Par Said Charchira (Düsseldorf, Allemagne)
Beaucoup d’analystes ont interprété la visite du président mauritanien au Maroc et sa rencontre avec le Souverain Marocain comme un signe de rapprochement entre les deux pays. Certains ont interprété cette visite comme une préparation de la Mauritanie à reconnaître la Marocanité du Sahara. D’autres disent qu’il s’agit de la participation de la Mauritanie au projet royal « l’initiative Atlantique ». La ligne maritime Agadir- Dakar est également citée.
Mais, vu le contexte mondial qui se caractérise par l’arrivée, le 20 janvier prochain, de Donald Trump à la Maison Blanche, lequel est connu pour sa position concernant le dossier du Sahara Marocain, cette visite rentre dans le sillage de la préparation de faire face à cette nouvelle donne. D’autant plus qu’avant son arrivée au Bureau ovale, Trump a déjà nommé Marco Rubio au poste de secrétaire d’État. Cet influent sénateur républicain de Floride est connu pour ses positions anti-Chine, mais aussi anti-Algerie.
Il a choisi également son ancien chef de renseignement, Richard Grenell comme son envoyé spécial. Un poste où il devrait aider la prochaine administration Trump à relever certains des défis de politique étrangère les plus difficiles. Richard Grenell est aussi connu pour ses liens avec le Maroc.
C’est aussi dans ce cadre que la diplomatie marocaine, qui a déjà remporté plusieurs succès avec plus de cent pays qui ont reconnus la marocanité du Sahara et plus d’une trentaine de pays qui ont ouvert des consulats à Laayoune et à Dakhla, s’active pour clôturer cette question fabriquée. La dotation des FAR de matériel militaire americain moderne, dont les missiles de croisière à moyenne et longue portée et des négociations entre le Maroc et l’Espagne pour le transfert du contrôle de l’espace aérien du Sahara au Maroc sont une autre source d’inquiétude pour le régime Algérien.
Face à ces évolutions, le régime algérien se trouve en crise avec la plupart de sa jeunesse qui n’a plus confiance dans les dirigeants du pays. Il est aussi probable, selon plusieurs sources, que le régime algérien va certainement connaître le retour du Hirak, qui a fait tomber l’ancien président Bouteflika. En fait, le régime se trouve déjà face à une éventualité très plausible de la résolution définitive du dossier du « Sahara marocain ». Cet état de choses génère des préoccupations et plusieurs questions. Parmi les préoccupations des dirigeants algériens, figurent les réactions de leur opinion publique face à la clôture de ce dossier et à l’abandon éventuel des séparatistes du Polisario.
En effet, comment expliquer au peuple algérien l’abandon des séparatistes qu’ils ont eux-mêmes créés et pour lesquels ils ont dépensé des milliards de Dollars uniquement pour empêcher le Maroc d’achever son intégrité territoriale. Comment expliquer que ni le peuple, ni le pays n’ont tiré aucun bénéfice d´un demi-siècle de soutien aux séparatistes. Comment faire évacuer pacifiquement ces milliers de milices armées de Tindouf, etc. Pour toutes ces préoccupations et ces questions, il est certain que les autorités algériennes sont en train de chercher une issue.
La visite du président Teboune en Mauritanie le 9 décembre 2024 se situe dans ce cadre même si le site d’information algérien El-djazair El-djadida (l’Algérie nouvelle) parle « du renforcement de l’axe maghrébin récemment établi. Il est évident que cela n’est qu’un prétexte, car on sait que depuis le président Benjdid, il y a plus de trois décennies, aucun président algérien n’a visité la Mauritanie. C’est pourquoi cette visite suscite des questions.
D’autant plus que neuf (9) jours seulement après cette visite, le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani entreprend une visite au Maroc. Selon l’agence de presse mauritanienne, il s’agit d’une « visite privée ». Or, après avoir visité sa femme opérée avec succès dans un hôpital marocain, le président mauritanien a été reçu le 20 décembre 2024 par le souverain marocain; Une réception qui a l’air d’une visite d’État, communiqué du Cabinet royal oblige !
Par conséquent, sans parler d’une éventuelle reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Iran, plus ou moins allié d’une Algérie de plus en plus isolée sur la scène arabe et africaine, il semblerait que l’intensité de ces visites au plus haut niveau se situent dans le cadre d´une possible clôture définitive du dossier du Sahara Marocain. En effet, vu l’intensité de la diplomatie marocaine pour mettre fin à ce dossier fabriqué, il est probable que le président mauritanien, qui veut jouer le rôle de médiateur dans ce dossier, soit porteur d’un message du président algérien pour le Souverain marocain.
En effet, une réconciliation avec le Maroc et une ouverture des frontières entre les deux pays pourraient être utilisées comme arguments, voire comme alibi pour justifier un possible abandon des séparatistes. Cela légitimerait aussi en quelques sortes cet abandon. Cependant, dans un tel scenario, la grande question qui se pose est de savoir: quel sera le sort des populations séquestrées de Tindouf et surtout des milices du Polisario ? Si les Sahraouis séquestrés peuvent regagner leur pays, le Maroc, sous certaines conditions, qu’en est-il des milices armées du Polisario et des autres »réfugiés » venus d’autres pays du Sahel? Ce serait à l’Algérie de trouver une issue surtout à ces milices armées pour qu’elles n’aillent pas grossir les rangs des groupes jihadistes du Sahel.