À travers cet article, nous cherchons à maintenir ouvert le débat sans pour autant imposer des ‘’solutions’’ toutes faites, mais plutôt poser les bonnes questions.

La notion du développement durable est encore ignorée, de sorte qu’on peut en dire ce que Saint Augustin disait à propos du temps : le développement durable, ‘‘je sais ce qu’il est, c’est tant qu’on ne me demande pas de l’expliquer, quand on me le demande, je ne le sais plus’’.

Le développement durable vise à « répondre aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs».

Pour y parvenir, il se fixe trois objectifs (ou piliers) :

· Satisfaire les besoins humains dans un souci d’équité, c’est le pilier social ;

· Préserver l’environnement, c’est le pilier écologique ;

· Maintenir la croissance économique, c’est le pilier économique.

Aussi, il s’est imposé comme le nouveau mot d’ordre entre un large spectre d’acteurs : Les Etats et leurs gouvernements, les organisations internationales, les entreprises, les ONG, les collectivités territoriales, etc….

Une abondante littérature lui a été consacrée pour en approfondir le contenu, en pointer les limites et/ou lui opposer d’autres voies.

Des constats qui mènent à nous demander si en concentrant sur les seuls piliers social, économique et environnemental, les promoteurs du développement durable n’avaient pas négligé d’autres piliers : culturel, politique…

C’est quoi la prospective du présent?

La prospective du présent n’est pas une discipline mais une méthode pragmatique destinée à aider l’action collective.

Si la prospective du présent se préoccupe du futur, elle projette le futur à partir du présent en faisant l’hypothèse que «  demain est déjà  là ».

En effet, converser de prospective, ça vient aussitôt à l’esprit l’idée du schémas accommodés par des experts ou autres futurologues pour illuminer la décision des décideurs, dirigeants de grandes entreprises ou gouvernants à partir d’application des tendances.

Les futurs souhaitables ne sont pas définis par les seuls experts, ils sont co-construits tout comme le diagnostic partagé sur le quel, ils s’appuient ; en croisant points de vue théorique et expériences concrètes.

Une approche novice du développement durable

A travers, cet aspect, la prospective du présent n’ambitionne pas survenir à un de dénominateur commun des intérêts particuliers, plutôt  elle  privilégie le consensus en permettant une confrontation des points de vue  pour faire évoluer les acteurs vers une vision commune. Elle vise aussi à créer les conditions d’une co-construction, par l’ensemble des acteurs concernés, d’un future souhaitable à partir de exhortations des initiatives et expériences du terrain allant dans le sens de chercher un développement durable partagé.

Considérant que, l’avenir reste encore ce qu’on voudra bien en faire, elle ne cherche pas à le « prédire  » ni à dégager des «  futurs possibles » mais à élaborer des «  futurs souhaitables », c’est-à-dire voulu collectivement et non simplement subis, sous prétexte qu’ils seraient inéluctables.

Originale, l’approche du développement durable par la prospective du présent l’est à un triple titre :

• Elle prend cette notion de développement au sérieux ;

• La prospective du présent formule de ses questionnements critiques, au point d’esquisser un «  développement désirable »  ou  de confronter le développement durable à des alternatives comme la décroissance durable.

• Aussi l’originalité vient du fait que la prospective du présent fait de l’angle spatial ou territorial l’angle privilégié pour examiner la possibilité d’un développement partagé entre les entreprises et les territoires.

La prise en compte de la dimension territoriale 

Une autre originalité de la prospective du présent dans une approche du développement durable réside dans la prise en compte de sa dimension spatiale/ territoriale, paradoxalement, cette dimension est le plus souvent escamotée au profit de la dimension temporelle.

En effet, peu de littérature sur le développement durable se focalise sur l’aspect temporel au détriment de l’aspect spatial, et lorsque la dimension territoriale est prise en compte, c’est en référence à une conception étroite du territoire y compris chez les spécialistes du développement local.

Mais, cette spatialisation du développement durable ne doit donc surtout pas se borner à une vision «  localiste », mais doit être fortement articulée aux échelles intermédiaires, régions et l’Etat national.

Aussi faut-il toujours éviter de trouver le risque de faire du territoire une sorte de bien réparateur des problèmes occasionnés par la mondialisation.

Un bilan lumineux qui ne concède pas à la résignation

L’évocation du développement durable renvoie naturellement à des inquiétudes concernant l’avenir de la planète et les générations futures, ne manquent pas d’alimenter des discours effrayants ou résignés.

La prospective du présent intègre cette vision mais tout en insistant sur l’existence de nouveaux champs possibles, une maîtrise générale ouvrant sur de profonds bouleversements des systèmes de gouvernance économiques.

Ce ressaisissement est réalisable en procédant à l’examen de pratiques novatrices qui pourraient être des signes éclaireurs d’une transformation des dynamiques actuelles.

Des repères prospectifs       inquiétants

Les préoccupations de l’évolution de la planète sont multiples :

Sur le plan démographique : la croissance de la population mondiale ne laisse pas sans tracas au regard de ses conséquences économiques, environnementales, sociales mais aussi politiques.

