En 1960, le séisme  d’Agadir au Maroc a fait entre 12000 à 15000 morts, soit plus du tiers de la population de la ville à cette époque, et environ 25000 blessés.

C’est le séisme le plus destructeur et le plus meurtrier de l’histoire moderne du Maroc quoique sa force fut plutôt modérée (magnitude de moins de 6 sur l’échelle de Richter ) .

L’ampleur des dégâts s’expliquerait par le fait que l’épicentre de la secousse était situé en dessous de la ville d’une part,  et d’autre part, par la faible résistance des constructions anciennes.

La ville semblait pourtant avoir été à l’abri des séismes dans le passé. Or suite à des recherches historiques force est de constater que la ville, connue à l’époque sous le nom de Santa Cruz do Cabo de Aguer, avait déjà été détruite par un tremblement de terre en 1731; ce qui expliquait a posteriori la date de 1746 gravée sur le fronton de la porte de l’ancienne kasbah.

Vendredi 8 septembre, à 23h11 heure locale, dans la multitude de villages qui émaillent les montagnes du Haut-Atlas, au Maroc, des milliers de personnes étaient sur le point d’aller se coucher tandis que d’autres dormaient déjà à poings fermés. À 80 kilomètres de là, dans la trépidante Marrakech, des centaines de milliers d’autres personnes s’apprêtaient à faire de même. Quelques secondes plus tard, une secousse de magnitude 6,8 sur l’échelle de Richter s’est produite quelque part dans les montagnes, près du village Ighil. La région dans son entièreté s’est mise à trembler violemment; on a même ressenti des vibrations résiduelles jusqu’à Lisbonne.

Sur une vaste partie du territoire marocain, d’innombrables maisons et édifices se sont effondrés.

À Marrakech, les dégâts sont importants, mais la majeure partie de la ville demeure debout. Ce qui n’est pas le cas de nombreux villages de la région qui, pour certains, ont été complètement anéantis. On dénombre à présent environ 3000 morts, un bilan qui pourrait encore s’aggraver .

La magnitude élevée du séisme a sans aucun doute contribué à l’ampleur des dégâts. Mais de multiples facteurs ont conduit à la désolation : le fait qu’il se soit produit de nuit, à un moment où beaucoup de personnes étaient dans l’incapacité de réagir au monde qui se convulse autour d’elles, ou que bon nombre des bâtiments de la région n’ont pas été conçus pour résister à un tremblement de terre aussi puissant.

Malheureusement nous ne pouvons prévoir l’arrivée d’un séisme , et je suis agréablement surpris de la solidarité des français en vers le Maroc. Ça fait chaud au cœur de voir toutes ces associations françaises mobilisées pour aider les Marocains: Secours populaire, Secours islamique France, Fondation de France… les ONG ont d’ores et déjà reçu plusieurs millions d’euros. Leurs représentants expliquent comment ceux-ci seront utilisés pour aider la population marocaine sinistrée.

« On sent une grande émotion et une énorme générosité après ce tremblement de terre, confirme le directeur général du Secours populaire, Thierry Robert. Il y a beaucoup de liens entre les Français et le Maroc, certains ont des origines marocaines, et l’ampleur de la catastrophe marque les esprits

Pourquoi alors le Maroc refuse l’aide de l’État Français ?

Pour les ONG, cette non-réponse a plusieurs raisons. Pour un pays, lancer ce type d’appel signifie qu’il n’est pas capable de gérer une telle catastrophe. Ensuite, c’est accepter une certaine ingérence des étrangers. D’autres associations expliquent que le Maroc pourrait aussi prendre son temps pour identifier les besoins afin de permettre une bonne coordination des secours. Le but est de gérer la situation au mieux, sans semer la confusion.

De plus, l’absence de réponse de la part du Roi du Maroc pousse à penser qu’il y a un problème entre Mohammed VI et Emmanuel Macron. En effet, les rapports entre la France et le Maroc se sont dégradées ces derniers temps et ont dérivé sur une crise diplomatique. Le Maroc n’a plus d’ambassadeur à Paris depuis janvier dernier.

Pourquoi ? Parmi les explications avancées, la souveraineté du Maroc sur le Sahara; cette ancienne colonie espagnole : Rabat revendique sa souveraineté, tandis que Paris ménage l’Algérie qui soutient le polisario (qu’elle arme contre le Maroc NDLR) et avec laquelle la France tente aussi de renouer les liens. En raison de cette situation, le déploiement de la France au Maroc est pour le moment en suspens.

Autre explication avancée : les restrictions dans l’octroi de visas aux Marocains. Si celles-ci ont été levées en décembre dernier, elles ont cependant contribué à la détérioration des relations entre les pays. Ainsi, depuis des mois, et comme nous l’avions déjà souligné, il n’y a plus d’ambassadeur du Maroc en France.

Pour François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et les actions humanitaires, ce refus peut également être interprété comme un désir du Maroc de se détacher de son passé colonial.

En entrevue à l’émission Zone info, Kerlande Mibel (fondatrice et présidente-directrice générale du Forum économique international des Noirs) reconnaît que cette décision de Rabat peut avoir l’air contre-intuitive, mais précise que ce n’est pas nécessairement une mauvaise idée.

Elle rappelle le tremblement de terre en Haïti en 2010, où les secours humanitaires internationaux avaient immédiatement été dépêchés sur place. [Mais] il n’y avait pas de capacité ni de logistique à coordonner. C’est mieux que le pays décide de cette coordination et comment il veut accueillir cette aide, affirme Mme Mibel.

Il n y a eu aucun refus marocain de recevoir de l’aide international

Toujours à Zone info, le journaliste marocain Abdellah Tourabi souligne qu’il n’y a eu aucun refus, de la part du Maroc, de recevoir de l’aide internationale. [Le séisme a eu lieu] dans une zone assez difficile d’accès. Ça ne sert à rien d’avoir une armée [d’humanitaires] sur place quand ils ne peuvent même pas accéder aux zones sinistrées.

Avec un bilan provisoire qui s’élève à 2800 morts et 2500 blessés, M. Audet, qui est également professeur titulaire à l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’Université du Québec à Montréal, évoque une pression croissante des besoins de la population.

En attendant, le président Emmanuel Macron a déclaré que la France est prête à intervenir à la seconde où les autorités marocaines le demanderaient.

Le Maroc a réussi à reconstruire Agadir après le sinistre de 1960, il s’en sortira cette fois aussi avec ou sans l’aide de le France.

Gad Elmaleh, qui s’est récemment engagé pour les habitants sinistrés, a tenu à faire passer un message à ce sujet. « Je pense qu’on devrait plus s’inspirer de la solidarité marocaine que de recevoir des leçons sur comment vivre. Je ne suis pas en colère, mais je crois que l’heure n’est pas au débat. Et j’entends beaucoup de commentaires sur comment le Maroc devrait se comporter« , a déploré l’humoriste en préambule. Et d’ajouter : « J’invite les gens à se mobiliser et donner et s’éloigner de ces polémiques qui sont fondées sur l’ego, de l’orgueil et de la diplomatie. »

« Moi ma mission, en tant que Marocain, en tant qu’artiste et en tant qu’humain, c’est d’aider le Maroc à se reconstruire. Il souffre et il est en détresse. »

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, Vol. XXI, N°10, Page 02, Édition du mois d’Octobre 2023.

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