FVPlusieurs entreprises sous traitantes et sans scrupule, ont trouvé le bon filon en embauchant des jeunes femmes voilées et diplômées payées au smic.

(Crédit Photo : flickr.com)

Ces dernières n’arrivent pas à décrocher du travail à cause du foulard, et souvent quand elles passent un entretien en Visio, Skype, teams, ou sur d’autres supports, elles reçoivent un retour négatif, par le recruteur qui va les écarter par cette phrase magique : «  Malgré la qualité de votre CV, votre profil ne convient pas au poste. » Alors que la vraie raison est le port du foulard.

Je suis bénévole dans une association, et c’est au sein de cette dernière que j’ai fait la connaissance de « L » qui m’a parlé de ces entreprises qui embauchent des jeunes femmes voilées sans modération.

« L » m’a donné les coordonnées de cette entreprise située dans la banlieue sud de Paris, et m’a arrangé un rendez vous avec une de ses connaissances qui y travaille.

Le jour « J » je me suis rendu à cette entreprise juchée dans une banlieue  aux mille tours, semblables à des boites d’allumettes. Elles sont occupées par les noirs à 80%, et le reste, par des indiens et des Maghrébins.

Arrivé à l’accueil, mon contact était à l’heure, elle m’attendait avec un badge visiteur.

Au premier étage il y a le bureau de son Manager qui donne sur un énorme open space, où fleurissent des centaines de jeunes femme voilées, quelques quinquagénaires, et une vingtaine de jeunes de banlieue, des noirs et des Maghrébins, et quelques blancs perdus dans la masse.

Le Manager, une quinquagénaire qui travaillait jadis dans la restauration et qui ne possède même pas le bac, me salue de loin, coronavirus oblige. Son sourire narquois et forcé, était visible, grâce à ses rides qui se contractent sous son masque. Elle me fait des éloges sur mon contact que je nommerai « A ». C’est quelqu’un de sérieux qui ne s’absente jamais, toujours à l’heure, et qui traite surtout  le double de dossiers que ses collègues. Elle va la nommer superviseuse avec une centaine d’euros de plus à la clé chaque mois.

Ces jeunes voilées ont la possibilité de copter leurs connaissances qui ne trouvent pas de travail à cause du foulard, et pour chaque personne coptée, une prime de 70 euros.

C’est Byzance !

« A » m’apprend que ces jeunes femmes sont sous pression, il faut qu’elles traitent un minimum de trente cinq dossiers par jour sans commettre d’erreurs. Car il y a une équipe qualité qui contrôle les dossiers traités et gare à la gestionnaire qui commet des erreurs répétitives.

Cette équipe qualité est choisie parmi les centaines des jeunes femmes voilées, et payées au lance-pierres. On encourage la délation et on évite des réunions de groupe pendant la pause.

C’est malin, il faut empêcher ces jeunes femmes de communiquer entre elles, car une rébellion n’est jamais loin.

De quoi se remémorer l’époque de l’esclavage où les blancs n’achètent jamais des esclaves issus de la même tribu, car ils seront susceptibles de communiquer et préparer une rébellion contre leurs maitres. D’ailleurs, pour communiquer sans attirer l’attention de leurs maitres, ces esclaves qui viennent de tribus différentes ont inventé un langage issu de la langue du maitre et qui s’appelle dans certaines iles le créole.

Le Manager me réclama, mon CV, car après tout, c’est pour ça que je suis là. Je lui ai dit que je le lui ferai parvenir par courriel dès que je l’aurai mis à jour. Elle m’a dit que le salaire est très bas, mais c’est déjà pas mal d’avoir un travail avec la conjoncture actuelle. J’ai acquiescé de la tête, et lui ai répondu : « Bien sûr, vous avez tout à fait raison, il faut s’estimer heureux d’avoir un travail. »

En m’accompagnant à la sortie, « A » m’informa qu’elle va démissionner, car son mari n’en peut plus. En effet, le Manager a formé deux équipes :

  1. Une équipe du matin qui commence à 7H pétante en même temps que les femmes de ménage, jusqu’à 14h avec deux pauses de 10 minutes;
  2. Une équipe du soir qui commence à 14h et finit à 21h dans les mêmes conditions.

Quand elle est de l’équipe du soir, « A », ne voit plus ses enfants, car quand elle rentre le soir, ils dorment déjà, et le matin son mari les dépose tôt à l’école, et ne les voit pas non plus.

