L’année dernière, des centaines de milliers de personnes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, y compris le Maroc, ont été confrontées à la plus grande pénurie d’eau depuis des décennies. Plus de 60% de la population de cette région est concentrée dans des zones affectées par un stress hydrique superficiel élevé ce qui signifie que les ressources en eau sont fortement exploitées et non durables.

Plusieurs facteurs ont contribué à la situation actuelle, notamment le changement climatique, la désertification, la pollution de l’eau et la mauvaise utilisation des ressources naturelles. L’information, l’éducation et la communication inadéquates exacerbent ces problèmes, car cela renforce un manque de sensibilisation – ou beaucoup moins d’engagement – pour des pratiques respectueuses de l’environnement. Ajoutez à cela l’insuffisance de la réduction des risques de catastrophe et de la gestion par les gouvernements – dont beaucoup sont confrontés à d’autres conflits et crises – et la situation est devenue vraiment catastrophique.

Selon les statistiques officielles, le Maroc dispose de ressources en eau qui comptent parmi les plus faibles du monde, avec le pourcentage d’eau le plus maigre par habitant. Les ressources en eau sont estimées à 22 milliards de mètres cubes par an, ce qui équivaut à 700 mètres cubes par personne par an, un taux faible dû au changement climatique.

La question de l’eau est très complexe car elle dépend  essentiellement de l’aspect géographique, du problème de gouvernance, du changement climatique ainsi que de l’élément démographique: le tourisme, l’agriculture et l’industrie se développent, ainsi que les villes.

En raison de sécheresses répétitives au cours des trois dernières décennies, chaque été un certain nombre de régions marocaines souffrent d’un manque d’eau potable. En août dernier, de nombreuses personnes ont souffert de l’absence d’eau potable dans les robinets pendant la fête religieuse de l’Aïd al-Adha.

Des solutions existent, y compris la solution politique, en particulier la bonne gouvernance. Les ressources en eau et leur distribution sont la responsabilité de tous – l’eau n’est pas comme le pétrole, elle est utilisée quotidiennement par tout le monde. La gestion de l’eau doit être mieux organisée. Les problèmes d’eau doivent également faire partie de notre système éducatif. Nous devrions expliquer le problème d’eau de manière pédagogique. Nous avons également besoin d’une réflexion proactive, sensibilisant la population et impliquant tous les secteurs liés à l’eau, en particulier l’agriculture.

Le Maroc a développé une expérience dans ce domaine, mais le rythme de travail doit être accéléré. Des étapes importantes et des politiques conçues pour une meilleure gestion d’eau existent déjà et elles sont en cours de mise en œuvre. Cependant, il y a des retards dans les projets de désinfection et de dessalement.

La pénurie d’eau dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, y compris le Maroc, pourrait constituer un facteur de déstabilisation, selon un rapport international publié récemment par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Banque mondiale.

Le rapport, intitulé « Gestion d’eau dans les systèmes fragiles: renforcer la résilience aux chocs et aux crises prolongées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord », note qu’une gestion efficace des ressources en eau peut être la clé de la croissance et de la stabilité.

L’instabilité associée à une mauvaise gestion d’eau peut se transformer en « un cercle vicieux qui exacerbe les tensions sociales parmi la population », ont souligné les experts des Nations Unies et de la Banque mondiale.

Le rapport exhorte les pays de la région, tels que le Maroc, à adopter des politiques axées sur l’augmentation des approvisionnements à la gestion à long terme des ressources en eau. Il recommande également de s’appuyer sur les nouvelles technologies pour soutenir une croissance durable, plutôt que sur des politiques inefficaces qui rendent les populations vulnérables aux effets des pénuries d’eau, redoublés par la demande croissante et le changement climatique.

Le rapport met en garde contre le fait de continuer à ignorer la solution au problème de l’eau en soulignant que « la rareté de l’eau liée au climat entraînera des pertes économiques estimées entre 6 et 14% du PIB d’ici 2050, le plus élevé au monde ».

Les pertes économiques dans la région signifient un chômage élevé. Selon les experts des Nations Unies, l’impact de la pénurie d’eau sur les moyens de subsistance traditionnels, tels que l’agriculture, est également exacerbé par le changement climatique et la mauvaise gouvernance.

En conséquence, le rapport souligne le risque d’insécurité alimentaire qui pourrait conduire à une migration climatique forcée, ainsi que des frustrations croissantes face aux gouvernements incapables de garantir les services de base.

Le Maroc a pris un certain nombre d’initiatives pour tenter de faire face aux sécheresses et aux problèmes d’eau, notamment l’installation de plus de 100.000 pompes solaires pour l’irrigation d’ici à 2020. Le Maroc, qui souhaite devenir une puissance régionale dans le domaine des énergies renouvelables, peut devenir, de ce fait, une véritable source d’inspiration pour beaucoup d’autres pays. Mais si les ressources en eau ne sont pas gérées avec une extrême prudence, les conséquences pourraient être dévastatrices.

La communauté internationale devrait encourager des pays tels que le Maroc à adopter une coopération forte en créant des instruments financiers permettant de disposer de fonds concessionnels et préférentiels.

La coopération mondiale qui a émergé depuis l’accord de Paris sur les changements climatiques en 2015 est certainement la bienvenue. Mais, si le travail collectif est essentiel au succès, il en va de même pour la reconnaissance des rôles et responsabilités distincts des gouvernements des pays industrialisés et en développement.

Cependant, comme le souligne la déclaration de Marrakech (COP 22) en 2016, pour réussir à atténuer les changements climatiques, il faudra un engagement politique au plus haut niveau. De plus, l’action climatique doit tenir compte des besoins et du contexte particuliers des pays en développement, en particulier des économies les moins développées et des plus vulnérables aux effets du changement climatique.

La déclaration fait appel aux gouvernements pour de plus grands efforts afin éliminer la pauvreté, garantir la sécurité alimentaire et relever les défis que pose le changement climatique pour l’agriculture. Elle appelle également à un soutien accru aux projets relatifs au climat, notamment par le renforcement des capacités et le transfert des technologies des pays développés vers les pays en développement.

Bien entendu, la responsabilité d’atténuer les changements climatiques ne relève pas uniquement des gouvernements. Les ONG, par exemple, ont déjà un impact majeur en mettant en œuvre des programmes éducatifs et même en organisant des manifestations pour sensibiliser l’opinion aux défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés, comme c’était le cas le weekend dernier dans plusieurs villes du monde.

Cependant, à bien des égards, le gouvernement est essentiel pour permettre de telles contributions. S’il est pratiquement impossible de lutter efficacement contre les changements climatiques sans la participation des organisations de la société civile, leur impact a souvent été compromis par les considérations politiques de leurs gouvernements, qui peuvent, par exemple, favoriser les fournisseurs d’énergie en place par rapport aux alternatives vertes, afin de préserver les emplois existants.

Certains gouvernements ont déjà mis en œuvre d’importantes mesures pour soutenir le passage à des pratiques plus respectueuses de l’environnement, notamment des incitations financières et commerciales. Ce n’est qu’avec davantage d’initiatives de ce type, ainsi qu’un engagement à donner suite à la déclaration de Marrakech et aux objectifs du Sommet pour l’action sur l’Afrique, que les gouvernements pourront mettre leurs pays et le monde sur la voie d’un véritable développement durable.

Par Moha Ennaji, (*) , Professeur à l’Université de Fès, et professeur visiteur à l’Université de Rutgers et de l’Université de Mansfield, pour Maghreb Canada Express, page 12, Vol. XVII, N°11 , Novembre 2019.

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