Observé comme l’un des pays « locomotive » en matière de croissance économique, le Maroc jouit aujourd’hui d’un positionnement stratégique qui implore une acclimatation perpétuelle aux changements, une circonspection des opportunités et une protection de son capital informationnel grâce à des procédés modernes de sécurité économique.

Dans ce contexte, les institutions publiques marocaines s’accordent de plus en plus de dispositifs d’intelligence économique; en effet c’est la compétitivité du pays qui est en jeu et une meilleure stratégie d’intelligence économique peut être une substance réfléchie de différentiation lorsqu’il s’agit de se placer en pole position sur la sphère régionale et internationale. Ainsi, le rôle de l’Etat est fondamental dans l’encouragement d’initiatives volontaristes de développement d’une concrète politique publique d’intelligence économique au service du rayonnement du pays en Afrique et dans le monde.

Le Maroc s’est inscrit dans une politique d’ouverture au vu des convenances exigées par la globalisation, il s’est également engagé dans des stratégies sectorielles très variées et compte par-là rayonner dans le continent africain et dans le monde. Ce projet d’influence exige du Royaume de mettre en place des dispositifs de surveillance permettant de fournir des informations pertinentes, d’être attentif aux opportunités d’affaires, de scruter la concurrence et de contrecarrer les menaces en maitrisant de ce nouvel or noir immatériel qu’est l’information économique pour des usages fondamentalement stratégiques.

Un concept historiquement flou 

L’intelligence économique peut être définie comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques.

L’intelligence économique reste néanmoins un concept encore mal connu malgré des tentatives de communication et de sensibilisation. Les grandes entreprises l’utilisent pour la plupart en tant qu’arme stratégique offensive et défensive, mais cette notion en est encore qu’à ses prémisses. On peut l’appréhender comme étant l’organisation innovante, mutualisée et en réseaux de l’ensemble des informations et des connaissances utiles au développement, à la compétitivité, à l’attractivité du pays, collectivement et pour chacun de ses acteurs. La nécessité de faire appel à l’intelligence économiquen provient des mutations économiques auxquelles nous faisons face à savoir : l’internationalisation des facteurs de production, la prépondérance de l’économie sous forme de réseaux, l’entrée dans l’économie de la connaissance et l’utilisation permanente des NTIC qui embrouillent les stratégies.

L’idée d’intelligence économique est trop souvent assimilée à de la veille ou à la maîtrise d’informations, elle repose sur l’utilisation collective de certaines ressources et a pour objectif de renforcer les compétences d’un espace tout en anticipant les tendances en matière d’innovations afin de conserver un avantage concurrentiel. C’est donc une véritable arme de stratégie basée sur la prospective.

L’émergence d’une intelligence économique 

Le Maroc est la porte de l’Afrique, tout en étant très proche de l’Europe ; c’est dans une optique de compétitivité internationale que l’intelligence économique a fait son apparition au Maroc dans les années quatre-vingt-dix. Au fur et à mesure que l’économie marocaine évoluait vers une concurrence véritable, l’intelligence économique va gagner en importance.

L’intelligence économique offre une lecture du monde. Ainsi, chacun peut constater les conséquences directes de la mondialisation :

? l’interdépendance croissante des États ;

? les influences croisées des États et des entreprises ;

? le surgissement et la montée en puissance de nouveaux acteurs dans les champs économique et politique : organisations intergouvernementales (OIG), organisations non gouvernementales (ONG), organisations criminelles parfois constituées en « États » ;

? la constitution de blocs régionaux ;

? l’internationalisation de certains acteurs traditionnels (groupements professionnels, consommateurs).

Certains de ces acteurs ont été créés à l’initiative de la plupart des gouvernements de la planète ; d’autres ne représentent l’intérêt que  de quelques-uns. Leurs buts sont identiques : le pouvoir – au moins l’influence – et le profit. La taille de ces acteurs ne compte pas plus que leur localisation géographique. Grâce au pouvoir égalisateur des technologies de l’information, leur visibilité est la même comme l’est leur accès à l’opinion mondiale virtuelle.

L’intelligence économique est affaire de l’Etat, des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens

De nombreuses décisions concernant notre vie quotidienne ne relèvent plus de la puissance publique nationale. Le rôle des États s’est affaibli au sein des espaces géographiques nationaux – décentralisation, constitution de blocs politico-économiques supranationaux ; la souveraineté des États est en partie portée désormais par des technologies-clefs issues des entreprises. Ainsi, il appartient aujourd’hui aux agents de l’État comme à ceux des collectivités territoriales de promouvoir les intérêts politiques, économiques, sociaux, scientifiques et culturels des communautés nationales dans ces nouveaux espaces où les luttes d’influence sont permanentes entre partenaires-compétiteurs.

