En matière d’intégration à la société d’accueil, les femmes immigrantes ont bien des obstacles à franchir, toutefois des solutions existent pour encadrer la prise de parole et conduire les femmes vers l’autonomie.


Nabila Aldjia Bouchala et Pascale Sarkis  (Crédit photo : La Maisonnée )
 

« J’ai vécu des agressions verbales dans la rue, sans que je comprenne la portée des mots. Doigt d’honneur, est mon pain quotidien, dans le transport, dans la rue, une agression physique simulée en accident, un coup d’épaule d’un passant qui ne s’est pas excusé. » 

Des témoignages comme celui de cette femme de quarante ans, Nabila Aldjia Bouchala en entend trop souvent. Voilà des mois qu’elle anime des ateliers destinés à permettre aux femmes de combattre les pratiques discriminatoires dont elles sont victimes au quotidien. La chargée de projet, docteur en communication sociale et chargée de cours en sociologie à l’UQÀM fait partie de ces femmes déterminées à agir. « Je souhaite que le mot victime ne soit plus porté comme un vêtement de deuil, plutôt qu’il devienne un simple constat qui incite les femmes à la réflexion et les pousse à l’action. »

Au sein de La Maisonnée, organisme communautaire d’aide aux personnes immigrantes, madame Aldjia Bouchala amène d’abord les femmes à décrypter le modèle d’interaction sociale dans la société d’accueil tout en valorisant la socialisation et l’importance des relations à construire au Québec, avant de les conduire vers des questions spécifiques, liées notamment aux droits de la personne.

Les ateliers sont inclusifs et gratuits, ils invitent au débat, à l’échange, au partage d’expérience et à l’entraide entre participantes.

« Il n’existe pas meilleure arme de communication que l’entraide, c‘est un peu comme partager son sandwich avec une personne qui a faim, dit Nabila Aldjia Bouchala, un sourire aux lèvres. Cela fait autant de bien à l’un qu’à l’autre. Comprenez-moi bien, une centaine de femmes a participé à l’atelier Communiquer dans la société d’accueil, et chaque fois, j’entends la souffrance et l’incompréhension derrière le récit de leurs expériences. Ces femmes se sentent seules, mais ne savent pas comment aborder l’Autre, pourtant, elles ne demandent qu’à étendre leur réseau de contacts en dehors de leur communauté. »

Les participantes aux ateliers du projet – communication, justice et emploi, égalité en emploi, les droits de la personne, la participation citoyenne – évoquent les difficultés qu’elles rencontrent depuis leur installation à Montréal : les conflits avec les voisins peu adeptes des rires, pleurs et jeux des enfants en bas âge, l’incompréhension du système éducatif, les craintes liées à une possible intervention du département de la protection de la jeunesse (DPJ), la méconnaissance de la culture québécoise, les conflits professionnels dont l’origine est la méconnaissance de l’autre, la méconnaissance des lois du pays d’accueil.

De telles expériences négatives et traumatisantes nait le pouvoir d’identifier la difficulté avant qu’elle ne survienne et la possibilité de la désamorcer. « Immigrer est un parcours juché d’embûches, conclut Nabila Aldjia Bouchala, il faut constamment s’adapter au milieu dans lequel nous évoluons. Savoir que j’ai permis a de nombreuses femmes de sortir de leur isolement et de reprendre possession de leur vie, légitime les efforts consentis. »

Le prochain atelier « Communiquer dans la société d’accueil » aura lieu à La Maisonnée le 28 octobre, à 10 h.

Source :  Sophie Rodriguez. pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°10 , page 2, Octobre 2021

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