En quittant cette entreprise, j’avais l’impression de quitter une sorte de  pays inconnu, une population dont j’ignorais l’existence. Je passe devant une boulangerie tenue par un Marocain. Ce dernier m’appris que toutes ces tours étaient occupées jadis par des blancs, qui ont quitté cette ville pour vivre ailleurs et fuir tous ces noirs, ces maghrébins, indiens et autres. Une population stigmatisée par l’extrême-droite, et la presse xénophobe. Une population qui souffre du chômage, et qui peine à s’en sortir.

Retirer le foulard ou c’est le chômage

« A » a obtenu un master dans l’une des meilleures écoles de commerce de France. Et pourtant, quand est venu le moment de trouver un emploi, elle a dû faire un choix que beaucoup de femmes musulmanes en France aujourd’hui doivent faire : enlever le foulard… ou risquer de rester au chômage.

Bienvenu en France, un monde tellement fermé pour les jeunes femmes musulmanes qui portent le foulard. L’image d’une femme portant un foulard est vraiment mal perçue en France. Les gens pensent que c’est la même chose que dans certains pays arabes, où les femmes portent le hijab par Obligation. Mais en France aujourd’hui, à l’image de « A », les femmes portent le hijab par Choix.

L’islam représente une question difficile pour la France, en raison de son histoire coloniale. Et les femmes « voilées » — environ un quart des musulmanes en France — se retrouvent continuellement au centre des débats sur l’islam.

Se replier sur sa communauté

Début 2019, plusieurs personnalités du monde politique ont condamné la décision d’une grande entreprise d’articles de sport de vendre, pour les joggeuses, un foulard qui fut finalement retiré de la vente. Quelques mois plus tard, le pays fut le théâtre d’un autre débat national sur le foulard, relancé cette fois-ci par Julien Odoul lors d’une réunion du conseil régional de Bourgogne Franche-Comté. Ce député d’extrême droite exigeait qu’une mère accompagnant son fils en voyage scolaire enlève son foulard dans la salle du conseil.

Un taux de chômage élevé

Moins de la moitié (42 %) des employeurs français sont ouverts à l’idée d’une femme portant le foulard sur le lieu de travail, selon une étude réalisée en 2015 par Inagora. Un « test de CV » de 2014 a également révélé qu’une femme issue de l’immigration maghrébine portant le foulard avait 55 fois moins de chances d’être rappelée pour un entretien qu’une femme blanche tête nue.

Une importante étude de l’Institut national d’études démographiques (INED) a établi le constat que le taux de chômage des femmes musulmanes était deux fois plus élevé que celui des non-musulmanes en France. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que les femmes qui portent le voile ont une vision plus traditionnelle des rôles familiaux, explique l’auteur de l’étude, Patrick Simon. Mais c’est aussi parce qu’« il est pratiquement impossible de travailler en France aujourd’hui avec le voile. Lorsque le travail implique de contacter des clients, la plupart des employeurs ne veulent pas de femmes voilées. Et même lorsque les femmes ne sont pas en contact avec les clients, il y a une discrimination extrêmement récurrente qui fait que très peu d’employeurs les embauchent », dit-il.

Hicham Benaissa, sociologue et consultant qui a travaillé avec plus de 500 entreprises françaises pour développer leurs positions par rapport à la question religieuse affirme que la discrimination est plus forte encore au sommet de l’échelle sociale : « Je n’ai jamais vu une femme voilée nommée à un poste de direction dans mon travail. Une femme voilée qui fait le ménage pour gagner sa vie ou qui va chercher vos enfants à l’école, les gens sont d’accord avec cela. Mais une femme voilée qui va vous donner des ordres, pas question !  »

Ces entreprises sans scrupules qui poussent comme des champignons et exploitent ces jeunes femmes voilées sont la preuve que le débat sur le voile est une foutaise, et que les femmes voilées ne posent aucun problème dans une entreprise, au contraire elles contribuent à son développement. Le voile est juste un prétexte pour écarter ces femmes musulmanes de l’entreprise.

C’est un fait,  la stigmatisation, le racisme contre la communauté musulmane est bien réel, ça ne sert à rien de se voiler la face et de s’en laver les mains.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°03 , pages 12-13 , Mars 2021

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