Le risque de conflits, même armés,  autour  des ressources en eau existe et il s’exacerbe de plus en plus à cause des changements climatiques .

Selon l’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM), le stock d’eau douce sur notre planète baisse d’un centimètre par an et le nombre de sécheresses a augmenté d’environ 30% depuis le début de ce siècle. Résultat : plus de 2 milliards d’individus vivent déjà en pénurie d’eau (soit moins de 1000 m3/ habitant/ an) .

Et l’avenir n’est pas du tout reluisant car selon la même source, plus de 5 milliards d’individus en souffriraient d’ici 2050.

Un mélange explosif

La rareté physique de l’eau se manifeste dans des régions déjà connues pour leurs conflits souvent armés depuis des décennies si on se fie à la carte ci-dessous (dérivée d’AQUAMAPS; un outil en ligne du système global d’information de la FAO sur les ressources en eau et la gestion agricole) .

Cette carte fournit une représentation des niveaux de pénurie d’eau par grand bassin hydrologique, exprimés en termes de rapport entre l’eau d’irrigation consommée par les plantes par évapotranspiration et les ressources en eau douce renouvelables.

Selon la FAO, et contrairement aux cartes précédentes de pénurie d’eau, cette carte utilise la consommation d’eau plutôt que le prélèvement d’eau.

Les ressources en eau douce renouvelables ainsi que les besoins nets en eau d’irrigation dans les bassins hydrographiques sont calculés à l’aide d’un modèle de bilan hydrique, dont les inputs sont des données relatives au climat, aux sols et à l’agriculture irriguée .

La carte distingue trois classes de rareté hydrique : 1. Faible : • La rareté de l’eau dans les bassins hydrographiques où l’évapotranspiration due à l’irrigation est inférieure à 10 % du total des ressources en eau renouvelables  ; 2. Modérée : La rareté de l’eau dans les bassins fluviaux où l’évapotranspiration due à l’irrigation se situe entre 10 % et 20 % du total des ressources en eau renouvelables et 3. Élevée : La rareté de l’eau dans les bassins fluviaux où l’évapotranspiration due à l’irrigation représente plus de 20 % du total des ressources en eau renouvelables.

Dès le premier coup d’œil à cette carte, on remarque que les zones où la rareté de l’eau est élevée sont densément peuplées, ont en général un taux de croissance de la population élevé, sont négativement impactées par les changements climatiques et, quand ils se partagent un ou plusieurs bassins versants, ont déjà eu ou sont en voie d’avoir des conflits à cause du partage de l’eau.

Commençons par la partie gauche de cette carte

On y remarque que le sud-ouest américain se caractérise par une pénurie en eau marquée et qu’il se partage au moins un bassin versant avec le Canada… ce qui pourrait amener les américains à loucher sur les ressources hydriques canadiennes !

Gilles Vandal écrivit , dans ce contexte, (La Tribune du 27 février 2018) que le Canada et les États Unis, qui ne se sont plus faits la guerre depuis 1812, risquent de déterrer la hache de guerre à cause de cette denrée dont le Canada possède la première réserve mondiale et qui n’est autre que l’eau.

En effet selon ce professeur émérite à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, le sud-ouest américain est en train de vivre les pires sécheresses jamais vues depuis 500 ans, et ce, à tel point que cette région où vivent environ 90 millions d’habitants est devenue semi-désertique alors que sa population continue d’augmenter. Et M. Vandal de donner l’exemple de l’Arizona dont la population fut multiplié par 3,5 en l’espace de 50 ans.

Toujours selon le même auteur, la rareté de l’eau serait en train de devenir une crise humanitaire aux États Unis où les prix de l’eau ont augmenté de 40 % entre 2010 et 2015. Et si ces augmentations se poursuivent,  affirme le professeur Vandal, 35% de la population américaine serait actuellement incapable de payer ses factures d’eau.

