, Trump tente d’anticiper et de saper la mise en œuvre d’une politique étrangère pondérée des USA au niveau international et menace de compromettre la paix mondiale. Si certains commentaires évoquent une éventuelle attaque contre l’Iran, il semble que l’hypothèse de l’assassinat du savant nucléaire Mohcine Fakhri Zadah en date du 27 novembre 2020 dont L’Iran incrimine Israël s’inscrit dans cette tendance.
Biden annonce d’ores et déjà le triomphe du regain d’intérêt pour les questions brûlantes de la sécurité nucléaire ( l’accord de Vienne avec l’Iran), de la lutte contre les changements climatiques (le retour à l’accord de Paris) et du désengagement des guerres commerciales (surtout à l’égard de la Chine). Ces axes forment les principales orientations de la politique étrangère américaine à la veille de l’investiture du Président américain élu.
En effet, si la doctrine Monroe avait institué le principe de non intervention, c’était pour éviter aux USA d’être une puissance controversée. Mais, Trump a essayé, tout au long de sa présidence, de limiter l’intervention des USA exclusivement aux régions où il pourrait en tirer des profits matériels patents.
Adopté au départ comme stratégie visant à faire des USA le gendarme du monde, arguant de sa puissance économique et militaire et de son leadership en matière de Démocratie et de défense des droits de l’homme et des libertés, l’interventionnisme américain a toujours basculé en faveur de la protection de certains régimes et États oppresseurs.
Ainsi, le débat sur l’hypothèse du retrait des forces US de l’Afghanistan et de l’Iraq atteste, soutient-on, de l’échec de la stratégie américaine pour l’instauration de la paix dans ces pays. Certains justifient cette hypothèse de la volonté » d’éviter l’effusion du sang « !
Or, le déploiement récent de la politique étrangère américaine au Golfe Arabo-persique et au Moyen-Orient atteste de la continuation du Realpolitik du républicanisme américain qui se traduit dans certains cas par l’option pour la violence, manifestement incarnée par Trump.
Selon cette tendance, la sécurité des arrangements doit être négociée en termes de concessions économiques en échange, au profit des USA.
Le Président Biden n’hésite pas à déclarer que: ( Sous Trump) Nos alliés nous craignent. Donc, il est temps de mettre fin à ces appréhensions. D’où, l’option pour le retour au Leadership à travers une diplomatie conciliante et un arbitrage impartial des conflits . Car, le principe de l’isolement- qui est aussi une émanation de la doctrine Monroe- , appliqué d’une manière négative par Trump, a coûté à l’Amérique un enclavement dans ses positions belliqueuses aussi bien à l’égard des alliés traditionnels que vis-à-vis des ennemis des USA: Rupture des négociations avec l’Iran, engagement d’une guerre commerciale contre la Chine, etc.
En conclusion, les délais de mise en œuvre des sanctions économiques, des représailles militaires et des conflits internationaux que les USA pourraient engager sous le mandat du président Trump prennent fin le 20 janvier 2021. Seule restera en place l’équipe des « hommes du président » cooptés et nommés par Trump dans l’appareil judiciaire, certainement dans le cadre d’une stratégie bien étudiée: celle de le protéger, d’abord en cas de besoin au cours des élections et/ou le blanchir devant les juridictions lorsque les innombrables procès qui le guettent viendraient à être intentés à double titre.
Par Dr Ahmed El Bouhali, pour Maghreb Canada Express, Vol. XVIII, N°12 , pages-03-04, Décembre 2020.