L’intelligence économique permettra, à partir de l’information, d’optimiser chacun des segments de la chaîne de la valeur. Ainsi, quelle que soit sa responsabilité hiérarchique ou fonctionnelle, le salarié, le cadre ou le dirigeant est directement concerné par la mise en œuvre d’une politique d’intelligence économique.

A titre d’exemple, lorsque c’est possible, expliquer aux salariés la stratégie de l’entreprise et rechercher leur adhésion (information, formation, consultation, négociation) contribue également à une bonne intelligence économique et s’inscrit pleinement dans la responsabilité sociale de l’entreprise. Au sein des PME, l’application de l’intelligence économique peine à trouver place en raison des quantités limitées en capacités financières et humaines.

L’intelligence économique est une véritable politique publique

D’abord, le sentiment d’appartenance ou non à une communauté de destin plus étendu qu’un quartier, un clan, une ethnie, une religion, un statut, un parti politique ou une sensibilité philosophique. Pas d’intelligence économique collective sans solidarité personnelle avec la communauté nationale.

Ensuite, notre comportement quotidien et notre manière de consommer, de nous comporter vis-à-vis des équipements et des services publics, de nous impliquer dans la vie de l’entreprise, se former, partager l’information, mener une activité syndicale soucieuse de l’intérêt général –, affaiblissent ou renforcent notre compétitivité collective.

Enfin dans nos choix sociaux et politiques : Privilégier collectivement la satisfaction immédiate du maintien des privilèges acquis, refuser de voir que le monde a changé et va encore changer, ne pas en débattre, ce serait condamner notre communauté nationale à l’isolement et au déclin.

L’intelligence économique ne peut être réduite à cela : elle doit devenir une véritable politique publique, à l’instar des politiques d’environnement, de santé et de fiscalité.

Les contraintes de l’intelligence économique au Maroc

Deux freins majeurs s’opposent encore à une large diffusion de la pratique de l’intelligence économique: D’une part, les deux fonctions « informatives » clairement identifiées par les entreprises – la protection de leur patrimoine industriel et la veille technologique – attestent d’une conception partielle de l’intelligence économique. D’autre part, l’ensemble des acteurs nationaux n’ont pas véritablement pris conscience que la compétitivité et la défense de l’emploi dépendent aussi de la gestion stratégique de l’information économique. Il en résulte une méconnaissance des mécanismes mis en œuvre par les systèmes productifs offensifs, une évaluation floue des menaces et souvent un grave déficit d’ajustement stratégique.

Il n’est pas toujours facile de trouver ce que l’on recherche même si cette information existe. Des questions importantes sont alors posées : il faut définir l’environnement pertinent, identifier les sources, détecter, analyser, diffuser l’information recueillie, organiser et formaliser. Ensuite quelle démarche adopter ? Quelles précautions prendre et quelle action entreprendre pour aboutir au résultat ?

Malgré le développement assez rapide de l’intelligence économique au Maroc, le secteur manque de maturité en matière de méthodologie. C’est dans une optique de performance due à la prolifération des accords de libres échanges, aux avantages économiques que le pays doit mieux négocier ou encore à la concurrence internationale à laquelle font face les produits et services marocains.

Les entrepreneurs nationaux ont bien compris les enjeux des prestations de ‘‘Veille’’ au Maroc. Certains investisseurs sont en train de mettre en place des structures importantes qui seront dédiées à ce type de prestations. La concurrence promet d’être dure. Les initiatives sont nombreuses et concernent des secteurs d’activité très variés mais risquent malgré tout d’être redondantes, alors que l’activité de veille est coûteuse en temps et nécessite des moyens matériels et humains conséquents. Il est, en effet, primordial de coordonner l’ensemble des actions entreprises au niveau national afin d’assurer l’efficacité du dispositif d’intelligence économique qui doit rester discret au-delà des effets de mode ou des besoins de communication.

Conclusion

Le positionnement stratégique du Maroc dans la sphère régionale et internationale requiert une adaptation permanente aux défis, il est nécessaire de rester à l’affût des opportunités et de préserver son patrimoine informationnel grâce aux dispositifs d’intelligence économique. Ainsi, le rôle de l’Etat est capital dans l’encouragement d’initiatives volontaristes de développement d’une réelle politique publique d’intelligence économique: Commerce international, formation, éducation, recherche et innovation, développement économique inclusif, développement durable, investissements, tous ces sujets sont devenus prioritaires pour notre pays. Pour cela, il faut définir l’environnement pertinent, identifier les ressources, détecter, analyser, diffuser l’information recueillie, organiser et formaliser les actions, protéger le savoir-faire et encourager l’intelligence collective. Ces activités représentent aujourd’hui le cœur même de notre intelligence économique.

Par Par Abdel-JalilZaidane,Tanger (Maroc) pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°11 , pages 12-13, Novembre 2021

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