Par ailleurs, dès 2001, le président Bush, proposa d’inclure l’eau dans les échanges canado-américains. Rappelons qu’il essuya un refus catégorique, comme ce fut le cas pour ses prédécesseurs entre 1980 et 1990, lors des négociations des accords ayant mené à l’ALENA. Mais comme tout le monde le sait, quand les américains ont une idée dans la tête, ils ne l’ont pas ailleurs. Ce sera juste une question de temps pour qu’ils reviennent à la charge.

L’axe de la soif

Il s’agit là du couloir allant de l’ouest de l’Afrique du Nord jusqu’en Chine; couloir où le manque d’eau pourrait s’exacerber  dans les années à venir à cause des bouleversements climatiques et démographiques et devenir la source de conflits majeurs impliquant plusieurs pays de l’Afrique et de l’Asie.

150 millions de Sahéliens ont déjà vu diminuer de 40% leurs ressources en eau depuis 2000″, selon Franck Galland, auteur de ‘’Guerre et eau’’. Set si la tendance se maintient, bon nombre de ces sahéliens vont se transformer en ‘’refugiés climatiques’’ sans ce statut internationalement reconnu et n’auront d’autre choix que de tenter leur chance vers l’Europe, via les pays de l’Afrique du Nord déjà éprouvés.

Plus loin au nord-est du continent africain, l’Égypte est déjà en conflit avec l’Éthiopie qui avait érigé un grand barrage sur le Nil Bleu, un affluant du Nil dont il constituerait 85% du volume.

La Syrie et la Turquie ne sont pas du reste et se disputent déjà les eaux des fleuves le Tigre et l’Euphrate, et ce,  en dépit d’un accord bilatéral de partage conclu en 1987 , accord qui n’est hélas pas respecté. Ceci dit, l’Irak s’invite au Party car lui aussi est ‘’baigné’’ pas ces 2 fleuves !

Plus loin, au bas de la péninsule arabique, 20 millions de yéménites n’ont plus accès à l’eau potable . Et la guerre qu’ils livrent à l’Arabie Saoudite n’est pas pour arranger leur sort; Une Arabie-Saoudite qui trône sur les plus grandes installations de désalinisation d’eau de mer du monde produisant pas moins de 7,3 millions de m3 d’eau douce par jour .  Et crève qui veut de soif et… de jalousie parmi les voisins !

L’axe de la soif aboutit en Extrême-Orient où s’affrontent deux puissances nucléaires (L’inde et la Chine)  et une sorte de va-nu-pieds (le Bangladesh) autour du fleuve Brahmapoutre.

L’avenir serait-il plus rose ?

Le rêve est permis. Mais sur le terrain de la réalité, les conflits autour de l’eau se multiplient, selon le centre de données World Water Conflict qui souligne que ces conflits (n’ayant été que 220 entre 2000 et 2010) sont passés à 466 en 2020.

Il serait peut-être pertinent d’insister sur le fait que là où il y a conflit, les belligérants, soit ils se partagent un ou des bassin(s) versant(s), soit leur pays est traversé par le ou les même (s) cours d’eau.

Des laissées pour compte provisoirement dans ce débat : Les nappes phréatiques pouvant se faire violer par des forages horizontaux en dessous des tracés des frontières internationalement reconnues, et ce, à l’instar de certaines nappes pétrolifères.

 En attendant de polémiquer tout autour de ces nappes phréatiques, certains pays devraient s’estimer heureux de n’avoir ni bassins versants importants , ni cours d’eau ni nappes phréatiques à partager avec leurs voisins.  Ce serait le cas du Maroc et de l’Algérie dont les relations sont aujourd’hui si tendues qu’un conflit de plus autour d’une simple goutte d’eau pourrait devenir un tsunami d’emm…

Par Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express, Vol. XX, N°01 , pages 2 et 3, JANVIER 2022

POUR LIRE L’ÉDITION DU MOIS DE JANVIER 2022, CLIQUER SUR L’IMAGE :

Maghreb Canada Express

By AEF