Ils sont plus de 10.000 citoyens canadiens (13.000 selon d’autres sources) qui seraient bloqués au Maroc depuis le premier septembre 2021 et qui sont de tous les milieux, de toutes les professions et de tous les âges.

Abderrahman El Fouladi

Parmi ces détenus ‘’nouveau-genre’’, se trouve Mohamed Lotfi, producteur, réalisateur et animateur durant plus de 30 années de l’émission ‘’Souverains Anonymes’’ (émission radio co-animée par des détenus de la prison de Bordeaux). Celui-ci écrivit tout récemment sur sa page facebook : ‘’ C’est aujourd’hui, dimanche 3 octobre, que je devais être de retour chez-moi à Montréal.  Les détenus de la prison de Bordeaux attendaient le retour de leur activité ‘’Souverains anonymes’’ ce jeudi (7 octobre ). Mais comme vous le savez, ce retour au travail n’aura pas lieu à la date prévue pour moi comme pour des milliers d’autres ressortissants canadiens bloqués ici au Maroc.  Pas de retour à l’école non plus pour des centaines d’élèves : Transport Canada a prolongé la suspension des vols jusqu’au 29 octobre’’.

Comment en sommes-nous  arrivés là ?

Début de l’été dernier, le Royal Air Maroc offrit, à des prix défiant toute concurrence, un billet haute saison au prix de la saison morte ! Ajouter à cela l’approche de l’Aïd El Adha (la plus importante des fêtes musulmanes) sans oublier les enfants en vacances… De quoi inciter les plus récalcitrants à profiter de cette aubaine de la décennie !

Aussi, tout était au mieux dans le meilleur des mondes…

Jusqu’au début du retour des vacanciers. Les autorités sanitaires canadiennes auraient remarqué une hausse anormale de contaminations par le COVID-19 parmi les passagers confinés et en provenance du Maroc. Comme il y avait beaucoup d’enfants (pour qui le test n’était pas obligatoire) les autorités canadiennes compétentes émirent une restriction exigeant que tous les enfants doivent être testés négatifs avant de prendre l’avion. La RAM envoya un courriel pour avertir ses clients; courriel que plusieurs voyageurs affirment n’avoir jamais reçu. Et voilà les vacances qui commencent à tourner au cauchemar quand la RAM refusa tout arrangement pour les familles ayant raté leur vol faute d’avoir testé leurs enfants ! Ce fut le cas de cette femme qui doit se présenter, le lendemain de son arrivée, à son travail et qui se trouva obligée de laisser son enfant avec sa famille, au Maroc, pour qu’il soit testé et renvoyé dans le prochain vol.

La maman est arrivée mais l’enfant est toujours au Maroc

Comment est-ce possible ? Eh bien malgré l’obligation du test pour les enfants, les cas positifs auraient continué de se multiplier parmi les voyageurs confinés en provenance du Maroc; Ce qui poussa le Canada à suspendre les vols en provenance du Maroc entre le 1ier et le 29 septembre, pour prolonger cette suspension jusqu’au 29 octobre …  Le temps d’y voir, paraît-il, plus clair. Et c’est ainsi qu’on ferma les yeux sur ces profs et ces étudiants qui ont raté la rentrée, ces employés qui sont menacés de perdre leur emploi, ces patients qui ont raté des rendez-vous attendus depuis des mois … Le cas de la maman séparée de son enfant n’est plus un cas exceptionnel: Ce sont des milliers de personnes au bord de la dépression, ce sont maintenant des milliers d’histoires aussi pathétiques les unes que les autres…

Sévir contre les victimes pour éradiquer le mal

Il devient de plus en plus probable que la décision du Canada soit motivé par la découverte d’une fraude, concernant les tests COVID délivrés par les laboratoires marocains, à une si large échelle qu’il ne serait plus possible pour le Canada de faire confiance, ni au système de santé marocain ni même au personnel de la santé sur place, agrée par le consulat canadien pour délivrer les attestations médicales exigées pour les candidats à l’immigration.

« Mais, disent certains parmi les séquestrés, pourquoi nous infliger une punition collective, à nous citoyens canadiens dont plusieurs parmi nous sont doublement vaccinés au Canada, et ce, pour sévir contre d’éventuels fraudeurs? Pourquoi ne pas dépêcher sur place une délégation médicale canadienne pour superviser les tests ou pour envoyer les échantillons se faire analyser ailleurs afin que nous puissions sortir de ce cauchemar qui dure depuis plus d’un mois et qu’aucun signe avant-coureur n’en annonce la fin ? »

D’autres victimes s’étonnent du mutisme de la partie marocaine d’autant plus que le Maroc serait peut-être le seul pays à consacrer tout un ministère à ses ressortissants vivant à l’étranger.

La loi de l’emm… maximum

Désolé de ne pas trouver plus élégant comme formule pour qualifier la situation de ces pauvres otages du COVID car, en effet, on ne peut tomber plus mal : Le gouvernement marocain est en voie de formation suite aux élections du 8 septembre dernier. Quant au ministre dont dépend le ministère chargé des marocains résidant à l’étranger (qui n’est autre que le ministre des affaires étrangères et de la coopération), il semble qu’il en a plein les bras avec la 76ème session de l’assemblée générale des Nations Unies ! Mais l’espoir est de mise car les autorités canadiennes seraient en train d’attendre juste des garanties de la part du Maroc pour dénouer la crise, garanties qui, espérons-le, ne sauraient tarder une fois le gouvernement Akhannouch opérationnel.

Par Abderrahman EL FOULADI pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°10 , page 3, Octobre 2021

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