Sur le plan environnemental : Les atteintes vis à vis la biosphère, la déforestation, désertification, la pollution, l’émission de gaz à effet de serre, l’urbanisation rapide, la réduction des surfaces agricoles exploitables.

Sur le plan social : Avec un creusement des inégalités entre les pays et au sein des pays quant à l’accès aux ressources dans le contexte de mondialisation, un découplage entre bien-être et consommation s’imposent aujourd’hui plus que jamais.

Ainsi, le bien-être des sociétés dépend de leur capacité  à installer un équilibre avec l’environnement.

Des relations plus détendues entre les entreprises et les  territoires

Fort est de constater que les entreprises sont libérées de toute attache territoriale, et pour les relations entreprises territoires sont devenues plus lâches à cause de la révolution informationnelle, des grandes relocalisations des activités, la financiarisation de l’économie en recourant  à une maximisation des taux de rentabilité des capitaux et enfin l’étroitesse de l’attractivité des territoires.

 Les entreprises sont invitées à appréhender un ’autre modèle qui se base sur le fait de prendre en considération les investissements se rapportant au patrimoine collectif immatériel.

Conditions d’un développement territorial

e territoire est le milieu immédiat de concrétisation des actions prises entre l’espace et les différents acteurs territoriaux où le véritable travail  se fait dans le cadre d’une co-élaboration de solution et d’une œuvre territoriale conjointe.

 Les espaces évoqués exigent une mise en place de dispositifs originaux de démocratie participative permettant l’implication effective des acteurs concernés à commencer par les habitants eux-mêmes pour la co-construction.

Les exemples de co-construction entre entreprises et territoires escamotent un autre bémol  des difficulté pour instaurer un dialogue entre les entreprises et les autres acteurs du territoire. cette difficulté émane du fait d’une partition trop nette des rôles entre les instances politiques et économiques et d’un cloisonnement entre les acteurs.

En effet, la prise en compte des enjeux écologiques conduit d’une part à reconsidérer le rapport de l’économique et du social côté, et d’autre part à repenser l’action de l’homme et sa relation avec la nature.

Enfin La prospective du présent ne prétend pas apporter des solutions toutes faites ni des réponses définitives. Elle vise à l’opposé à formuler de bonnes questions pour ouvrir le champ des possibles, car un problème non posé n’aura pas de solution ou une solution technocratique qui trouvera rapidement ses limites.

Exemples inspirants de développement durable au Québec

Selon le Fonds de solidarité du Québec (FTQ), des acteurs ont fait preuve d’originalité en donnant une seconde vie à quelque chose de parfaitement fortuit tout en diminuant les répercussions de l’activité économique sur l’environnement.

¨ La transformation des déchets en carburant : Plutôt que de laisser les matières résiduelles non recyclables terminer leur vie au dépotoir, certaines entreprises ont inventé des procédés ingénieux pour les convertir en éthanol et en méthanol. En créant la plus grande serre de tomates au Québec, les Productions Horticoles Demers ont aussi misé sur le développement durable. L’infrastructure est installée près d’un des plus grands sites d’enfouissement de la province qui génère des biogaz. Ceux-ci servent de carburant pour alimenter des moteurs d’une centrale électrique érigée à Drummondville par les propriétaires du site. Ainsi, la chaleur dégagée par les moteurs est utilisée pour chauffer la serre. Demers n’a donc pas à utiliser des combustibles fossiles pour assurer la température ambiante nécessaire à la culture des tomates, ce qui lui permet d’éviter la production de près de 26 000 tonnes de gaz à effet de serre par année (…)

¨ La transformation de l’alcool en désinfectant : les Brasseurs du Nord – Bière Boréale ont plutôt décidé, en réponse à la crise de la COVID-19, d’envoyer leurs bières destinées aux bars et aux restaurants à des distilleries québécoises afin qu’elles transforment l’alcool en désinfectant.

¨ Fabriquer des vêtements avec du plastique : Les déchets en plastique sont parmi les plus néfastes pour l’environnement. Le plastique ayant des propriétés très résistantes, il met plus de 400 ans à se dégrader. Les chercheurs ont toutefois réussi à mettre au point des techniques permettant de transformer des bouteilles de plastique et des filets de pêche en matière textile utile dans la confection de vêtements sportifs ou isolants. Ce matériel, reconnu pour être durable et respirant, fait son chemin auprès des manufacturiers de vêtements. La tendance au développement durable touche aussi le secteur de la confection d’accessoires. Par exemple, chez New Look, au Québec, vous pouvez vous procurer des montures de lunettes fabriquées à partir de plastique puisé dans l’océan (…)

¨ Maximiser l’utilisation des toits urbains : des projets de culture sur les toits de supermarchés et d’immeubles de bureaux ont ainsi été réalisés, de même que l’installation de ruches qui favorisent la pollinisation des arbres et des végétaux à proximité. Certaines villes poussent même l’audace jusqu’à entamer des projets d’écopâturage en amenant des moutons dans des parcs. Autant de façons de favoriser la biodiversité en faisant une place plus grande aux plantes, aux insectes et aux animaux.

Par Abdel-Jalil Zaidane,Tanger (Maroc) pour Maghreb Canada Express, Vol. XX, N°05 , pages 14 et 15, MOIS DE MAI 2022 .

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