deroua-foretLa famille Hammou Ben Brahim, de Larb’a N’Oukabli; village enclavé dans le Haut-Atlas, est en fête : Le père vient d’être libéré de la prison. Il avait écopé d’une peine de 6 mois de prison et d’une amende de 5000 DH pour ‘’préjudice à la forêt .

A 60 Km de là, et plus exactement dans le territoire des BENI MOUSSA c’est une scène différente d’horreur qui se dessine à l’horizon à cause d’un tsunami en gestation.

En effet les défenseurs de l’environnement sont abasourdis, écœurés et endeuillés par les rumeurs, hélas concordantes, qui circulent : il semble que la FORÊT DEROUA va complètement disparaitre :  Les arbres seront arrachés et la forêt serait rasée et transformée en ferme agricole privée !

Deux poids deux mesures

Serait-ce la loi de la jungle ? D’une part le gouvernement Marocain punit sévèrement les pauvres gens quand ils touchent à la forêt ; mais d’autre part, il fermerait les yeux quand des intouchables la détruisent en l’exploitant injustement et en la transforment en fermes privées !

Pour saisir l’énormité de l’affaire il faudrait savoir que la foret DEROUA est une forêt originale. C’est le poumon de la région de Tadla en général et de la ville de Souk Sebt, du territoire de la tribu Beni Moussa et de la Province de Fquih Ben Salah en particulier.

En effet le texte officiel relatif à cette forêt stipule clairement que : la SIBE DEROUA est un « Écosystème original et unique témoin climacique de la plaine de Tadla, (plaine entièrement aménagé pour l’agriculture aujourd’hui) » (1)

 C’est une forêt centenaire qui s’étend sur 930 Hectares environ et qui fut délimitée pour la première fois par la colonisation Française en 1935 ! (2)

Et c’est la seule forêt digne de ce nom qui existe encore dans cette région : lieu préféré de sorties et de distraction pour les familles et les écoliers ; lieu de pâturage, de pisciculture, d’apiculture….

Déjà 163 Hectares ont été détruits et transformés en ferme agricole privée par des émiratis sous couvert de l’« investissement »  et 5 Hectares ont été occupés par des habitations.

 Le projet en préparation – s’il se réalise- va entièrement décimer la flore et la faune. La foret (d’environ 800 H) serait anéantie et transformée en ferme agricole privée mécanisée.

 Ce qui constituera une catastrophe écologique et humaine d’envergure aussi bien pour les générations actuelles que celles à venir .

Qu’en est-il de la législation ?

En théorie la législation Marocaine concernant le domaine forestier est très stricte et très sévère : (En vue d’assurer la préservation, la protection et le développement de ce patrimoine national, le législateur a consacré le principe de la domanialité des forêts et des formations assimilées, en se basant sur le principe de la présomption, et de leur inaliénabilité à l’exception des trois formes de transactions foncières (Distraction du régime forestier – Échange immobilier – Occupation temporaire) prévues par le Dahir du 10/10/1917.

En effet, « les forêts font parties du domaine privé de l’État et, de tout temps les tribus et les particuliers n’y ont exercé, à l’exclusion de tout droit privatif, que des droits à l’usage de tous, notamment ceux d’affouage ou de pacage ».) (3)

Là où le bât blesse c’est que le projet a été rejeté à l’unanimité par une commission officielle constituée pour juger son opportunité !

N’oublions pas que le gouvernement Marocain était l’organisateur de la COP22 qui visait le développement durable !

Ajoutons à cela le déséquilibre écologique provoqué par l’anéantissement d’une forêt toute entière et ses conséquences désastreuses sur la station de pisciculture de DEROUA (l’une des plus importantes au MAROC) et sur la biodiversité en général. En effet la foret DEROUA est une forêt riche et diversifiée génétiquement en flore et faune : avec un arboretum de 74 espèces, 3 espèces de mammifères, 12 espèces d’oiseaux nicheurs, 2 espèces de reptiles….(1) et (4)

LE malheur c’est que la foret DEROUA EST INSCRITE par les NATIONS UNIES comme site protégé et sauvegardé ! (5)

ALORS qui va l’emporter ?

Le respect de la constitution, l’application de l’arsenal juridique, l’état de droit, la justice sociale, les discours officiels sur le développement durable, la COP22, l’intérêt général, la raison…..OU la raison d’état, le bâton de l’autorité, la loi de l’argent et du plus fort, l’intérêt personnel, l’injustice sociale, le bafouement de la loi…..

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

(1 ) :  Descriptif officiel du SIBE DEROUA par le Centre d’Echange d’Information sur la Biodiversité du MAROC

http://ma.chm-cbd.net/manag_cons/esp_prot/sibe_ma/sibe_cont_ter/deroua-42/sibe_42

Deroua (42)

C’est la plaine du Tadla avec un sol argileux de type marron.  Ce site est un écosystème original de la plaine de Tadla, unique témoin climacique (plaine entièrement mise en culture aujourd’hui). Pour la flore on trouve une formation à oléastre, lentisque laissée en réserve. La faune est composé essentiellement de 3 espèces de mammifères, 18 espèces d’oiseaux nicheurs et 2 espèces de reptiles.

 Fiche technique du SIBE « Deroua (42) ». Date de publication : 24/11/2006

Couverture géographique. Maroc,. Mots-clefs : Aire protégée, SIBE,

Coordonnées: 32°18’N – 6°36’W

Références des cartes : 1/50.000 – SEBT OULAD – NEMMA

Province administrative : BENI MELLAL

Centre administratif proche : Souq Sebt Oulad Nemma

District forestier : Beni Mellal

Région biogéographique : n°10 – TADLA

Superficie proposée : 700 ha

Système foncier : Domaine forestier délimité

Usages : néant

Caractéristiques bioclimatiques : Thermoméditerranéen semi-aride tempéré.

Caractéristiques physiques: Plaine du Tadla – sol argileux de type marron.
Flore: Formation à oléastre, lentisque laissée en réserve: parcelle phytosociologique témoin de la végétation naturelle paraclimacique de la plaine du Tadla

Faune: 3 espèces de mammifères y sont présentes, 18 espèces d’oiseaux nicheurs y sont présentes, 2 espèces de reptiles y sont présentes.

Écosystèmes et milieux :    

Ecosystème original de la plaine de Tadla, unique témoin climacique (plaineentirèrement mise en culture aujourd’hui). Parcelle bien conservée assez dynamique.

(2) : Bulletin Officiel Marocain n° 1182 11/6/1935

(3) : Haut-commissariat des eaux et des forêts au Maroc  http://www.eauxetforets.gov.ma/Legislation/RegimeFoncier/Pages/Regime-Foncier.aspx

(4) : FAO, Etat des Ressources Génétiques Forestières mondiales, rapport national royaume du Maroc janvier 2013, annexes page 10.

(5) : http://www.protectedplanet.net/ et https://www.unep-wcmc.org/

Par Abdelkrim Nemmaoui, pour Maghreb Canada Express (MCE), page 10, Vol. XVII, N°12 , Décembre 2019.

Pour lire  l’édition de DÉCEMBRE 2019, cliquer sur l’image :

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