Je ne serais pas d’accord avec Fatima, cette battante qui a toujours eu mon admiration, à cause, entre autres, de son réflexe d’agir en « arabo-maroco-musulmane« . En clair sa volonté de vouloir légiférer pour imposer aux femmes d’ici son propre choix et non le leur … Dans leur propre intérêt !
Plus dictateur que ça tu meures !
En plus, elle fait agiter le spectre des pays totalitaires (Arabie saoudite, Iran) pour imposer son point-de-vue tout en brouillant les cartes, en jouant sur la peur et en oubliant (ou en passant sous silence) le fond du problème. Or il y a une grande différence entre la dictature qui impose un mode de vie unique et la démocratie qui défend le « choix » de son propre mode de vie!
Mme Fatima, sans le vouloir peut-être, veut faire prendre au Québec la voix de la dictature supposément éclairée. Or il n’y a que de sombres dictatures ! Or quelle que soit l’issue de ce débat au Québec, quel que soit le sacrifice que nous ferons des libertés des uns ici, les dictatures obtuses continueront leur oeuvre liberticide ailleurs !
Un autre épouvantail, habillé celui-ci avec la sagesse de la prévention par les adeptes du point de vue de Mme Houda Pépin: Si on ne fait rien le Québec va connaître les débordements que vivent certains pays européens dont la France. Or dans les pays où ont eu ces débordements, on passe sous silence l’histoire coloniale que se partagent ces pays avec leurs minorités visibles; histoire écrite avec les affres de l’occupation et dont les blessures saignent à la moindre agitation des minorités pour mieux s’en servir !
On passe également sous silence la spécificité de cette immigration qui a accouché d’apatrides socialement et culturellement déracinés; une immigration économique, sans sélection aucune, et qu’on croyait provisoire. Depuis, les immigrants provisoires ont accouché de problèmes permanents qu’on a cru bon de cacher dans des cités-ghettos, comme on cache de la poussière sous le tapis.
Comparer cette immigration musulmane en général, et maghrébine en particulier à celle d’ici, relèverait de l’inconscience politique.
Les Maghrébins d’ici, qu’ils soient laïques ou musulmans pratiquants, sont venus , non pas avec un mythe du retour refoulé, mais pour offrir à leur progéniture une seconde chance, un nouveau pays et de l’espoir de vivre une vie meilleure, loin de tous les conflits… De tous les intégrismes.
Les stigmatiser avec des restrictions issues d’une charte, serait comme créer, à rebours, les ghettos français avec les débordements qu’on sait; ce serait plonger toute une communauté dans la peur des lendemains : Avant, c’était la langue, maintenant les signes ostentatoires religieux … Et demain… ce sera quoi ?
En l’an 2001, un policier des frontières de Trinidad me lança en vérifiant mon passeport : T’as pas peur de voyager avec un prénom pareil ?
C’était sans méchanceté aucune. Et nous avions ri tous les deux: Trinidad étant l’un des rares pays où chrétiens, musulmans et hindouistes vivent en harmonie, allant jusqu’à décréter toutes les fêtes religieuses de ces trois religions fêtes nationales.
Mais quand je vois ici, au Québec, tout ce débat autour de la charte des valeurs, qui ne finit pas de finir, et qui à chaque étape, apporte son lot de rejet, je n’ai plus envie de rire en portant un prénom pareil! Après les signes ostentatoires, serait-ce le tour des prénoms ?
Abderaaaaakh ? C’est quoi ça… un prénom ou le bruit d’un moteur qui refuse de démarrer ? Ou bien tu t’intègres en t’appelant Albert comme tout le monde, ou bien tu t’en retournes chez vous ! (car l’intégration est le mot magique avec qui on fait avaler tout… à ceux qui ont peur de l’autre)
Abderrahman El Fouladi.
Pour citer cet article >>
Source : Maghreb Canada Express, N°04, Vol. XII, Avril 2014, page 6.