L’Algérie a récemment annoncé unilatéralement ‘’la mort clinique Union du Maghreb Arabe (UMA)’’ et a proposé la création d’une nouvelle union , à la place, excluant le Maroc. A ces tentatives de la division de l’espace maghrébin, s’ajoutent les menaces de soutien de la naissance d’une république rifaine au Maroc et la création d’une république kabyle, par le MAK, en Algérie.
Nouvelle brouille entre l’Algérie et le Maroc à cause d’un maillot floqué de la carte intégrale du royaume chérifien que devait porter le club de la Renaissance Sportive de Berkane contre l’USM Alger pour le compte de la demi-finale de la Coupe de la Confédération.
Une affaire qui ravive les tensions entre les deux pays voisins sur fond de branle-bas diplomatique instigué par le pouvoir d’Alger qui ambitionne de sceller une nouvelle alliance maghrébine excluant le Maroc. Cette opération a été lancée en marge du 7è sommet des chefs d’État et de gouvernement du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) organisé à Alger du 29 février au 2 mars 2024.
En marge de ce conclave, Abdelmadjid Tebboune avait convié les présidents tunisien et libyen à une rencontre tripartite pour lancer la création d’un groupement régional qui supplanterait l’UMA. Le président mauritanien, présent à Alger, a refusé de participer à cette mascarade et quitté les lieux pour rentrer chez lui. Pour Nouakchott, il n’est pas question de créer une nouvelle entité régionale sans le Maroc.
La Libye qui y a participé via le président de son Conseil présidentiel, qui a envoyé un représentant muni d’une lettre adressée au Roi Mohammed VI, a rejeté en bloc toute velléité visant la création d’un cadre alternatif qui se substituerait à l’UMA.
La déclaration finale de la réunion des trois présidents, Kais Saied, Abdelmadjid Tebboune et Mohammed Al Menfi affirme que l’Algérie, la Tunisie et la Libye sont confrontées à des défis sécuritaires importants et des changements dans la région. Les trois pays ont convenu de « former des équipes de travail chargées de coordonner les efforts pour protéger la sécurité des frontières communes contre les dangers et les conséquences de la migration irrégulière, ainsi que d’autres manifestations de la criminalité organisée, selon une approche participative ».
La déclaration ne fait pas référence, même implicitement, aux deux autres membres de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), le Maroc et la Mauritanie, absents à la rencontre.
Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois qu’Alger se lance dans semblables manigances: En 1983 déjà il avait conclu le « traité de fraternité et de concorde » avec la Tunisie de Bourguiba et la Mauritanie du colonel Mohamed Khouna Ould Haidallah.
Le président Tebboune a justifié la volonté de son régime de garder le Maroc à l’extérieur de cette entité par le fait que celui-ci a choisi d’autres voies de coopération sans consulter les pays de la région, comme sa demande d’adhésion au groupe économique de l’Afrique de l’Ouest.
Tentatives de division
A ces tentatives avérées de division de l’espace maghrébin par l’Algérie s’ajoute la tentative de ce même pays menaçant son voisin , le Maroc, d’ y soutenir la naissance d’une république rifaine. Amar Belani, ex ‘’envoyé spécial chargé de la question du Sahara occidental et des pays du Maghreb’’, a ouvertement souhaité à la tribune de l’ONU l’avènement d’une République libre au Rif. Ce diplomate ripostait au délégué du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, lors d’une réunion du Comité spécial des Nations unies sur la décolonisation.
Pour le Maroc, il y a maintenant le risque supplémentaire que l’Algérie soutienne non seulement le Polisario mais aussi le mouvement indépendantiste rifain.
Pour narguer son homologue algérien, qui plaidait la cause sahraouie, Hilale avait à nouveau appelé à la reconnaissance de l’autonomie de la Kabylie. Pour rappel, en juillet 2021, ce diplomate avait, une première fois, provoqué l’ire de l’Algérie en estimant que «la Kabylie en Algérie méritait plus que tout autre de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination».
Le pouvoir d’Alger qui rejette toute discussion autour de ce projet d’indépendance de la Kabylie, prôné par le Mouvement pour l’autodétermination en Kabylie (MAK) est allé jusqu’à classer ce mouvement comme «organisation terroriste» depuis mai 2021 et dont de nombreux militants sont toujours emprisonnés.
Amar Belani n’est pas allé par le dos de la cuillère pour rendre un vibrant hommage aux militants indépendantistes du Rif marocain et à son chef historique, Abdelkrim el-Khattabi, fondateur d’une éphémère République dans le nord du Maroc, au début des années 1920; alors que le Maroc était divisé en deux par les colonialismes espagnol et français (NDLR).
«Ces vaillants fils du peuple du Rif, qui vivent sous la botte d’un État voyou policier, rêvent d’une vie digne et décente et nourrissent l’espoir ardent de pouvoir, un jour, s’autodéterminer dans le prolongement de la légendaire République du Rif», avait déclaré Bellani.
L’Algérie qui s’est montré favorable à la proclamation de la république du rif au Maroc a même accepté l’ouverture d’une représentation sur son sol en guise de réponse claire à Rabat, accusé par Alger de soutenir les indépendantistes kabyles.
En parlant de ce mouvement, le MAK a officiellement proclamé, le 20 avril 2024, l’indépendance de l’Etat Kabyle depuis New York devant l’ONU, un «défi lancé pour l’histoire», selon les militants kabyles. «Considérant l’illégalité de l’annexion de la Kabylie à l’Algérie française, qui n’est attestée par aucun acte de reddition ou de capitulation de la Kabylie, ni en 1857, ni en 1871. Considérant la guerre de libération de la Kabylie contre l’Algérie, menée de 1963 à 1965, et qui n’a donné lieu à aucun acte de capitulation ou de reddition de la Kabylie. Considérant la naissance du gouvernement provisoire kabyle le 1er juin 2010 et du journal officiel de l’Anavad. Considérant l’adoption consensuelle de l’hymne national kabyle. Considérant l’adoption de la constitution kabyle accueillie avec fierté par le peuple kabyle et la mise en circulation de la carte d’identité kabyle (…), je proclame, au nom du peuple kabyle, la renaissance pour l’éternité de l’État kabyle sur la scène nationale et internationale», a clamé Mehenni dans une déclaration solennelle.
« Je le dis et je le répète: quelle que soit la répression, la question kabyle ne se résoudra ni par la prison ni par l’armée algérienne», a-t-il complété.
Et en surfant sur les minorités- Rifains, Kabyles, Sahraouis- l’Algérie et (ou) le Maroc ne font qu’attiser les tensions.
Ya t-il des risques de dérapages ?
Dans une tribune, Paolo De Mas, un expert du Maroc et ancien directeur de l’Institut néerlandais au Maroc (Nimar) considère qu’il est peu probable que le soutien aux mouvements indépendantistes puisse provoquer une escalade entre l’Algérie et le Maroc. « De la propagande de pure forme », dit-il maintenant. Mais, nuance-t-il également, « une aide financière réelle aux mouvements séparatistes pourrait bien provoquer une nouvelle escalade ».
Par Mbarek El Azzaoui pour Maghreb Canada Express, Vol. XXII, N°03, Page 03, MAI 2024