La laïcité signifie que dans la société nous sommes définis par notre citoyenneté, et en aucun cas par notre religion. On n’a pas besoin d’avoir la tête à Papineau pour constater et surtout observer que nous vivons actuellement une période de pré-maccarthysme, basée sur un suivisme flagrant.

Le suivisme est l’attitude ou la tendance qui consiste à adopter de manière systématique les comportements, les mœurs, les idées du milieu ou du groupe auquel on appartient, sans faire appel à l’esprit critique, sans prendre d’initiatives et souvent sans comprendre le sujet et les enjeux. Il peut aussi s’employer à l’égard d’une autorité. Ce terme est le plus souvent employé avec une connotation négative pour souligner une docilité moutonnière.

La dernière terminologie qui a fait son apparition dans les réseaux sociaux, les médias, les discussions pré et post-électorales et celles de dimanche, est ‘’la laïcité’’, qui a donné l’élan à un mouvement de suivisme aveugle qui n’a rien à envier à celui reproché aux ‘’suiveurs religieux’’.

Le mot ‘’laïcité’’ est devenu le sujet d’actualité et l’ingrédient magique à mettre à toutes les sauces pour relever et sauver le goût de notre plat de résistance.

Comme je l’avais écrit, il y a 3 ans déjà; si Ia critique de Ia religion en général n’est en rien condamnable, viser systématiquement I‘isIam devient pour le moins troublant. Certes, cette démarche rhétorique et idéologique est censée frapper Ia religion en tant que telle, non les musulmans… Reste que derrière cette argutie formelle, ou fiction juridique, nul ne saurait ignorer Ia cible réelle de ce genre de postures.

La laïcité repose sur trois principes et valeurs : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.

La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Elle suppose la séparation de l’État et des organisations religieuses. L’ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’État, qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte, ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses.

On veut la circonscrire au port des signes religieux, on veut interdire à l’enseignante de porter un hidjab, alors qu’au Québec et au Canada, l’État continue d’accorder à toutes les religions les mêmes exemptions fiscales, de financer à même les fonds publics toutes les écoles privées confessionnelles et d’accorder aux religions le droit de remplir les registres civils de mariage. La laïcité pour sa part commande plutôt de n’accorder aucune faveur à aucune religion en les considérant sur le même pied que n’importe quel autre système idéologique.

« La laïcité est une valeur essentielle, avec ce souci de la liberté de conscience et de l’égalité de tous les hommes, qu’ils soient croyants, athées ou agnostiques. L’idéal laïc n’est pas un idéal négatif de ressentiment contre la religion. C’est le plus grand contresens que l’on puisse faire sur la laïcité que d’y voir une sorte d’hostilité de principe à la religion. Mais c’est un idéal positif d’affirmation de la liberté de conscience, de l’égalité des croyants et des athées et de l’idée que la loi républicaine doit viser le bien commun et non pas l’intérêt particulier. C’est ce qu’on appelle le principe de neutralité de la sphère publique. » Écrivait le philosophe français Henri Pena-Ruiz, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris.

Catherine Kintzler, Professeur émérite de philosophie à l’université Charles de Gaulle Lille-III, écrit dans son livre ‘’la laïcité en péril ?’’; les modes d’organisation de la laïcité portent principalement sur, et s’apprécient par, la notion de liberté des cultes, de sorte que l’un et l’autre réalisent ou tendent à réaliser, chacun à sa manière, un système de trois propositions :

  • Personne n’est tenu d’avoir une religion plutôt qu’une autre.
  • Personne n’est tenu d’avoir une religion plutôt qu’aucune.
  • Personne n’est tenu de n’avoir aucune religion.

Des questions persistent et restent sans réponses, quant à l’application réelle d’une vraie laïcité au Québec et au Canada, alors que :

  • La reine Élizabeth II, est chef de l’État Canadien, donc du Québec, représentée par son gouverneur-général et son lieutenant, et aussi « défenseur de la foi » et chef de l’église anglicane.
  • Le crucifix dans le salon bleu de l’assemblée nationale du Québec, un symbole religieux, installé par le premier ministre M. Maurice Duplessis en 1936 au-dessus du fauteuil de l’orateur de l’Assemblée législative et correspond au désir du gouvernement d’effectuer un virage dans les relations entre l’Église et l’État québécois.
  • Au Québec et au Canada, l’État continue d’accorder à toutes les religions les mêmes exemptions fiscales, de financer à même les fonds publics toutes les écoles privées confessionnelles et d’accorder aux religions le droit de remplir les registres civils de mariage.
  • Qu’advient-il des personnes en autorité qui portent des signes religieux dans les institutions de compétence fédérale : ex. un juge à la cour suprême qui porte une kippa ou une juge qui porte un hidjab ?, alors que la loi sur la laïcité aura une juridiction provinciale.

Ce sont quelques points qui constitueront certainement des contradictions et de la discordance avec l’esprit même de la laïcité.

La Révolution tranquille a transformé le Québec en terre de la laïcité. La province s’est ‘’laïcisée’’ à une vitesse vertigineuse dans les années 60, la religion catholique a perdu son influence qui était jadis le maître à penser de la société québécoise, et ce, avec la déconfessionnalisation des écoles. Si l’évocation de ce principe reste très puissante au plan idéologique, sa portée juridique est incertaine.

Il y a aussi la notion de la neutralité confessionnelle de l’État, qui se traduit par le traitement égal des différents cultes.

Neutralité et laïcité ne sont pas identiques et donnent lieu à des pratiques de gestion différentes du religieux de la part de l’État. La neutralité est donc l’une des composantes de la laïcité. En dehors du champ de la laïcité, la neutralité religieuse est orpheline et sans grande portée. L’État québécois a choisi la voie de la neutralité religieuse et a mis la laïcité sur le banc des remplaçants.

La seule neutralité religieuse, en dehors de la laïcité, est faible et inutile, car il manque 3 ingrédients essentiels à la recette, et qui feront la force d’un état laïc, à savoir :

  • Égalité des personnes (ex: le principe de l’égalité homme/femme)
  • Liberté de conscience;
  • Séparation des religions et de l’État.

Donc le débat continue, en attendant la fin de la période de gestation et l’accouchement par les politiciens et les législateurs, certainement par césarienne et sans péridurale, d’un petit bébé  »laïc » qui fera le bohneur de toute la famille.

On est laïc ou on l’est pas, on ne veut pas d’un État laïc à 25% ou à temps partiel. La laïcité est comme la grossesse, ou on est enceinte ou on l’est pas !.

Mais je vous parie que le sujet, sera mis en hibernation planifiée par les stratèges, dans le grand-nord, avec les quelques ours polaires qui ont survécu au réchauffement de la planète, et sera extrait de son état d’hypothermie régulée lors des prochaines élections fédérales ou provinciales.

Par Nasser Bensefia, pour Maghreb Canada Express,, page 15, Vol. XVI, N° 10, Octobre-Novembre 2018.

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