Par Mustpha Bouhaddar

Mustapha Bouhaddar (1)Depuis quelques années, les musulmans de France s’emploient à ouvrir leurs propres établissements scolaires. Collèges, lycées, écoles primaires et maternelles, voire crèches, à chaque rentrée scolaire un nouvel établissement voit le jour. A l’instar des mosquées, on compte plusieurs projets d’ouverture d’écoles en France. Mais comme les mosquées, faute d’avoir trouvé un ‘’business model ’ viable, nombre de ces établissements, qu’ils soient à l’état de projet ou pendant leur fonctionnement, connaissent pour la plupart des difficultés financières.

On cite souvent en France, les écoles catholiques et juives comme modèle. Car leur taux de réussite est élevé. D’ailleurs beaucoup d’immigrés du Maghreb et ailleurs, issus de la classe moyenne, envoient leurs rejetons dans les écoles catholiques.

Le cas des écoles musulmanes intéresse beaucoup les Français. D’ailleurs, « Le Parisien » du 06/05/13, leur a déjà consacré un reportage entier.

D’après ce quotidien, la première école est née en 2001 à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), baptisée «La Réussite». Il existe aujourd’hui une petite trentaine d’établissements privés musulmans dans l’Hexagone contre 300 de confession juive et 9000 de l’enseignement catholique. Seul le lycée Averroès de Lille est sous le régime de contrat d’association avec l’Etat. Avec ce statut, celui-ci prend en charge la rémunération des enseignants tout en laissant à l’établissement son «caractère propre», à condition qu’il accueille «tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances». Les autres écoles primaires, collèges et lycées musulmans souhaiteraient aussi bénéficier de cette reconnaissance car beaucoup rencontrent actuellement des difficultés financières. Souvent sous l’impulsion de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), la majorité des établissements sont nés au lendemain de la loi de 2004 qui, au nom de la laïcité, interdit les signes religieux à l’école. Dans leurs murs, le port du voile est autorisé. On apprend aussi dans ce quotidien que l’établissement musulman, le seul de l’Hexagone à être sous contrat avec l’Etat, caracole en tête du palmarès des lycées avec 100 % de réussite au Bac. Les 35 enseignants – dont 8 ne sont pas de culture musulmane – font preuve d’une «grande disponibilité» auprès des élèves. «J’ai 20 heures de cours mais je suis là le double», calcule Eric Dufour, professeur de français. Lui est aussi «responsable de niveau», chargé de superviser toutes les classes de première. Il doit savoir précisément qui décroche et a besoin d’aide ou qui est indiscipliné et doit être recadré. C’est une fonction, complémentaire à celle de professeur principal, qui a été créée de toute pièce par le lycée Averroès. Pour le professeur de français Eric Dufour, converti à l’islam, la religion musulmane a un impact sur la soif de connaissances et la motivation des lycéens. «Il y a dans le Coran une obligation à être curieux, à se construire en s’instruisant, à aller chercher le savoir», explique-t-il. Cet enseignant assure qu’il respecte scrupuleusement les programmes officiels de l’Education nationale. «Si j’étais dans le public, je ferais exactement les mêmes cours. Je ne m’interdis rien, j’en avais fait une condition à mon recrutement», martèle-t-il. Le recruteur en l’occurrence, c’est Hassan Oufker, le directeur qui, à la différence de ses collègues du public, peut choisir ses enseignants. «Le premier critère, c’est l’expérience. La moyenne d’âge des professeurs, chez nous, s’élève à une quarantaine d’années. Et la plupart restent d’une rentrée sur l’autre, il y a une stabilité», dit-il. Pas de turn-over donc comme dans les lycées publics situés, comme Averroès, dans un quartier sensible. Les professeurs qui y officient sont généralement plus jeunes, envoyés en ZEP au démarrage de leur carrière.

Qu’en est-il des écoles musulmanes aujourd’hui ?

D’après le quotidien français « 20 minutes » du 24/03/14, les écoles musulmanes veulent jouer dans la cour des grands. En effet, récemment, la fédération nationale de l’enseignement a vu le jour. Elle regroupe une dizaine de membres sur la vingtaine d’établissements musulmans en France. L’avantage de cette union est d’abord d’ordre financier. « En se fédérant, les écoles vont pouvoir passer de l’artisanat à la rigueur juridique qui leur est demandée pour répondre aux critères permettant de prétendre à un contrat d’association avec l’Etat », explique Bruno Poucet, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Picardie Jules-Verne. Seuls les lycées Averroès à Lille et Al-Kindi à Lyon, sont sous contrat, ce qui leur permet de bénéficier d’une prise en charge des salaires des enseignants par l’Etat et d’une participation des collectivités à leurs frais de fonctionnement. Les autres ne reçoivent aucune subvention.

En attendant un contrat d’association avec l’Etat, certains établissements pourront ainsi réduire les frais d’inscription des élèves. L’opération permettra aussi d’améliorer leur image auprès du grand public. Car ce contrat oblige les établissements à accueillir les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance.

Il faut savoir qu’en France, les écoles sous contrat avec l’Etat sont soumises au contrôle pédagogique et au contrôle financier de l’Etat. Ce qui donne une garantie supplémentaire aux parents et aux enseignants.

D’ailleurs, au Lycée Averroès de Lille, le taux d’absence des parents est inexistant. En effet, la direction de ce Lycée, voit dans la forte implication des familles, à la fois dans le suivi scolaire de leur progéniture, mais aussi dans la vie de l’établissement, l’une des raisons du succès des élèves. « La dimension religieuse de cet établissement influence davantage les parents que leurs enfants. Averroès, pour eux, c’est un peu la famille, ils se sentent à l’aise. » explique le directeur Hassan Oufker. Régulièrement, des rencontres entre les parents, les professeurs et le personnel de l’établissement sont organisées dans une ambiance conviviale, parfois autour d’un tagine ou une grillade. Ceux qui ont des difficultés en français peuvent échanger quelques mots en arabe avec les employés. Il arrive même que la présence des parents soit quotidienne. Certains ont, en effet, été embauchés comme surveillants. Ce sont aussi des mamans d’élèves qui, transformées en cuisinières bénévoles, assurent quotidiennement la cantine, proposant pour une bouchée de pain, omelette paysanne, couscous ou sandwiches variés. Parmi elles, Yasmina, dont la fille est en terminale. « On est fier de la réussite de ce lycée qui pousse nos enfants à aller le plus haut possible », savoure-t-elle.

Quoi qu’il en soit, on remarquera que si le taux de réussite au bac est très élevé dans les écoles catholiques, juives, et musulmanes à l’instar du Lycée Averroès, c’est que contrairement aux écoles de la République, on peut choisir ses élèves. Car hélas, dans les écoles de la République, il y a beaucoup de jeunes réfractaires aux règles de vivre et de travailler ensemble. Le goût et l’effort leur sont étrangers, la notion d’apprentissage régulier ne les séduit pas, et leur niveau est désastreux.

Il est loin le temps où l’école de la République, la seule école vraiment libre, car elle s’ouvre gratuitement à tous les enfants du peuple, et n’a d’autre souci que de libérer les consciences humaines grâce à une culture universelle.

Pour citer cet article >>  Par Mustapha Bouhaddar,
Source : Maghreb Canada Express, N°04, Vol. XII, Avril 2014, page

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